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Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr Arthur Schopenhauer Philosophie et philosophes Parerga et paralipomena Traduit par Auguste Dietrich, 1907 Numérisation et mise en page par Guy Heff Novembre 2013 www.schopenhauer.fr 3 | P h i l o s o p h i e e t p h i l o s o p h e s Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr PRÉFACE DU TRADUCTEUR Puisque c’est la trinité Fichte-Schelling-Hegel, et la séquelle infinie de leurs discipuli parvi, qui font les frais de la dissertation célèbre par laquelle s'ouvre notre troisième volume d'extraits des Parerga et Paralipomena, nous rappellerons ici, dans leurs grandes lignes, d’après un juge autorisé, les principaux caractères de l’hégélianisme. Voici ce que dit Edmond Schérer, qui était bien informé de tout le mouvement philosophique et religieux d'outre-Rhin au XIXe siècle. « L’œuvre de Kant avait été essentiellement critique ; Schelling prétendit élever l’intuition à la valeur d’un procédé scientifique. Kant avait laissé l’esprit et le monde en face l’un de l’autre ; Schelling entreprit de les ramener à l’identité. L’identité absolue, tel fut le nom de la doctrine nouvelle. L’homme et la nature ne faisaient plus qu’un pour la spéculation... Le monde de Schelling avait un défaut : il était raisonnable, mais il ne pensait pas ; il était esprit, mais il était mort. Cet absolu, que nous donnait l’intuition intellectuelle restait vague, abstrait, inerte, inorganique... Hegel aperçut assez vite quel était le point vulnérable des idées de son ancien condisciple de Tubingue. De même que, tout en s’appropriant la rigueur scientifique de Kant, il éprouvait, lui, l'homme de la réalité et de la substance, une vive répugnance pour le monde problématique et déshérité que lui laissait le philosophe de Königsberg, de même il éprouva une répugnance non moins vive pour les fantaisies 4 | P h i l o s o p h i e e t p h i l o s o p h e s Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr brillantes et faciles de Schelling. L’œuvre de Hegel revient proprement à ceci, qu’il a donné une méthode à la philosophie de l'identité... Hegel proposa une nouvelle méthode, qu'il appela spéculative, et qui consistait à unir la sévérité du procédé critique à la puissance du procédé poétique, à comprendre véritablement les choses, en empruntant leur substance pour leur prêter notre conscience... On a souvent pris la philosophie dans un sens plus modeste ; pour Hegel, elle est essentiellement la science de l'absolu... Rien n’est plus facile que de réfuter l’hégélianisme, lorsqu'on s'arrête à la lettre. C’est une porte ouverte, qu'il est parfaitement superflu d’en foncer. Hegel est jugé par sa tentative même. Comprendre l’univers, c’est le refaire... Le penseur qui court après l’absolu est un homme qui veut sauter hors de son ombre. La philosophie ainsi comprise ressemble à la quadrature du cercle; elle poursuit un but dont elle peut se rapprocher indéfiniment, mais qu’il serait contradictoire qu’elle atteignit. Quelque vaste qu'elle soit, la conception de Hegel est trop simple; elle méconnaît les enchevêtrements infinis de la nature, ses formules craquent et laissent échapper de tous côtés la substance des choses... L’arbitraire ici se trahit partout... Le système de Hegel est plein de disparates. C’est un mélange de puissance et de faiblesse. Il attire et repousse tour à tour. L’œuvre est stérile, parce qu’elle est contradictoire. Elle l’est dans son essence, elle l’est dans ses termes ; on ne peut l'énoncer sans faire jaillir la contradiction1 ». 1 Mélanges d’histoire religieuse : Hegel et l’hégélianisme. 5 | P h i l o s o p h i e e t p h i l o s o p h e s Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr Quant au style et à la manière d’écrivain de Hegel, il n’y a qu'une voix, une voix de blâme, à leur sujet. « Sa langue usuelle est le comble de la barbarie, dit encore Schérer; mais il a çà et là des mots d’un rare bonheur. Il est telle page de la Logique ou de la Phénoménologie dont le jargon semble défier l’intelligence humaine et qui fait douter que l’auteur se soit compris lui-même. Sa dialectique est d’une subtilité, d’une ténuité telle, que le Parménide de Platon semble en comparaison n’être qu’un jeu d’enfant; et, d'un autre côté, il tombe sans cesse dans l’image, dans la personnification, et l’on croirait, en le lisant, assister à la formation d'une mythologie, au développement d’un monde semblable a celui des anciens gnostiques, dans lequel les notions prenaient un corps, marchaient, passaient par toute sorte d'aventures. La philosophie de Hegel, riche, vivante, substantielle, est en même temps ingrate, scolastique, affaire de divisions, de subdivisions et de formules. Jamais homme n’eut un tour d'esprit aussi abstrait ». Foucher de Careil apprécie ce style et cette manière en termes plus sévères encore. « Il y a là, dit-il, toute une tératologie de la pensée, avec ses lois et ses symptômes fixes, irrécusables... Il crée une sorte de langue scientifique empruntée aux sciences les plus diverses, véritable Babel intellectuelle qui renouvelle le prodige de la confusion des langues... C’est de l’algèbre, des équations à plusieurs inconnues, des pages de chiffres relies par les signes + ou - . Aussi je ne connais pas de lecture plus fatigante qu’une page de Hegel. Le sphinx 6 | P h i l o s o p h i e e t p h i l o s o p h e s Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr présentant ses énigmes n'est pas plus obscur. Il en résulte que, pour déchiffrer Hegel, la première condition c’est d’avoir un dictionnaire hégélien, et quel dictionnaire !... Malheureux pileur de mots, dirait Carlyle, et le plus grand assembleur de nuages depuis les Nuées d’Aristophane2. » 2 Hegel et Schopenhauer, pp. 120, 128. A la suite de ces jugements d’hommes graves et qui ne riaient guère, on peut glisser, tout au moins dans une note, celui du malin et sarcastique Heine : c’est Méphistophélès doublant Faust et versant sa goutte corrosive sur la pensée de celui-ci. Dans l’Allemagne, Heine parle du « grand Hegel, le plus grand philosophe que ce pays ait enfanté depuis Leibnitz; il ne faut pas demander s’il domine de beaucoup Kant et Fichte. Il se fit couronner, et malheureusement oindre aussi quelque peu à Berlin, et il régna depuis lors sur la philosophie allemande ». C’est là évidemment une pointe ironique. Mais c’est dans les Reisebilder, son chef-d’œuvre en prose, qu'il lance tout son venin, et d’une façon aussi originale que fantasque. Voyageant en Italie et cheminant vers Lucques, il rencontre sur la route beaucoup de ces lézards gris « qui vivent depuis des milliers d’années dans les crevasses des rochers des Apennins ». Or, les lézards sont une race railleuse, et ils savent beaucoup d'histoires qu'ils racontent, volontiers. Un vieux d'entre eux lie conversation avec le voyageur. « Rien ne veut rétrograder dans le monde, me dit-il ; tout s’efforce d’aller de l’avant, et à la fin la nature avancera grandement. Les pierres deviendront plantes, les plantes animaux, les animaux hommes et les hommes dieux ». « — Mais, m'écriai-je, qu’adviendra-t-il de ces bonnes gens, les pauvres vieux dieux ? »— « Cela s’arrangera, mon ami, répondit-il: il est probable qu’ils abdiqueront, ou qu’on les mettra à la retraite d’une manière honorable ». — J'ai appris encore maint autre secret de mon philosophe de la nature à la peau hiéroglyphique, mais je lui ai donné ma parole d’honneur de n’en rien dévoiler. J’en sais plus maintenant que Schelling et Hegel — « Que pensez-vous 7 | P h i l o s o p h i e e t p h i l o s o p h e s Numérisé par Guy Heff - www.schopenhauer.fr Et, concluant sur le fond même de la doctrine, il déclare que Schopenhauer a détruit Hegel ; après l’avoir lu, il ne reste plus rien, ou presque rien, affirme-t-il, de l’hégélianisme. Et comme la première condition pour être lu est d'être lisible, c’est-à-dire lucide et intelligible, on s'explique aisément que la manière littéraire si différente des deux illustres frères ennemis de la philosophie, plus de ces deux hommes me demanda le vieux lézard avec un sourire ironique, quand j'eus mentionné ces noms. — « Si l'on songe, répondis-je, qu'ils ne sont que des hommes, et non des lézards, on doit s'étonner très fort du savoir de ces gens-à. Ils n'enseignent au fond qu’une seule et même doctrine, la philosophie de l'identité, qui vous est bien connue ; ils diffèrent seulement dans la manière de la présenter. Quand Hegel pose les principes de sa philosophie, un croit voir ces jolies figures qu’un habile maître d'école sait former par un adroit arrangement de toutes sortes de nombres, de telle sorte qu’un spectateur ordinaire n'aperçoit que l’apparence, la maisonnette, le petit bateau ou le petit soldat formés par ses nombres, tandis qu’un écolier qui pense peut reconnaître plutôt dans la figure la solution d'un profond uploads/Philosophie/ philosophie-et-philosophes 1 .pdf

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