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HAL Id: hal-01818328 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01818328 Preprint submitted on 19 Jun 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’épistémologie au risque de l’histoire : une lecture de Bachelard Julien Lamy To cite this version: Julien Lamy. L’épistémologie au risque de l’histoire : une lecture de Bachelard. 2018. ￿hal-01818328￿ L’épistémologie au risque de l’histoire : une lecture de Bachelard Julien Lamy Irphil (EA 4187) – Université Lyon 3 Pour un historien des sciences une vérité trouvée est la conclusion d’une histoire, elle est le terme d’une ligne particulière de recherches. Gaston Bachelard1 Gaston Bachelard est généralement présenté comme un représentant majeur et central de la philosophie des sciences en France (malgré un certain recul à l’heure actuelle), mais aussi comme une figure inaugurale et fondatrice de l’épistémologie historique, que ce soit en raison de son intérêt constant pour l’histoire effective des sciences, de sa volonté acharnée de rendre compte des enjeux épistémiques et philosophiques des « révolutions scientifiques » contemporaines, ou encore de son patient travail de reconstitution des étapes de l’évolution spectaculaire des théories, des concepts et des méthodes scientifiques à la charnière des XIXe et XXe siècles. Dans cette perspective, nous sommes pour ainsi dire conduits à considérer l’épistémologie bachelardienne comme étant une instanciation (ou une exemplification) d’un genre (ou d’un type) plus englobant, celui constitué par « l’épistémologie historique », que certains ont été d’ailleurs parfois tentés de qualifier également de « tradition française » de la philosophie des sciences, sans pouvoir toujours déterminer avec précision, il faut bien le reconnaître, le sens précis que nous devons donner à cette caractérisation « nationale » de ladite épistémologie (unité de style, « air de famille », appartenance à une tradition). Toujours est-il que ce jugement sur l’épistémologie bachelardienne est repérable dans diverses études historiographiques portant sur l’origine et la définition de l’épistémologie historique, dont un point de convergence est l’effort de classification des diverses tendances en philosophie des sciences. Leur ambition théorique commune sa caractérise, indépendamment des querelles idéologiques qu’un tel travail comparatiste peut engendrer2, par le fait de donner des éléments de compréhension censés permettre d’identifier, de concevoir clairement et distinctement, les propriétés définitoires regroupant les multiples démarches à l’œuvre dans le domaine de la philosophie des sciences en France et à l’étranger. Nous chercherons ici, sans être exhaustif dans l’analyse de la littérature, à reconstituer les conditions de définition de l’épistémologie historique telles qu’elles apparaissent dans sa réception commune, pour en extraire l’analyse des forces et des faiblesses de l’application du prédicat « historique » à l’épistémologie bachelardienne. Nous pourrons ainsi déterminer le sens et la fonction de la référence à l’histoire des sciences chez Bachelard, et montrer in fine qu’il faut distinguer plusieurs usages de l’histoire des sciences dans le cadre de cette épistémologie dite « historique ». 1 G. Bachelard, « Actualité de l’histoire des sciences », L’engagement rationaliste, Paris, PUF, 1972, p. 138-139. 2 Nous pensons ici au débat sur le clivage entre philosophie continentale et philosophie analytique qui, s’il permet parfois de mieux saisir les spécificités inhérentes à ces deux courants de la philosophie contemporaine, conduit le plus souvent à des généralités creuses, voire à des jugements de valeur hâtifs et à des affirmations péremptoires, escamotant la singularité des œuvres assimilées à l’une ou l’autre catégorie, et empêchant un questionnement de fond sur les convergences et divergences réelles entre les auteurs de ces deux traditions. J. LAMY 2 Bachelard et l’épistémologie historique : un état des lieux Nous mentionnerons ici, en guise de cadrage préliminaire, plusieurs études allant dans le sens que nous venons d’évoquer, car elles nous permettront de dessiner « à grands traits », de manière un peu schématique mais néanmoins éclairante, le référentiel herméneutique commun à partir duquel est habituellement appréhendée, comprise, voire évaluée et discutée, la démarche assumée par Bachelard en épistémologie. Dans son livre Les origines françaises de la philosophie des sciences3, publié en 2003, Anastasios Brenner déploie une réflexion de nature à la fois historique et philosophique sur la place du conventionnalisme de Poincaré dans les débats et l’évolution de la philosophie des sciences à la fin du XIXe et dans le courant du XXe siècle en France, en approfondissant les implications de deux constats liminaires : a) l’échec de la conception classique de la science ; b) les difficultés inhérentes au projet philosophique traditionnel de fondation de la connaissance scientifique. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, une section spécifique est consacrée à Bachelard et à Koyré, sous le titre « Bachelard, Koyré et la fin du positivisme ». Les deux auteurs y sont alors explicitement présentés comme étant les « figures de proue » de « l’école épistémologique française », Bachelard en tant que représentant de la philosophie historique des sciences, Koyré en qualité d’initiateur de l’histoire philosophique des sciences. Comme le souligne clairement Brenner : Leurs efforts conjugués ont donné lieu à une manière particulière d’analyser la connaissance scientifique, qui sera reprise par de nombreux disciples et épigones. Cette filiation se prolonge jusqu’à nos jours. Ce destin a eu pour effet de conférer une certaine unité à l’école française4. Et l’auteur de préciser, dans les pages qui suivent, que les principes directeurs de cette épistémologie de tradition française, qui fondent l’unité d’un style (une manière de procéder) plus qu’un corps de doctrine unifié autour d’axiomes communs, se manifestent par au moins trois aspects typiques : l’insistance sur le rôle des crises dans l’évolution réelle des sciences (discontinuité), l’affirmation d’un primat de la construction théorique par rapport au simple enregistrement de données observationnelles (rationalisme), la possibilité d’un accès cognitif à la réalité au moyen des connaissances scientifiques (réalisme). Dans cette perspective, on doit comprendre que l’épistémologie « à la française », au travers ces deux grandes figures inaugurales, se serait constituée dans et surtout par un dialogue critique avec l’héritage du positivisme, issu des œuvres d’Auguste Comte, qui avait défendu pour sa part avec insistance le caractère continu du développement des diverses sciences, la priorité de l’observation sur l’élaboration théorique, et une forme de phénoménalisme épistémologique. Brenner va même jusqu’à affirmer que Bachelard et Koyré « ont voulu infléchir le cours de la philosophie et de l’histoire des sciences ; ils ont préféré marquer leur différence en refusant radicalement le positivisme »5. Nous ne chercherons par à discuter ici du bien-fondé et de l’exactitude d’une telle interprétation, dans la mesure où la reconstruction minutieuse et détaillée du rapport que 3 A. Brenner, Les origines françaises de la philosophie des sciences, Paris, PUF, 2003. 4 Idem, p. 100. 5 Idem, p. 108. J. LAMY 3 Bachelard entretient avec le courant positiviste, qui se révèle pour le moins complexe, et paraît surtout irréductible à une simple position de rejet exclusif6, nous entraînerait trop loin de l’objet central de notre propos. Nous en retiendrons simplement l’idée que l’épistémologie historique, telle que l’inaugurent les travaux respectifs de Bachelard et de Koyré, se caractérise par un certain positionnement vis-à-vis du positivisme, entre continuité et rupture, distance et réappropriation, ce qui implique de fait que la philosophie positive soit reconnue comme doctrine de référence au sein de cette tradition. C’est ce que Georges Canguilhem avait déjà signalé en 1963, de façon plus nuancée, en insistant sur le fait que l’importance accordée à l’histoire des sciences dans l’épistémologie française est liée de façon étroite et indissoluble au développement du positivisme, et tout particulièrement au postulat d’un développement historique de l’esprit humain7. Ce point d’exégèse historiographique n’est pas secondaire. Il est au contraire selon nous de grande importance, car l’épistémologie historique de Bachelard ne peut pas être réellement comprise et interprétée dans sa logique propre indépendamment de cet arrière-plan anthropologique, même si la détermination de la nature discontinue de l’historicité de la raison et du rapport entre science et sens commun rompt effectivement chez Bachelard avec la solution de continuité défendue généralement par les positivistes classiques. Par ailleurs, il n’est pas absolument certain que toute forme de positivisme, par exemple le positivisme logique, qui se réclame dans une large mesure de l’inspiration empiriste du positivisme originel de Comte, soit si éloignée que cela de certaines des positions défendues par Bachelard à propos de l’usage que l’on doit faire de la référence à l’histoire des sciences en tant qu’épistémologue, notamment en ce qui concerne la nécessité de tenir compte des révolutions scientifiques du XXe siècle pour développer une philosophie des sciences valable, parce qu’idoine à la science en train de se faire. Comme le souligne notamment Jacques Bouveresse, dans l’étude détaille qu’il consacre spécifiquement à la reconstruction de l’héritage du positivisme dans les débats épistémologiques contemporains : Tout comme Bachelard, Reichenbach et les uploads/Philosophie/ j-lamy-enquete-epistemo-histoire-bachelard-version2-10-10-2015.pdf

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