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1 DOMAINE I : LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE INTRODUCTION GENERALE Au moment où l’humanité est sous le joug de la technoscience, la philosophie continue d’exister. Elle est enseignée dans les lycées, dans les instituts et dans les universités. Une question principielle mérite d’être posée : qu’est-ce que la philosophie ? La tâche est alors difficile lorsqu’il s’agit de la philosophie. Il n’est pas facile de répondre à cette question apparemment simple : La question de savoir ce qu'est la philosophie est une question difficile dans la mesure où il s'agit déjà d'une question philosophique au sujet de laquelle les avis des philosophes eux-mêmes sont divergents voire contradictoires. Face à cette question Jules Lachelier répond à ses élèves : je ne sais pas. Karl Jaspers, dans son ouvrage Introduction à la philosophie, Paris : Plon, 1960, p.01, va emboucher la même trompette en confessant : « On est d’accord ni sur ce qu’est la philosophie, ni sur ce qu’elle vaut » En effet, l’entreprise semble impossible à réaliser. Les tentatives de définitions sont nombreuses. La polysémie du terme « philosophie » n’est manifestement pas étrangère à cette situation. Selon son étymologie, la philosophie est définie comme « amour de la sagesse » par Pythagore. Formée à partir de philia et de sophos, elle traduit un désir, une quête de sagesse. Le philosophe, loin donc d’être le possesseur de la vérité, en est un pèlerin. Selon Platon, dans République, le philosophe est « possédé du désir de la sagesse, non pas tel ou tel élément, mais de la sagesse tout entière ». La philosophie est présentée aussi comme une réflexion critique. A ce niveau elle fonctionne comme un tamis c’est-à-dire elle cherche à discerner le vrai du faux. Ainsi, elle examine toute croyance et connaissance. La philosophie se résumerait dès lors d’après Edmond Husserl (1859-1938) dans Méditations cartésiennes à une « attitude d’un genre nouveau à l’égard du monde environnant ». La philosophie peut signifier encore la connaissance de la totalité. Conçue comme telle par Aristote et plus tard par Descartes, elle véhicule l’idée de la recherche du savoir. Ce faisant, elle s’intéresse à tout. La philosophie désigne enfin une vision du monde. Autrement dit, une manière particulière de concevoir le monde ou 2 de l’expliquer. Dès lors se présentent plusieurs philosophies (africaine, indienne, américaine etc.). Ce manque de consensus autour d’une définition unique ne saurait militer pour un abandon de l’activité philosophique. Car au-delà de la diversité des pensées philosophiques, derrière ces doctrines qui jalonnent la philosophie, un fil d’Ariane les relie à savoir une quête insatiable de vérité. En ce sens, elle étudiera son rapport avec les autres sciences. Ces dernières prétendent posséder la vérité. Elles seront donc comparées à la philosophie. Le sens commun est-il philosophique ? La philosophie est-elle un mythe? Est-elle antinomique avec la religion ? S’oppose-t-elle radicalement à la science ? Les réponses à ces questions permettront de souligner entre autre la spécificité de la philosophie. La réflexion philosophique s’articulera essentiellement autour de trois grands domaines. Elle porte son analyse d’abord sur la métaphysique où elle interroge les connaissances du supra-sensible. Dans l’interrogation anthropologique, elle scrute ensuite la nature de l’homme et sa place dans le cosmos. Pour enfin examiner les valeurs et leur hiérarchie dans l’interrogation axiologique. Mais au moment où la philosophie s’interroge, le monde change grâce à la science. Dès lors, d’aucuns proclament la mort de la philosophie. Son utilité est de plus en plus contestée dans un environnement où la pratique l’emporte sur la théorie. Néanmoins, la philosophie revendique sa place dans notre vie. Elle se veut un creuset à la fois de savoir et de morale. En définitive, réfléchir sur la philosophie, c’est s’interroger à plusieurs niveaux. D’où vient la philosophie ? Quelles sont ses propres caractéristiques? Quelles sont les principales questions de la philosophie ? Philosopher aujourd’hui est-il indispensable ? 3 CHAPITRE I- LES ORIGINES ET LA SPECIFICITE DE LA REFLEXION PHILOSOPHIQUE. A- Conditions d’émergence de la philosophie. Objectif : l’élève saura analyser le contexte de naissance et la particularité de la philosophie. Etude de texte: « Où commence la philosophie ? Il y a deux façons d’entendre la question. On peut se demander d’abord où situer les frontières de la philosophie, les marges qui la séparent de ce qui n’est pas encore ou pas tout à fait elle. On peut se demander ensuite où elle est apparue pour la première fois, en quel lieu elle a surgi_ et pourquoi là plutôt qu’ailleurs. Question d’identité, question d’origine, liées l’une à l’autre, inséparables, même si en trop bonne, en trop simple logique, la seconde semble supposer déjà résolue la première. On dira, pour établir la date et le lieu de naissance de la philosophie, encore faut-il connaître qui elle est, posséder sa définition afin de la distinguer des formes de pensée non philosophiques ? Mais, à l’inverse, qui ne voit qu’on ne saurait définir la philosophie dans l’abstrait comme si elle était une essence éternelle ? Pour savoir ce qu’elle est, il faut examiner les conditions de sa venue au monde, suivre le mouvement par lequel elle s’est historiquement constituée, lorsque dans l’horizon de la culture grecque, posant des problèmes neufs et élaborant les outils mentaux qu’exigeait leur solution, elle a ouvert un domaine de réflexion, tracé un espace de savoir qui n’existaient pas auparavant, où elle s’est elle-même établie pour en explorer systématiquement les dimensions. C’est à travers l’élaboration d’une forme de rationalité et d’un type de discours jusqu’alors inconnus que la pratique philosophique et le personnage du philosophe émergent, acquièrent leur statut propre, se démarquent, sur le plan social et intellectuel, des activités de métier comme des fonctions politiques ou religieuses en place dans la cité, inaugurant une tradition intellectuelle originale qui en dépit de toutes les transformations qu’elle a connues, n’a jamais cessé de s’enraciner dans ses origines(…). « S’étonner, déclare le Socrate du Théétète, la philosophie n’a pas d’autre origine. ». S’étonner se dit Thaumazein, et ce terme, parce qu’il témoigne du renversement qu’effectue par rapport au mythe l’enquête des Milésiens, les établit au point même où la 4 philosophie s’origine. Dans le mythe, Thauma c’est le « merveilleux », l’effet de stupeur qu’il provoque est le signe de la présence en lui du surnaturel. Pour les milésiens l’étrangeté d’un phénomène, au lieu d’imposer le sentiment du divin, le propose à l’esprit en forme de problème. L’insolite ne fascine plus, il mobilise l’intelligence. De vénération muette, l’étonnement s’est fait interrogation, questionnement. Lorsqu’au terme de l’enquête le thauma a été réintégré dans l’ordinaire de la nature, il ne reste de merveilleux que l’ingéniosité de la solution proposée. Ce changement d’attitude entraîne toute une série de conséquences. Pour atteindre son but, un discours explicatif doit être exposé : non seulement énoncé sous une forme et en des termes permettant de le bien comprendre, mais encore livré à une publicité entière, placé sous le regard de tous, de la même façon que, dans la cité, la rédaction des lois en fait pour chaque citoyen un bien commun également partagé. Arrachée au secret, la théoria du physicien devient ainsi l’objet d’un débat ; elle est mise en demeure de se justifier ; il lui faut rendre compte de ce qu’elle affirme, se prêter à critique et à controverse. Les règles du jeu politique_ la libre discussion, le débat contradictoire, l’affrontement des argumentations contraires_ s’imposent dès lors comme règles du jeu intellectuel. A coté de la révélation religieuse qui, dans la forme du mystère, reste l’apanage d’un cercle restreint d’initiés, à coté aussi de la foule des croyances communes que tout le monde partage sans que personne ne s’interroge à leur sujet, une notion nouvelle de la vérité prend corps et s’affirme : vérité ouverte, accessible à tous et qui fonde sur sa propre force démonstrative ses critères de validité. » Jean-Pierre Vernant, Les origines de la philosophie. Questions de compréhension 1) Quelle est l’idée générale de ce texte ? 2) Comment a-t-elle pu acquérir son propre statut par rapport aux autres éléments de la culture grecque ? 3) Que vise le philosophe à travers son questionnement ? Réponses aux questions Dans ce texte de J.P.VERNANT, il est question d’une réflexion sur les origines de la philosophie. Celle-ci s’impose, selon lui, dès lors qu’on cherche à comprendre la nature de 5 la philosophie : « Pour savoir ce qu’elle est, il faut examiner les conditions de sa venue au monde, suivre le mouvement par lequel, elle s’est historiquement constituée (…). ». Cette perspective montre que la philosophie est née au sein de l’espace de la culture grecque antique, à Milet en Ionie au VIème siècle avant Jésus Christ. Ses précurseurs sont Thalès, Anaximandre, Anaximène. Comment a-t-elle pu acquérir son propre statut par rapport aux autres éléments de la culture grecque ? Selon Vernant, c’est en initiant un discours posant des problèmes neufs et se caractérisant par une forme de rationalité. La philosophie est une nouvelle attitude de l’homme face au monde. Elle opère une rupture vis-à-vis du monde et installe une différence entre uploads/Philosophie/cours-de-philo-domaine-1.pdf

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