GRETHA UMR CNRS 5113 Université Montesquieu Bordeaux IV Avenue Léon Duguit - 33

GRETHA UMR CNRS 5113 Université Montesquieu Bordeaux IV Avenue Léon Duguit - 33608 PESSAC - FRANCE Tel : +33 (0)5.56.84.25.75 - Fax : +33 (0)5.56.84.86.47 - www.gretha.fr Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l’écodéveloppement Eric BERR Université de Bordeaux GREThA UMR CNRS 5113 Cahiers du GREThA n° 2008-24 Cahier du GREThA 2008 – 24 GRETHA UMR CNRS 5113 Université Montesquieu Bordeaux IV Avenue Léon Duguit - 33608 PESSAC - FRANCE Tel : +33 (0)5.56.84.25.75 - Fax : +33 (0)5.56.84.86.47 - www.gretha.fr Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l’écodéveloppement Résumé Tandis que le développement soutenable est aujourd’hui un mot d’ordre unanimement accepté, nous souhaitons montrer que le courant post keynésien, même s’il n’a que relativement peu intégré les questions liées à l’environnement et plus largement au développement soutenable, dispose d’instruments qui le rendent légitime en la matière. En effet, le développement soutenable, vu au prisme du paradigme post keynésien, peut être rapproché de l’écodéveloppement tel qu’il a été théorisé par Ignacy Sachs, lui-même inspiré par Kalecki. Ainsi, l’école post keynésienne et l’écodéveloppement partagent une même vision du rôle de la croissance économique et ils se rejoignent, via le concept d’incertitude radicale, sur l’importance du principe de précaution. Si les implications du principe de la demande effective semblent les opposer, ces divergences peuvent être aisément dépassées. Mots-clés : développement soutenable, écodéveloppement, Kalecki, Keynes, Sachs, post keynésien Sustainable Development in a Post Keynesian Perspective: Return to Basics of Ecodevelopment Abstract While sustainable development is a unanimously accepted watchword today, we wish to show that the post Keynesian school, even if it did not emphasize on environmental issues and, generally speaking, on sustainable development as such, has tools that make it relevant on this topic. Indeed, post Keynesian sustainable development can be close to Sachs’ ecodevelopment, which is inspired by Kalecki. Thus, post Keynesianism and ecodevelopment share the same position related to economic growth. They meet, via the concept of radical uncertainty, on the importance of the precautionary principle. If the implications of the principle of effective demand seem to oppose them, these divergences can be easily overcome. Keywords: sustainable development, ecodevelopment, Kalecki, Keynes, Sachs, post Keynesian JEL : B30 ; B59 ; E12 ; O11 Reference to this paper: Eric BERR “Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l'écodéveloppement”, Working Papers of GREThA, n° 2008-24, http://ideas.repec.org/p/grt/wpegrt/2008-24.html. Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l’écodéveloppement 3 1. Introduction Le développement soutenable est aujourd’hui un mot d’ordre unanimement accepté. Il est à la base de nombreuses politiques économiques, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, et sert de feuille de route aux institutions internationales comme le montre, par exemple, l’adoption des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2000. Cette unanimité de façade impose d’en préciser le contenu, faute de quoi le risque est grand de le voir rejoindre la longue liste des concepts vidés de leur substance. Il est pourtant indispensable de prendre la mesure du plus grand défi du 21ème siècle, qui consiste à promouvoir des modes de développement qui soient socialement équitables, écologiquement soutenables et économiquement viables. Mais envisager l’avenir avec un plus grand optimisme suppose de rompre avec l’optique néo-libérale qui régit les relations internationales depuis une trentaine d’années. Pour ce faire, nous souhaitons montrer que le courant post keynésien, même s’il n’a que relativement peu intégré les questions liées à l’environnement et plus largement au développement soutenable, dispose d’instruments qui le rendent légitime en la matière. En effet, les post keynésiens se sont construits en opposition avec la théorie néo- classique et rejettent toute approche basée sur le consensus de Washington (Berr et Combarnous, 2005, 2007 ; Berr, Combarnous et Rougier, 2008 ; Bresser-Pereira et Varela, 2004 ; Davidson, 2004). S’ils s’inspirent des travaux de John Maynard Keynes, les post keynésiens modernes sont également les héritiers de Michal Kalecki, Nicholas Kaldor, Joan Robinson, Roy Harrod ou Piero Sraffa. Des convergences existent avec d’autres écoles hétérodoxes, notamment avec les économistes institutionnalistes qui ont puisé aux sources de Thorstein Veblen ou de John Kenneth Galbraith. Deux caractéristiques essentielles sont associées à l’économie post keynésienne. Premièrement, elle adopte le principe de la demande effective conduisant la production à s’ajuster au niveau de la demande et reléguant ainsi les contraintes d’offre au second plan, tant à court terme qu’à long terme. Deuxièmement, elle appréhende le temps dans sa dimension historique, c’est-à-dire en intégrant la notion d’irréversibilité, tout en naviguant dans un univers incertain, c’est-à-dire non probabilisable. De ces caractéristiques découlent un certain nombre de principes que les post keynésiens partagent avec d’autres écoles de pensée hétérodoxes. Tout d’abord, ils accordent une grande importance au réalisme des hypothèses qui, bien que simplificatrices, doivent décrire un monde réel. Ils rejettent l’instrumentalisme néo-classique revendiqué notamment par Milton Friedman selon lequel la validité d’une hypothèse se mesure à son pouvoir de prédiction, ce qui fait dire à Paul Davidson, le chef de file des post keynésiens américains, qu’il vaut mieux être approximatif dans le vrai que très précis dans le faux (Lavoie, 2004, p.21). Ils adoptent une approche holiste où le Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l’écodéveloppement 4 comportement des individus est influencé par leur environnement social, culturel, et s’opposent à l’individualisme méthodologique fondant l’homo economicus. Ils rejettent le principe de rationalité absolue pour lui substituer celui de rationalité limitée ou procédurale qui conduit, dans un univers incertain où l’information est insuffisante, à chercher à atteindre non pas une situation optimale mais une situation satisfaisante. Ils étudient une économie de production et non une économie d’échange, ce qui les conduit à privilégier le concept de reproduction à celui de rareté. Enfin, ils considèrent que les marchés ne doivent pas être livrés à eux-mêmes et qu’ils doivent au contraire être régulés afin de limiter l’instabilité du système économique. A partir de ce corpus théorique, nous souhaitons montrer que le développement soutenable, vu au prisme du paradigme post keynésien, peut être rapproché de l’écodéveloppement tel qu’il a été théorisé par Ignacy Sachs (1980, 1997). Outre que cela peut se justifier par le simple fait que Sachs, qui fut en son temps un proche collaborateur de Kalecki à l’école de planification et de statistiques de Varsovie, reconnaît sa filiation kaleckienne, nous pensons que l’école post keynésienne et l’écodéveloppement partagent une même vision du rôle de la croissance économique et qu’ils se rejoignent, via le concept d’incertitude radicale, sur l’importance du principe de précaution. Si les implications du principe de la demande effective semblent les opposer, nous verrons que ces divergences peuvent être aisément dépassées. Mais avant de tenter de concilier l’écodéveloppement et l’école post keynésienne, il convient de revenir sur la genèse du concept de développement soutenable et sur les caractéristiques principales de l’écodéveloppement. 2. Une brève histoire contemporaine du développement soutenable1 Le concept de développement soutenable a été popularisé dans les années 1980, notamment par l’intermédiaire du rapport de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (CMED) (1987) — le fameux rapport Brundtland — qui en donne la définition suivante, communément admise aujourd’hui : « le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (CMED, 1987, p.51). Cependant, dès la fin des années 1960, on assiste à un intérêt croissant envers les questions environnementales. Ainsi, les travaux du Club de Rome, qui aboutiront à la publication en 1972 du rapport Meadows (Meadows et al., 1972) mettent en évidence les conséquences écologiques du modèle occidental de développement et montrent pour la première fois qu’il existe des limites naturelles à la croissance économique. Ce rapport, qui analyse cinq variables — la technologie, la population, l’alimentation, les ressources naturelles et l’environnement —, conclut que pour empêcher le système mondial de s’effondrer à l’horizon 2000, il faut stopper l’accroissement de la population et la croissance économique. Cette même année, la première conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, qui se déroule à Stockholm, inscrit définitivement l’environnement à l’ordre du jour de la communauté internationale. Elle incite les pays en développement à explorer d’autres modes de croissance et va donner naissance à la notion d’écodéveloppement (Sachs, 1980, 1997) qui met en avant des principes tels que l’équité, la minimisation des atteintes aux systèmes naturels, le respect des cultures ou encore la planification socio-économique. La déclaration de Cocoyoc (1974) fait franchir une étape 1 Voir aussi Vivien (2003). Le développement soutenable dans une perspective post keynésienne : retour aux sources de l’écodéveloppement 5 supplémentaire dans la prise de conscience de la difficulté de satisfaire durablement les besoins humains dans un environnement soumis à de nombreuses pressions et, en approfondissant le concept d’écodéveloppement, appelle à des solutions plus radicales. Cette déclaration, qui est le résultat des réflexions menées lors d’un colloque d'experts organisé à Cocoyoc (Mexique) par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et la Commission des Nations uploads/Philosophie/ecodeveloppement-pdf 1 .pdf

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