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29/08/2019 Enquêter sur nos attachements. Comment hériter de William James ? https://journals.openedition.org/sociologies/4953 1/20 SociologieS Traverses : l’exploration de nouvelles voies d’investigation Dossiers Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes, expérimentations Traverses : l’exploration de nouvelles voies d’investigation Enquêter sur nos attachements. Comment hériter de William James ? Doing survey on our attachments. How to inherit from William James? ANTOINE HENNION Résumés Français English Español Cet article ne vise pas à faire assimiler le pragmatisme aux sciences sociales, non plus qu’à proclamer leur irréconciliable divergence : il soumet la question à l’enquête. Si un rapprochement est possible, il faut en payer le prix, celui des remises en cause qu’une telle approche exige. L’article met d’abord en évidence les conceptions le plus irréductibles du pragmatisme, en particulier l’empirisme radical et le pluralisme indéterministe de William James. Pour autant, il n’est ni possible ni souhaitable d’« appliquer » les idées de celui qui, en outre, est le moins « social » des pères fondateurs du pragmatisme : tout le travail reste à faire, si l’on veut rendre les sciences sociales plus sensibles à l’expérience en cours. À partir de travaux menés au sein du collectif « Attachements », l’article discute enfin des façons d’engager plus fermement l’enquête vis-à-vis des objets, des êtres et des réalités en cause, dans un monde pluriel toujours en train de se faire. This paper aims neither to assimilate pragmatism into the social sciences, nor to claim that the two are totally divergent: it merely raises the question of the social survey. If a rapprochement is possible, there is a price to be paid, which is the radical reappraisals that such an approach requires. The irreducible aspects of pragmatism, particularly the radical empiricism of James, are underlined. This does not mean that it is thereby possible to ‘apply’ the ideas of James, the least ‘social’ of the founding fathers of pragmatism, in order to make the survey more sensitive to the ongoing nature of the experiment: that work remains to be done. Using current research, this paper offers some suggestions as to the forms a survey might take, and the different relations it entails with the individuals and realities involved, within the plurality of a world that is always in the making. Analizar nuestras adhesiones. ¿Como aceptar la herencia de William James? Este artículo no pretende afirmar que las ciencias sociales asimilen el pragmatismo pero tampoco proclamar que hay divergencias inconciliables: el problema reside en la encuesta misma. Si un acercamiento es posible hay que « pagar el precio » es decir, ser capaces de poner radicalmente en tela de juicio los presupuestos teóricos. En el artículo se insiste en las concepciones irreductibles del pragmatismo, particularmente el empirismo radical de James. Esto no quiere decir que puedan aplicarse sus teorías ya que es el menos « social » de los padres del pragmatismo. A partir 29/08/2019 Enquêter sur nos attachements. Comment hériter de William James ? https://journals.openedition.org/sociologies/4953 2/20 de trabajos en trámites de realización, el artículo propone algunas pistas sobre las formas que puede adoptar la encuesta, y las diferentes relaciones que pueden tener con la realidad analizada en un mundo en constante devenir. Entrées d’index Mots-clés : pragmatisme, enquête, William James, expérience, empirisme radical Keywords : pragmatism, investigation, William James, experiment, radical empericism Texte intégra l « Ainsi, lorsque nous parlons de la “psychologie comme science naturelle”, il ne faut pas croire que cela implique une sorte de psychologie qui repose enfin sur des fondements solides. Cela implique précisément le contraire, cela implique une psychologie particulièrement fragile, où la critique métaphysique suinte de toutes les articulations, une psychologie dont toutes les hypothèses et les données élémentaires doivent être reprises dans des contextes qui les dépassent, et exprimées en d’autres termes » William James, Précis de psychologie, 2003 [1892-97], pp. 433-434 J’ai choisi de donner un ton un peu personnel à ma contribution à ce Dossier « Pragmatisme et sciences sociales », un ton à la fois plus engagé et moins assuré qu’il n’est d’usage dans un article scientifique. En mettant le projecteur sur l’un des pères fondateurs du pragmatisme, William James, je vais exposer la façon dont, dans les réflexions, travaux et enquêtes dont nous avons discuté au sein du collectif « Attachements » 1, nous avons pu tirer profit de cette lecture. Mais que le lecteur ne s’inquiète pas, il ne s’agit pas seulement de proposer ma vision de cet auteur, même si je suis sensible au personnage, à son style et à ses thèses, ni de montrer simplement l’intérêt qu’aujourd’hui un sociologue peut trouver au pragmatisme 2. Cet aspect des choses sera présent, mais de façon indirecte ; l’idée est plutôt, dans l’esprit du pragmatisme, de refaire de cette pensée une pensée en actes, elle n’existe qu’à travers les usages et les effets qu’elle peut avoir dans d’autres circonstances que celles qui l’ont vu naître, sur d’autres questions et, en l’occurrence, dans d’autres disciplines et traditions de recherche. 1 Si ce texte met l’accent sur William James, c’est pour prendre la thématique de ce Dossier à revers. En effet, son objectif premier n’est pas d’œuvrer à rendre les sciences sociales plus pragmatistes, même si un tel rapprochement est à la fois fondé et nécessaire et la tâche honorable. Il n’est pas de se demander comment pratiquer des recherches en sciences sociales méritant l’épithète « pragmatistes » ni, plus modestement, comment faire bénéficier celles-ci des vues de ce courant mais, à l’inverse, de mesurer à quel point un certain pragmatisme bouscule des principes fondamentaux des sciences sociales 3. Est-il si sûr que les deux démarches soient compatibles ? Et, en cas de désaccords de fond, sommes-nous tenus d’avoir d’office comme seul souci, pour des raisons professionnelles, de défendre notre discipline et de nous assurer que le dernier mot lui revient, ou au moins de prouver à tout prix que la conciliation est possible ? Dit plus crûment, en cas de graves divergences, peut-on, au moins à titre d’hypothèse de travail (c’est pour cela que je parlais d’un essai un peu incertain), prendre le parti du pragmatisme contre les sciences sociales et non pas seulement pour elles ? Loin d’apaiser ces éventuelles divergences, il me semble opportun de les pousser à fond, pour leur faire dire leur part de vérité. 2 Au demeurant, la portée iconoclaste de cet exercice peut tout de suite être relativisée. Les sciences sociales n’en mourront pas. Elles ont pris des formes si diverses qu’il n’est pas de démarche qu’elles ne puissent reconnaître comme étant des leurs. De tout temps, elles ont eu recours de façon plus ou moins explicite à des métaphysiques, à des anthropologies et à des épistémologies sous-jacentes extrêmement diverses, opposées, ou même contradictoires chez un même auteur. Cela ne les a pas empêchées de se développer, car ce qui les rassemble est plus à chercher du côté de la nécessité des enquêtes empiriques que des présupposés théoriques. Mais le statut ambigu de 3 29/08/2019 Enquêter sur nos attachements. Comment hériter de William James ? https://journals.openedition.org/sociologies/4953 3/20 l’empirisme que les sociologues revendiquent comme une sorte d’évidence disciplinaire fait partie du problème : il ne rend que plus mystérieux le lien que cet empirisme, faisant de façon plus ou moins explicite l’unité d’une discipline à partir du travail de terrain, de méthodes et de pratiques, peut (ou non) avoir avec l’empirisme des philosophes (ou plutôt avec leurs empirismes, au pluriel), dont l’auteur des Essais d’empirisme radical a à la fois été un héritier direct et un critique acerbe. Une version optimiste consiste à voir dans la sociologie une philosophie empirique en actes, enfin réalisée 4. Dans une version moins généreuse, on peut aussi remettre en cause l’effet disciplinaire lui-même : quelles questions un tel accord pratique sur des façons de travailler, largement implicite, empêche-t-il les sciences sociales de se poser ? 5 Un autre point préalable, avant d’en venir à William James. Le fait même que je puisse contribuer au débat sur les rapports entre pragmatisme et sciences sociales sous cet angle incisif tient à l’état actuel du débat en France : heureusement, la période des préjugés est passée, après quelques années durant lesquelles, comme c’est souvent le cas, les prises de position ont précédé la bonne connaissance d’auteurs et de courants d’abord affublés d’office des traits qu’on voudrait qu’ils aient pour pouvoir les en accuser – en particulier l’utilitarisme ou l’opportunisme sans principe d’une philosophie typiquement américaine 6. Surtout, la question de recherche qui semblait préoccuper avant tout de nombreux sociologues intéressés par le pragmatisme était celle de la forte tension supposée des sociologies dites pragmatiques avec la tradition critique. Dans ces conditions, le renvoi à des auteurs originaux servait plus à argumenter sur cette scène franco-française qu’à se laisser troubler par des voix étrangères et se rendre réceptif à leurs propres concerns. Loin de chercher avidement ce que les pragmatistes américains pouvaient apporter de nouveau, il s’agissait de les faire se plier docilement à la façon dont nous avions fixé les termes des problèmes. 4 Plusieurs écrans de projection, la uploads/Philosophie/enqueter-sur-nos-attachements-comment-heriter-de-william-james.pdf

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