Marcel MAUSS et Paul Fauconnet « La sociologie, objet et méthode » Article « So
Marcel MAUSS et Paul Fauconnet « La sociologie, objet et méthode » Article « Sociologie » extrait de la Grande Encyclopédie, vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie, Paris, 1901. Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Marcel Mauss et Paul Fauconnet (1901), «Sociologie», Année sociologique, vol 30, 1901 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de : Article « Sociologie » extrait de la Grande Encyclopédie, vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie, Paris, 1901. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 16 février 2002 à Chicoutimi, Québec. Marcel Mauss et Paul Fauconnet (1901), «Sociologie», Année sociologique, vol 30, 1901 3 Table des matières La sociologie : objet et méthode (par Paul Fauconnet et Marcel Mauss) (1901) Article « Sociologie » extrait de la Grande Encyclopédie, vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie, Paris, 1901. I. Objet de la sociologie Du phénomène social De l’explication sociologique II. Méthode de la sociologie Définition Observation des faits Systématisation des faits Caractères scientifique des hypothèses sociologiques III. Divisions de la sociologie Marcel Mauss et Paul Fauconnet (1901), «Sociologie», Année sociologique, vol 30, 1901 4 La sociologie : objet et méthode (1901) 1 par Paul Fauconnet et Marcel Mauss Retour à la table des matières Mot créé par Auguste Comte pour désigner la science des sociétés. Quoique le mot fût formé d'un radical latin et d'une terminaison grecque et que pour cette raison les puristes aient longtemps refusé de le reconnaître, il a aujourd'hui conquis droit de cité dans toutes les langues européennes. Nous allons essayer de déterminer successivement l'objet de la sociologie et la méthode qu'elle emploie. Puis nous indiquerons les principales divisions de la science qui se constitue sous ce nom. On remarquera sans peine que nous nous inspirons directement des idées qu'a exprimées Durkheim dans ses différents ouvrages. Si d'ailleurs nous les adoptons, ce n'est pas seulement parce qu'elles nous paraissent justifiées par des raisons théoriques, c'est encore qu'elles nous semblent exprimer les principes dont les diverses sciences sociales, au cours de leur développement, tendent à devenir de plus en plus conscientes. I. OBJET DE LA SOCIOLOGIE Parce que la sociologie est d'origine récente et qu'elle sort à peine de la période philosophique, il arrive encore qu'on en conteste la possibilité. Toutes les traditions métaphysiques qui font de l'homme un être à part, hors nature, et qui voient dans ses actes des faits absolument différents des faits naturels, résistent aux progrès de la pensée sociologique. Mais le sociologue n'a pas à justifier ses recherches par une argumentation philosophique. La science doit faire son œuvre dès le moment qu'elle en entrevoit la possibilité, et des théories philosophiques, même traditionnelles, ne sauraient constituer des objections à la légitimité de ses démarches. Si d'ailleurs, comme il est vraisemblable, l'étude scientifique des sociétés rend nécessaire une conception différente de la nature humaine, c'est à la philosophie qu'il appartient de se mettre en harmonie avec la science, à mesure que celle-ci obtient des résultats. Mais 1 Article « Sociologie » extrait de la Grande Encyclopédie, vol. 30, Société anonyme de la Grande Encyclopédie, Paris, 1901. Marcel Mauss et Paul Fauconnet (1901), «Sociologie», Année sociologique, vol 30, 1901 5 la science n'a pas plus à prévoir qu'à éviter ces conséquences lointaines de ses découvertes. Tout ce que postule la sociologie, c'est simplement que les faits que l'on appelle sociaux sont dans la nature, c'est-à-dire sont soumis au principe de l'ordre et du déterminisme universels, par suite intelligibles. Or cette hypothèse n'est pas le fruit de la spéculation métaphysique; elle résulte d'une généralisation qui semble tout à fait légitime. Successivement cette hypothèse, principe de toute science, a été étendue à tous les règnes, même à ceux qui semblaient le plus échapper à ses prises : il est donc rationnel de supposer que le règne social - s'il est un règne qui mérite d'être appelé ainsi - ne fait pas exception. Ce n'est pas au sociologue à démontrer que les phéno- mènes sociaux sont soumis à la loi : c'est aux adversaires de la sociologie à fournir la preuve contraire. Car, a priori, on doit admettre que ce qui s'est trouvé être vrai des faits physiques, biologiques et psychiques est vrai aussi des faits sociaux. Seul un échec définitif pourrait ruiner cette présomption logique. Or, dès aujourd'hui, cet échec n'est plus à craindre. Il n'est plus possible de dire que la science est tout entière à faire. Nous ne songeons pas à exagérer l'importance des résultats qu'elle a obtenus; mais enfin, en dépit de tous les scepticismes, elle existe et elle progresse : elle pose des problèmes définis et tout au moins elle entrevoit des solutions. Plus elle entre en contact avec les faits et plus elle voit se révéler des régularités insoupçonnées, des concordances beaucoup plus précises qu'on ne pouvait le supposer d'abord; plus, par conséquent, se fortifie le sentiment que l'on se trouve en présence d'un ordre naturel, dont l'existence ne peut plus être mise en doute que par des philosophes éloignés de la réalité dont ils parlent. Mais si l'on doit admettre sans examen préalable que les faits appelés sociaux sont naturels, intelligibles et par suite objets de science, encore faut-il qu'il y ait des faits qui puissent être proprement appelés de ce nom. Pour qu'une science nouvelle se constitue, il suffit, mais il faut : d'une part, qu'elle s'applique à un ordre de faits nettement distincts de ceux dont s'occupent les autres sciences; d'autre part, que ces faits soient susceptibles d'être immédiatement reliés les uns aux autres, expliqués les uns par les autres, sans qu'il soit nécessaire d'intercaler des faits d'une autre espèce. Car une science qui ne pourrait expliquer les faits constituant son objet qu'en recou- rant à une autre science se confondrait avec cette dernière. La sociologie satisfait-elle à cette double condition? Du phénomène social En premier lieu y a-t-il des faits qui soient spécifiquement sociaux? On le nie encore communément, et parmi ceux qui le nient figurent même des penseurs qui prétendent faire œuvre sociologique. L'exemple de Tarde est caractéristique. Pour lui, les faits dits sociaux ne sont autre chose que des idées ou des sentiments individuels, qui se seraient propagés par imitation. Ils n'auraient donc aucun caractère spécifique; car un fait ne change pas de nature parce qu'il est plus ou moins répété. Nous n'avons pas pour l'instant à discuter cette théorie; mais nous devons constater que, si elle est fondée, la sociologie ne se distingue pas de la psychologie individuelle, c'est-à-dire que toute matière manque pour une sociologie proprement dite. La même conclusion s'inspire, quelle que soit la théorie, du moment où l'on nie la spécificité des faits sociaux. On conçoit dès lors toute l'importance de la question que nous examinons. Marcel Mauss et Paul Fauconnet (1901), «Sociologie», Année sociologique, vol 30, 1901 6 Un premier fait est constant, c'est qu'il existe des sociétés, c'est-à-dire des agrégats d'êtres humains. Parmi ces agrégats, les uns sont durables, comme les nations, d'autres éphémères comme les foules, les uns sont très volumineux comme les gran- des églises, les autres très petits comme la famille quand elle est réduite au couple conjugal. Mais, quelles que soient la grandeur et la forme de ces groupes et de ceux qu'on pourrait énumérer - classe, tribu, groupe professionnel, caste, commune - ils présentent tous ce caractère qu'ils sont formés par une pluralité de consciences indivi- duelles, agissant et réagissant les unes sur les autres. C'est à la présence de ces actions et réactions, de ces interactions que l'on reconnaît les sociétés. Or la question est de savoir si, parmi les faits qui se passent au sein de ces groupes, il en est qui manifestent la nature du groupe en tant que groupe, et non pas seulement la nature des individus qui les composent, les attributs généraux de l'humanité. Y en a-t-il qui sont ce qu'ils sont parce que le groupe est ce qu'il est? A cette condition, et à cette condi- tion seulement, il y aura une sociologie proprement dite; car il y aura alors une vie de la société, distincte de celle que mènent les individus ou plutôt distincte de celle qu'ils mèneraient s'ils vivaient isolés. Or il existe bien réellement des phénomènes qui présentent ces caractères, seulement il faut savoir les découvrir. En effet, tout ce qui se passe dans un groupe social n'est pas une manifestation de la vie du groupe comme uploads/Philosophie/ la-sociologie 2 .pdf
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- Publié le Nov 30, 2022
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