Gaston Bachelard Conférence par Brigitte Boudon http://philosophie-marseille.co
Gaston Bachelard Conférence par Brigitte Boudon http://philosophie-marseille.com Gaston Bachelard laisse une œuvre originale et forte, qui se développe en suivant deux versants, un versant diurne et un versant nocturne. Le versant diurne est celui de la raison, de l’action, de la maîtrise du monde comme de soi-même ; le versant nocturne est celui du rêve et de la poésie, du cœur et du sentiment. . Le premier aborde l’histoire des sciences ou épistémologie ou encore psychanalyse de la connaissance scientifique : il s’agit de mettre en évidence les conditions du progrès scientifique, de repérer les moments de rupture qui déterminent les avancées de la connaissance et de comprendre les mécanismes psychologiques qui interviennent dans le processus de la recherche. Bachelard montre que toute science expérimente des révolutions, qu’elle ne progresse pas de manière continue, avec un enrichissement graduel du savoir. . Le second, plus poétique, débouche sur une véritable métaphysique de l’imaginaire qui va se construire au fil des années, de 1938 à 1961. Sa vie, ses principales œuvres Né à Bar-sur-Aube en Champagne en 1884, dans un « pays de ruisseaux et de rivières », petit-fils de cordonnier, il est d’abord employé de postes ; puis il passe une licence de sciences et devient professeur de physique et chimie à Bar-sur-Aube. Il réussit en 1922 l’agrégation de philosophie et enseigne cette discipline à la Faculté de Dijon avant de devenir professeur à la Sorbonne en 1940, où il restera jusqu’en 1954. Il entre à l’Académie des sciences morales et politiques en 1955 et obtient le Grand Prix National des Lettres en 1961. Il meurt à Paris le 16 octobre 1962. Mentionnons, parmi ses œuvres importantes: Le nouvel esprit scientifique (1934), La formation de l’esprit scientifique (1938), La psychanalyse du feu (1938), La philosophie du non (1940), L’Eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière (1942), L’Air et les songes. Essai sur l’imagination du mouvement (1943), La Terre et les rêveries du repos. Essai sur les images de l’intimité (1946), La Terre et les rêveries de la volonté. Essai sur l’imagination des forces (1948), L’activité rationaliste de la physique contemporaine (1951), La poétique de l’espace (1957), La poétique de la rêverie (1960), La flamme d’une chandelle (1961). La pensée de Bachelard s’enracine dans une triple source : . celle de la science de la première moitié du 20ème siècle . celle de Carl Gustav Jung et la notion d’inconscient collectif . une source littéraire, des cosmogonies grecques et notamment celle d’Hésiode à Henri Michaux, en passant par Lautréamont. 1 - L’épistémologie L’idée de rupture est au cœur de l’épistémologie de Bachelard qui professe que des configurations nouvelles apparaissent et que la connaissance objective se développe, non pas parce que des problèmes propres à l’objet d’étude ont été résolus, mais grâce à des victoires sur les obstacles épistémologiques, c’est-à-dire sur les entraves et résistances internes à l’acte même de connaître (l’opinion, l’expérience sensible immédiate, la certitude immédiate etc.) « C’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. » La Formation de l’esprit scientifique Les principaux obstacles épistémologiques sont : . L’expérience première . la connaissance générale . l’obstacle substantialiste . vouloir trop de précision et exclure l’approximation . la notion de continuité D’autre part, l’accès à la connaissance scientifique, donc l’effacement des préjugés et des mythes requiert une véritable psychanalyse de nos illusions, de manière à remonter jusqu’à l’inconscient collectif producteur de nos erreurs. C’est pourquoi il convient de mettre au jour les thèmes inconscients qui sont facteurs de blocages : afin de les exorciser et de les rendre inoffensifs. En quelque sorte, le philosophe doit comprendre et pratiquer une thérapie. L’épistémologue se présente comme un thérapeute de la raison scientifique, chargé de psychanalyser les notions, attaché à ce qui trouble la connaissance objective. Dans le déroulement de l’histoire des sciences, il privilégie les fractures : la connaissance s’élabore contre une connaissance antérieure, en détruisant des notions, en reconstruisant, à chaque étape, de nouvelles fondations. Ce qui, ainsi, lui permet de mettre en évidence des coupures épistémologiques, c’est-à-dire des ruptures méthodologiques, des changements de concepts et de méthodes à l’intérieur d’une discipline. Fractures, séries : il faut donc découvrir le socle discontinu et brisé sur lequel se bâtit le discours scientifique. Trois étapes scandent l’histoire des sciences La première, qui s’étend de l’antiquité classique jusqu’au 18ème siècle, délimite l’état pré-scientifique. La seconde va de la fin du 18ème jusqu’au début du 20èmesiècle et correspond à l’état proprement scientifique. La troisième, enfin, qui commence en 1905, avec l’établissement de la Théorie de la relativité restreinte, coïncide avec ce que Bachelard nomme Le Nouvel Esprit scientifique. Celui-ci se caractérise par une abstraction croissante et ne se situe jamais dans une perspective concrète et réaliste. C’est l’ « homo mathematicus » qui l’anime et ce sont les symboles mathématiques qui lui donnent sens. « Désormais, l’étude du phénomène relève d’une activité purement nouménale ; c’est la mathématique qui ouvre les voies nouvelles à l’expérience. » Contre Descartes qui affirmait l’existence d’éléments absolus et simples, indécomposables, comme la figure de l’étendue, Bachelard considère que la science contemporaine obéit à un idéal de complexité, où les notions ne se donnent jamais comme distinctes et séparées. Le simple est toujours du complexe : en lui-même, il ne désigne qu’une illusion, voire une erreur. Comme exemples, l’association « onde- corpuscule » ou « l’espace-temps » d’Einstein. Il défend un rationalisme dynamique. Avec lui, la raison s’assouplit et s’ouvre au complexe, au divers, aux aléas. Il n’y a plus de raison absolue, mais une raison touchée par la relativité, dialoguant avec des configurations mobiles et des nœuds de relations. Le rationalisme devient relatif et conditionnel, une manière de « surrationalisme » selon sa propre expression. La raison se purifie et s’éclaire par cette catharsis. Le nouvel esprit scientifique Aujourd’hui, un savant ne pense plus avoir affaire à un réel donné une fois pour toutes. Il sait que tout est interdépendant. Un phénomène a une histoire ; il est modifié par son contexte qu’il modifie à son tour. L’observateur qui étudie un phénomène modifie le phénomène observé. Tout est mouvant, multiple, varié. Aussi, pour connaître, il faut être capable de revenir sur ce que l’on pense afin de le rectifier. D’où de continuelles révolutions de la part de l’esprit scientifique, qui n’est pas monolithique, comme le prétendent ses détracteurs. « L’allure révolutionnaire de la science contemporaine réagit profondément sur la structure de l’esprit. (…) L’histoire humaine peut bien, dans ses passions, dans ses préjugés, dans tout ce qui relève des impulsions immédiates, être un éternel recommencement ; mais il y a des pensées qui ne recommencent pas ; ce sont les pensées qui sont rectifiées, élargies, complétées. Elles ne retournent pas à leur aire restreinte ou chancelante. L’esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance…. Toute la vie intellectuelle de la science joue dialectiquement sur cette différentielle de la connaissance, à la frontière de l’inconnu. L’essence même de la réflexion, c’est de comprendre qu’on n’avait pas compris. » Le Nouvel Esprit scientifique. L’ascèse de l’esprit scientifique devra privilégier le nouveau contre l’ancien, la culture continuée contre les certitudes acquises, et inverser les intérêts sociaux traditionnels. Si l’on comprend enfin que l’esprit scientifique ne se forge que par une école permanente, alors on réussira à établir un monde où la société sera faite pour l’école et non pas l’école pour la société. La notion de dépaysement : fait de déplacer un domaine culturel par de nouvelles vues théoriques créant de nouveaux effets de pensée. Il s’agit donc de revenir au vrai cheminement du savoir, en pratiquant une rupture épistémologique. Celle-ci se produit à chaque fois que nous entreprenons de nous dépayser en nous apercevant que les choses ne sont pas ce que nous croyons mais ce que nous aurions dû penser. Les philosophes, à et égard, seraient bien avisés de faire de l’épistémologie, de l’histoire des sciences. Ils y découvriraient quantité d’occasions de se dépayser et d’augmenter ainsi leur sagesse. Aristote a dépaysé la culture de son temps plongée dans le mythe en lui enseignant à voir le monde tel qu’il est. Newton a dépaysé la culture de son siècle en renonçant à expliquer le monde par des causes afin d’en comprendre simplement les lois. Et la science contemporaine nous dépayse quand elle nous apprend qu’il n’y a pas qu’un principe gouvernant la nature, puisqu’il est possible d’interpréter doublement le phénomène de la lumière, en choisissant soit la théorie corpusculaire, soit la théorie ondulatoire. L’image, un obstacle pour la connaissance Les hommes ont une tendance naturelle à se fonder sur ce qu’ils peuvent voir ou toucher, c’est-à-dire au fait de dériver un savoir des expériences subjectives qu’ils peuvent faire. En prenant les images des choses pour les choses elles-mêmes, ils ont tendance à figer le savoir. Par exemple, l’image maternelle et intime de la nature a engendré uploads/Philosophie/gaston-bachelard-conference-a-brigitte-bourdon 1 .pdf
Documents similaires










-
32
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 23, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1206MB