AL-MUKHATABAT ISSN 1737—6432 ISSUE 08/2013 Page 82 LA LOGIQUE ARABE ENTRE RUPTU

AL-MUKHATABAT ISSN 1737—6432 ISSUE 08/2013 Page 82 LA LOGIQUE ARABE ENTRE RUPTURE ET TRADITION Hamdi MLIKA (Université de Kairouan) Résumé Quelle est la place de la logique dans la pensée ? Comment peut-on élaborer le projet d'une pensée arabe contemporaine dans laquelle la logique se trouve tout naturellement impliquée et posée dans les termes d'une continuité avec une tradition (logique) de pensée et d'une rupture avec elle ? C'est sous l'horizon général de ces deux questions décisives que je vais tenter d'aborder la sphère de la logique arabe à la lumière de l'état actuel de la traduction en arabe de quelques oeuvres de philosophie de la logique et du langage contemporaine, en l'occurrence des écrits de Quine qui commencent à être traduits de nos jours dans le monde arabe. Une telle entreprise peut certes nous aider à saisir le projet d'une pensée arabe contemporaine (insollublement logique) comme étant traversée de fond en comble par les impératifs à la fois d'appartenir à une tradition donnée et de rompre avec elle en l'interprétant selon les réquisits d'un rationalisme pragmatique. ّص ملخ ٌْمإٍ ميزلة امليطق يف الفكز ؟ كٔف ميكييا اٌ ىبين مشزّعا فكزٓا عزبٔا معاصزا ٓك امليطق يف ثيآاِ مرتاّحا بني الزبط مع املاضٕ ّ القطع معُ؟ حتت االفق العاو هلذًٓ التشاؤلني سأحاّل أٌ أقرتح مقاربة فزضٔة ملٔداٌ امليطق العزبٕ التقلٔدٖ على ضْء حالة الرتمجة العزبٔة ملؤلفات ّاحد مً اشَز فالسفة امليطق ّ اللغة املعاصزًٓ ّ ٍْ كْآً مما سٔشاعدىا على فَه ّد أطزِ كعقالىٔة امكاٌ مشزّع فكز عزبٕ معاصز الٓيفصه عً ميطق خاص بُ ، تتخد ّد ّ مبدأ القطٔعة معُ بْاسطة آلٔات التأّٓل بزامجاتٔة حشب مبدأ االىتناء اىل تزاث تقلٔدٖ حمد املتْاصل . Abstract What is the place of logic in thinking? How can we develop the project of a contemporary Arab thought in which logic is naturally involved and posed in both a continuity with a (logical) tradition of thinking and a break with it? Under the general overview/scope of these two crucial questions, I will attempt to address the sphere of the Arab logic in terms of the current state of Arabic translation of some works of philosophy of logic and contemporary language, namely the writings of Quine which begun to be translated today in the Arab world. Such a company can certainly help us to grasp the idea of a contemporary Arab thought (inexticably logic) — a thought crossed from top to bottom by the imperatives of both a belonging to a particular tradition and a rupture with it when interpreted according to the requisites of a pragmatic rationalism. AL-MUKHATABAT ISSN 1737—6432 ISSUE 08/2013 Page 83 Dans un livre publié chez Hermann en 2011, intitulé : d’Al-Khwarizmi à Descartes, Etudes sur l’histoire des mathématiques classiques, Roshdi Rashed écrit : Aucune discipline scientifique n’a, autant que les mathématiques, contribué à la genèse de la philosophie théorique ; aucune n’a entretenu avec la philosophie des liens aussi nombreux ni aussi anciens. Depuis l’antiquité, les mathématiques n’ont cessé d’offrir à la réflexion des philosophes des thèmes centraux ; elles ont fourni des méthodes d’exposition, des procédés d’argumentation, parfois même des instruments appropriés à leurs analyses….les philosophes de l’Islam classique ne font pas exception à la règle : Al-Kindi, Al-Farabi, Ibn Sina, Ibn Bajja, Maïmonide…, parmi bien d’autres. 1 Je voudrais tenter ici de donner une extension à ce propos dans le champ de ce qu’il est convenu de désigner comme étant le champ de la pensée arabe contemporaine, en disant –dans les termes d’une sorte d’hypothèse de travail - que l’étude de la pensée du point de vue de ses liens étroits avec les sciences logiques et mathématiques est susceptible d’être directement utile et impliquée dans la construction non seulement d’une forme de connaissance scientifique dans une étape donnée de l’histoire des sciences, mais aussi d’une forme de pensée arabe contemporaine qui s’inspire de ce type de connaissance, du moins de ses aspects formels, logiques et mathématiques. En effet, et pour citer encore une fois Roshdi Rashed dans son texte intitulé : « Philosophie des mathématiques »2 : Les sciences et les mathématiques, écrit Roshdi Rashed, n’ont pas reçu les mêmes faveurs que le droit, le kalam, la linguistique ou le soufisme, et, aujourd’hui encore, les rapports, selon nous essentiels, entre science et philosophie – et notamment entre mathématiques et philosophie- sont laissés pour compte…c’est-à-dire que l’on ne cherche jamais à comprendre les répercussions de leurs (les philosophes arabes) savoirs mathématiques sur leurs philosophies, ni même l’impact de leurs activités de savants sur leurs doctrines philosophiques. Cette carence n’est pas imputable aux seuls historiens de la philosophie ; la responsabilité en incombe aussi aux historiens des sciences. 3 En tentant de généraliser un tel esprit, je commence mon exposé par cette première batterie de questions qui me semblent être des questions déterminantes : Peut-on envisager une forme d’influence de la science, par le biais de l’étude de son évolution historique de ses composantes et traits distinctifs, sur la pensée arabo- islamique ? Comment cette pensée peut-elle trouver dans les traits de la rationalité scientifique telle qu’elle est incarnée par les logiques et les mathématiques, l’une de ses marques et 1 Rashed (2011) p. 739 2 Ibid p. 738. 3 Ibid p. 28. AL-MUKHATABAT ISSN 1737—6432 ISSUE 08/2013 Page 84 probablement l’une de ses mobilités créatrices propres, susceptibles de nous faire sortir de quelques impasses conceptuelles rigides ? Avant de développer des réponses à cette première batterie de problèmes et de lui esquisser quelques solutions rationnellement et scientifiquement recevables, il faut au préalable mettre l’accent sur le principe suivant : je tenterai ici tout simplement, en mettant sur le tapis une forme de pensée arabe étroitement liée à la logique, de me soustraire à l’idéologique en le réduisant au minimum, voire en essayant de le déconstruire en tant qu’aiguillon déterminant, sans nier en revanche, que la connaissance scientifique pourrait elle-même être porteuse d’idéologie. Il sera donc question tout simplement d’examiner l’hypothèse selon laquelle la science est susceptible, dans l’une de ses acceptions fondamentales, en l’occurrence logiques, d’incarner l’une des références possibles, l’une des marques d’identification envisageables, pour une forme particulière de pensée arabo-islamique contemporaine. En substance, je tenterai de démontrer comment et pourquoi le type de rationalité scientifique susceptible d’être élaboré via la méthode d’histoire des sciences1 en général et l’histoire de la science logique en particulier, peut représenter l’un des principes de genèse et de réforme de cette même pensée. D’un côté, nombreux sont ceux, parmi les penseurs et intellectuels arabes, qui ignorent bon gré mal gré le degré d’influence que pourrait apporter cette méthode à leurs démarches interprétatives et herméneutiques dans leurs visions propres, sans aucune problématisation autour ou à partir de la double question suivante : A quoi sert l’histoire des sciences logiques, et quel surcroît de rationalité cette histoire apporte-t-elle à notre pensée? D’un autre côté, ceux parmi les intellectuels arabes qui se présentent comme des spécialistes dans ce champ spécifique de l’histoire des sciences physiques, mathématiques et logiques, ne s’interrogent que rarement et de façon fragmentaire sur les fondements et les aboutissements philosophiques, sociologiques et politiques propres à leurs activités dans ce domaine. La double question de l’ancrage et de l’influence positive de la pratique de l’histoire des sciences dans la société dans laquelle ils vivent se voit systématiquement occultée, faussée, ou imbibé farouchement d’éléments idéologiques. Par conséquent, ces spécialistes travaillent, soit sur des questions strictement logiques sans aucune compétence épistémologique profonde et sans se soucier guère de la place de la logique contemporaine et traditionnelle dans l’histoire de la logique en général, surtout la question de son influence sur la logique européenne, soit sur des questions épistémologiques sans aucune compétence dans le domaine de la pensée logique et de sa philosophie rationnelle et analytique, surtout la question de la genèse d’une pensée arabe authentiquement contemporaine. 1 R. Rashed (2011) p. 16-17 : « L’historien des sciences se révèle alors ce qu’il a toujours tenté d’être : ni un « critique des sciences », à l’exemple d’un critique d’art ; ni un historien, au sens où on entend un spécialiste de l’histoire sociale ; ni un philosophe, comme les philosophes des sciences, mais bien simplement un phénoménologue des structures conceptuelles, de leur genèse et de leurs filiations, au sein des traditions conceptuelles toujours en transformation. » AL-MUKHATABAT ISSN 1737—6432 ISSUE 08/2013 Page 85 L’histoire des sciences telle que je voudrais la présenter dans cet exposé permet non seulement de mettre ensemble activité logique et pensée épistémologique sur les faits et les traditions scientifiques arabes anciennes et classiques, mais surtout de réhabiliter les conditions d’un ancrage utile et d’une fondation fructueuse dans notre société contemporaine de tout projet de pensée arabo-islamique consistant. Dans notre cas nous les arabes et les musulmans, l’histoire des sciences doit déboucher sur une analyse du type de rationalité pouvant remodeler notre façon de penser « diagrammatiquement » les différentes facettes de notre propre héritage culturel. Je compte me concentrer plutôt ici sur une question bien précise à travers un cas bien précis, et voir à quel point nous pourrions tirer profit d’une uploads/Philosophie/hamdi-mlika-2-pdf.pdf

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