ANALELE UNIVERSITATll DE VEST DIN TIMISOARA SERIA FILOSOFIE ANNALES UNIVERSITAT

ANALELE UNIVERSITATll DE VEST DIN TIMISOARA SERIA FILOSOFIE ANNALES UNIVERSITATlS OCCIDENTALIS TIMISIENSIS SERIES PHILOSOPHIA VOL. IX, 1997 ISSN 1224-8688 LA DUPERIE DE SOI-MEME ET LA PHILOSOPHIE. LA VISION DE DONALD DAVIDSON DE L'IRRATIONALITE. Paul Kun Cet essai a comme tache de faire une présentation, une explication et, avec toute la modestie, une analyse critique de la conception du philosophe américain Donald Davidson sur l'irrationalité de certaines actions humaines, notamment ta duperie de soi môme. L'objet de l'analyse sera, pour le principal, l'articte de Davidson intitulé "Deception and Division", qui a été publié in Ernest Le Pore & Brian McLaughlin eds, Actions and events, perspectives on the philosophy of Donald Davidson, Blackwell, Oxford. Avant d'entrer dans le sujet, je veux présenter sommairement le contenu de l'essai. Il peut être partagé dans plusieurs sections, qui comprennent: 1. Une première définition de la duperie de soi-même; 2. Formulation du principe (réquisit) de la totalité des données disponibles et du cas de la faiblesse de la garantie; 3. Argumentation en faveur de l'irrationalité "externe", au moins du point de vue philosophique; 4. L'analyse comparative duperie de soi-même - autres cas d'irrationalité: la faiblesse de la volonté, la pensée magique (wishful thinking), le mensonge; 5. Une définition "complète" de la duperie de soi-même et du caractère problématique de celle-ci; 6. Le rejet de solutions envisagées par David Pears et Kent Bach; 7. Présentation du modèle de l'esprit supposé par la description de Davidson de la duperie de soi-même. 1. Une première définition de la duperie de soi-même. Premièrement, dit Davidson, la duperie de soi-même suppose 2 conditions: - que quelqu'un croit à la fois une proposition et sa négation ; - que l'une des croyances vienne à l'appui de l'autre. Davidson parle toujours de "l'intérêt philosophique" de la duperie de soi- même. Nous pouvons comprendre, je crois, ce qu'il entend par cela, en analysant sa façon de traiter l'exemple. Exemple: (1) D croit qu'il est chauve. (2) D croit qu'il n'est pas chauve. 35 (3)D croit (qu'il est chauve et qu'il n'est pas chauve). (4)0 ne croit pas qu'il est chauve. Pour Davidson tout le problème est le rapport entre (1) et (2): une croyance comme celle rapportée par (1) est une condition causale d'une croyance qui la contredit, telle que (2). Son attitude envers les deux autres propositions est assez étrange: "II est tentant...de supposer que (2) implique (4), mais si nous admettons cela, nous nous contredirons nous mêmes." Donc, Davidson renonce à(4) et puis, il renonce aussi à (3) en partant de l'idée qu'il est possible de croire chacun de ces énoncés sans croire la conjonction des deux. Pourquoi renonce-t-il à ces énoncés? L'analyse de ses raisons nous permettra de saisir une différence importante en ce qui concerne la sorte d'irrationalité qui intéresse Davidson. Nous pouvons voir qu'il rejette(4) parce qu'elle est en contradiction avec ( 1 ). Mais, on peut demander, pourquoi il ne rejette pas aussi (2), parce qu'elle contredit (1)? On peut voir qu'il ne s'agit pas du même type de contradiction. Pour, mieux voir la différence, nous faisons quelques simplifications: (1)D Bel p. (2) D Bel -p. (3) D Bel (p&-p) (4) D -Bel p. Nous pouvons distinguer entre l'attitude propositionnelle ("Bel") et le contenu de l'attitude ("p", "-p"). Dans le cas de (1) et (2), nous avons la même attitude propositionnelle appliquée au deux contenus opposés ( p, -p). Dans le cas de ( 1 ) et (4), nous avons affaire à une attitude propositionnelle et sa négation ( Bel et -Bel). D'après Davidson, (1) et (4) sont dans un " rapport de contradiction plus évident, plus irrationnel que ( 1 ) et (2). (3) est, évidemment, auto-contradictoire, à cause de la conjonction "p& -p". Il s'agit d'une croyance inconsistante,ouvertement irrationnelle. Donc, les deux énoncés ont comme trait commun leur irrationalité criante, évidente. Davidson déclare qu'il n'est pas intéressé par cette sorte d'irrationalité. Nous pouvons voir ses raisons plus tard. Les 2 énoncés étant éliminés, "notre tâche, dit Davidson, consiste à expliquer comment quelqu'un peut avoir des croyances comme (1 ) et (2) sans mettre ( 1 ) et (2) ensemble - c'est-à-dire sans introduire dans le raisonnement la proposition (3). Il s'agit, alors, de deux croyances rivales qui sont présentes à l "esprit en même temps, mais séparément. La première question est, donc, comment peut-on les maintenir séparées ? Donc, Davidson pense que le noyau problématique de la duperie de soi-même est représenté par les deux conditions1: a) la présence d'une croyance et de sa négation; b) le fait que l'une se base sur l'autre ou, comme on va voir plus loin, le fait que l'une est la cause de l'autre.2 Davidson semble être un peu imprécis sur l'attitude de l’agent envers les deux propositions: "...une personne soit certaine qu'une proposition est vraie et en même temps certaine que sa négation est vraie. Mais, plus loin, Davidson parle d'une inclination (ou probabilité subjective très élevée) de Vagent à croire la négation de la proposition initiale, même si la totalité des données dont il dispose va à l’encontre de cette attitude: "être-certaine que" est plus fort que "être enclin à croire que". Davidson, lui-même marque la distinction: "est enclin à croire: l’agent croit que la proposition est fausse, mais n'est pas tout à fait certain de cela." Il semble que Davidson veut trouver une attitude cognitive qui soit suffisamment forte pour supposer l'existence d'une raison, mais, en même temps, suffisamment faible pour permettre Vexistence d'une croyance opposée, celle-ci aussi ayant une 36 raison. Mon opinion est, donc, que ici, il ne s'agit pas de certitude ou d'inclination, mais de raison en faveur d'une croyance. Les deux croyances de la duperie de soi-même doivent être, toutes les deux, raisonnables, au moins au commencement. 2. Formulation du réquisit de la totalité des données (RTE) et de la faiblesse de la garantie (FG). La ressemblance duperie de soi même - la faiblesse de la volonté représente le point de départ de la démarche davidsonien et il est très importante non seulement pour le problème de la duperie de soi-même, mais aussi pour sa conception des cas d'irrationalité3. Il revient à la définition de la faiblesse de la volonté: "agir intentionnellement (ou former l'intention d'agir ) sur la base de moins que la totalité des raisons que l'on reconnaît comme étant pertinentes." Davidson souligne aussi le fait que 1'akrasie suppose un contexte de conflit:"l'agent akratique a ce qu'il considère comme des raisons à la fois pour et contre une certaine ligne de conduite. Il juge, sur la base de toutes ses raisons, qu'une certaine ligne de conduite est meilleure, et pourtant opte pour une autre; il agit contrairement à son meilleur jugement"; arrivé à ce point, il fait une remarque un peu énigmatique: "En un sens, il est facile de dire pourquoi il a agi de cette façon, parce qu'il avait des raisons d'accomplir cette action. Mais cette explication écarte l'élément d'irrationalité présent; elle n'explique pourquoi l'agent agit contre son propre meilleur jugement". Ce passage nous permet de comprendre mieux, je crois, par quelle sorte d'irrationalité est intéressé Davidson dans les cas d'irrationalité. Il ne s'agit jamais d'une irrationalité pure et simple, mais d'une irrationalité qui suppose au moins la présence d'un élément rationnel. L'action, dans le cas de 1'akrasie, la croyance, dans le cas de la duperie, doivent être explicables par des raisons, c'est-à-dire si nous faisions abstraction du meilleur jugement du sujet, son action ou sa croyance seraient parfaites raisonnables. Dans aucun cas, il ne s'agit pas d'une action ou d'une croyance qui, en elles-mêmes sont inconsistantes, irrationnelles. Nous verrons plus tard pourquoi Davidson adopte cette position. La stratégie utilisée pour construire la duperie de soi-même est identique avec celle utilisée pour la faiblesse de la volonté: il énonce un principe normatif (rationnel) pour l'action ou pour le choix entre deux croyances; e Principe de la Continence (PC) et, respectivement, le Réquisit de la totalité des données disponibles pour le raisonnement inductif (RTE): "Le Principe de Continence: principe normatif selon lequel on ne devrait pas intentionnellement accomplir une action quand on juge, sur la base de toutes les considérations qu'on considère comme étant disponibles, qu'une autre ligne de conduite également possible serait meilleure. Le PC implique une forme fondamentale de cohérence dans la pensée, l'évaluation et l'action.". Hempel et Carnap appelle le principe normatif requirement of total evidence : le réquisit de la totalité des données disponibles pour le raisonnement inductif, qui nous dit que quand nous sommes en train de choisir au sein d une ensemble d'hypothèses mutuellement exclusives, nous devons donner créance à l'hypothèse qui est le mieux étayée par toutes les données pertinentes disponibles": 37 b) il définit le cas d' irrationalité par rapport à ce principe: la faiblesse de la volonté par rapport au PC et la faiblesse de la garantie par rapport au RTE . Toutes les analogies établies par Davidson peuvent nous conduire à la conclusion (trompeuse, d'après mon opinion) que la duperie de soi-même4 est une sorte d'action inconsistante, très proche de la uploads/Philosophie/la-duperie.pdf

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