1 1 La Nature. Nous appartenons à la nature par notre matérialité et notre corp

1 1 La Nature. Nous appartenons à la nature par notre matérialité et notre corporéité. Par l’attribut de l’étendue constitutif de notre être, nous logeons l’espace et sommes dans le temps. Ces deux catégories ont besoin d’une assise et d’une assiette qui les contient, les justifie et les maintient autrement dit qui les englobe. La nature est cet englobant qui rée et détruit tout ce qui a de l’étendue, de la présence et de la durée. La nature est de la sorte une réalité englobante assimilable à l’Etre défini dans sa dimension de totalité et d’infini. Nous comprenons, d’entrée de jeu, tout l’intérêt que nous avons à penser la nature pour l’élucider et la rendre intelligible à la raison. Etymologiquement, le terme « nature » vient de « natura » latin descendant lui-même de « nasci » qui signifie « naître », croître » et « se développer » à partir d’une puissance de naissance et de croissance immanente à soi. Ce sens est présent originellement dans le terme « phusis » qui évoquait déjà chez lez présocratiques : « l’idée d’une existence qui se produit ou du moins se détermine elle-même, en tout ou en partie, sans avoir besoin d’une cause étrangère. ». Cette définition suppose l’intelligibilité de la nature. En somme, l’intelligence humaine serait capable de saisir l’essence de la nature sur la base de trois propriétés ou attributs : la nature serait une puissance génératrice et créatrice, une puissance d‘ordre et d’agencement ou une totalité englobante et infinie. Dès lors, nous nous trouvons en face d’une série de paradoxes quand nous interrogeons les conditions de l’émergence de l’intelligibilité de la nature: dans quelles mesures la nature infinie et englobante est-elle définissable et connaissable par les moyens limités déployés par l’être fini qu’est l’homme ? Comment l’homme, qui est une partie de la nature, peut- il connaître ce tout qui le fait, le défait, l’englobe et le contient ? Les tentatives théologiques, philosophiques et scientifiques de conceptualisation de la nature, ne pouvant porter sur la totalité, doivent-elles se contenter de certains de ces aspects, certaines de ses manifestations ou de ses lois ? Certes, la pensée admet la capacité de la raison humaine à entendre la nature dans la totalité de ses phénomènes et l’ensemble de son fonctionnement et de ses lois. Néanmoins, il n’est donné à l’homme que le pouvoir limité de connaitre des natures particulières ou des phénomènes naturels isolés et Supposer la nature intelligible, c’est en vérité, l’accommoder à l’entendement humain et ce faisant la finitiser. Cette approche étant, de facto, réductrice et restrictive, il faudrait que notre réflexion puisse s’orienter vers les domaines où la vraie philosophie de l’être et la poésie font montre d’une attention plus vigilante aux paradoxes et aux énigmes de la nature donnée comme une totalité et une force paradoxale faite à la fois de puissance de création et de destruction voire de renouvellement. 2 2 I/ l’intelligence humaine, qui déploie son pouvoir de compréhension et d’explication dans les domaines de la théologie, de la philosophie rationaliste et des sciences exactes, est capable de connaître la nature et de la définir voire de la conceptualiser : 1) La nature est l’œuvre de Dieu, l’émanation de sa puissance créatrice et la preuve de sa grandeur et de sa perfection : Dans la théologie chrétienne Dieu est une instance dotée des attributs de la raison et de la providence. Lorsque Dieu décide de créer la nature, il la conçoit et la réalise comme une création à la fois rationnelle et providentielle. Il agit de la sorte pour avantager l’homme et le servir. La nature est de ce fait, à la fois, structurée et finalisée par la volonté du bien. Le début du texte biblique donne à voir clairement ces deux aspects de la nature. En effet la Genèse commence comme suit : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était comme un grand vide, l’obscurité couvrait l’océan primitif, et le souffle de Dieu agitait la surface de l’eau ; Dieu dit alors « Que la lumière paraisse ! » et la lumière parut. Dieu constata que la lumière était une bonne chose, et il sépara la lumière de l’obscurité. Dieu nomma la lumière jour et l’obscurité nuit ; le soir vint, puis le matin ; ce fut la première journée. » . Dieu procède méthodiquement, son œuvre fonctionne comme un acte de construction qui suit des orientations architecturales précises et respecte les deux impératifs de l’ordre de la logique. Le geste créateur commence par établir l’espace et le temps, installant, ce faisant, la polarisation spatiotemporelle qui permet de différencier les lieux et les événements. Cet ensemble ordonné est, par ailleurs, téléologique ( la téléologie : considérer que toue chose créée est caractérisée par l’excellence de sa nature et à une finalité positive ; cela signifie que toute chose est bonne et doit être bénéfique aux êtres) parce qu’il comporte l’intention providentielle de préparer un bon séjour au profit des créatures et en particulier des hommes comme l’atteste la suite du texte donnée ci-après : «[…] Dieu dit alors : « Que la terre se couvre de verdure : des plantes produisant leur semence espèce par espèce, et des arbres dont chaque variété porte ses propres graines […] Dieu dit encore que les eaux grouillent d’une foule d’êtres vivants, et que les oiseaux s’envolent au-dessus de la terre. […] Dieu fit ainsi les diverses espèces de bêtes : animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaque espèce. […] Dieu dit enfin : « faisons les êtres humains : qu’ils nous ressemblent vraiment ! Qu’ils soient les maîtres des poissons dans la mer, des oiseaux dans le ciel et sur la terre, des gros animaux et des petites bêtes qui se meuvent au ras du sol. Dieu créa les êtres humains à sa propre ressemblance ; il les créa homme et femme. Puis il les bénit en leur disant : « ayez des enfants, devenez nombreux, peuplez toute la terre et dominez-la ; soyez les maîtres des poissons dans la mer des oiseaux dans le ciel et de tous les animaux qui se meuvent sur la terre. […] Dieu constata que tout ce qu’il avait fait était une très bonne chose. ». Ainsi, à l’ordre de l’agencement cosmique correspond un autre ordre ontologique qui donne naissance à une hiérarchie des êtres et des étants : Dieu fait des hommes un prolongement de lui-même et garantit leur supériorité sur le reste de la création en les autorisant à la dominer et à en devenir les maîtres. Dieu donne à l’homme le pouvoir de disposer à sa guise de la nature, mais il le dote aussi de l’aptitude à la comprendre En effet, ayant créé les hommes à sa ressemblance, lui l’être 3 3 parfaitement omniscient, il leur transmet une part de son logos, entendu comme la capacité de saisir par la raison et l’entendement les secrets, les principes et les lois qui président au fonctionnement de la nature créée. L’homme déploie par conséquent son pouvoir d’intelligibilité et réussit à comprendre que la nature est l’effet d’une cause évidente, stable et éternelle et la preuve de sa grandeur incommensurable. En somme, dans cette logique, Il suffit à l’homme d’ouvrir les yeux et de voir la création pour prendre la pleine mesure de la pertinence et de la perfection de l’ordre institué par Dieu dans le monde. Dans ce référentiel théologique chrétien la nature est aisément définissable : elle est le produit d’une intelligence supérieure est rationnelle, parfaite et harmonieuse dont l’essence est accessible à l’entendement humain d’autant plus que la nature est l’effet d’une cause, qu’elle porte en elle la marque de l’ordre rationnel établi et qu’elle possède les attributs fondamentaux des étants finis, limités et périssables. 2) Il y a une nature de la Nature, donc elle est connaissable et conceptualisable : Spinoza, à la suite de Descartes considère que la nature est connaissable : Une large partie de la philosophie occidentale hérite de cette vision métaphysique et théologique de la nature présente à l’origine dans le texte biblique. En effet, dans cette tradition, la nature est pensée comme la preuve matérielle, aisément saisissable par l’intellect humain, de l’omniscience, de l’omnipotence et de la providence de Dieu. La philosophie moderne reprend dans la pensée occidentale, au moins depuis Descartes, cette thèse de l’intelligibilité de la nature par l’homme. En effet, Descartes définit la nature comme une donnée matérielle et phénoménale relevant de l’ordre de l’étendue finie perceptible et connaissable par la raison humaine. Le Cogito cartésien, établi dans la majesté de sa transparence à lui-même et maitre à la fois de sa volonté et de son libre-arbitre, détient en lui- même le pouvoir, de saisir la réalité de la nature dans sa dimension d’évidence. Cela est d’autant plus vrai que le principe de la création continue cartésien maintient et conserve la nature dans ses états successifs et lui garantit sa stabilité. C’est cette certitude qui autorise Descartes à dire uploads/Philosophie/la-nature.pdf

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