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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/257936202 Les notions de métaphore et d'analogie dans les épistémologies des modèles et des simulations Book · January 2006 CITATIONS 15 READS 367 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Models and simulations in developmental biology and in spatial analyses (geography) View project Interpretability and Explainability in Machine Learning View project Franck Varenne Université de Rouen 139 PUBLICATIONS 654 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Franck Varenne on 13 July 2014. The user has requested enhancement of the downloaded file. 1 Les notions de métaphore et d'analogie dans les épistémologies des modèles et des simulations Franck Varenne – Université de Rouen - Janvier 2006 Manuscrit auteur (partiel1) de l’ouvrage publié aux Editions Petra, 2006. Résumé : Les épistémologues ont commencé à s'intéresser assez fréquemment à la modélisation dans les sciences à partir du début des années 1960. Les figures de style que sont la « métaphore » et l'« analogie » ont été souvent employées pour décrire la fonction des modèles. Aujourd’hui, l’instrument d’investigation qu’est le modèle ne donne plus toujours lieu à ce genre de rapprochement direct avec les pratiques linguistiques. Pourtant, les interprétations pragmatistes les plus contemporaines ne semblent pas assez adaptées pour nous faire comprendre précisément les simulations informatiques, les multimodèles et leurs fonctions quasi-empiriques. Pour concevoir ces nouvelles fonctions propres aux modèles de simulation, nous proposons notamment l’idée d’un « computationalisme » qui viendrait s’adjoindre aux deux postures scientifiques (« rationalisme » et « matérialisme ») que Bachelard avaient conçues dans un rapport originellement dialectique. La fréquente métaphore de la « métaphore » ne nous paraît plus généralisable lorsqu’il s’agit de concevoir les modèles actuels dès lors qu’elle repose sur une vision linguistique souvent réductrice. Introduction : La philosophie des sciences s’est très tôt intéressée aux modèles pratiqués dans les sciences contemporaines dans la mesure où ils posent à nouveau frais la question des conditions de la connaissance conceptuelle rigoureuse et de ses limites. Le terme ‘modèle’, s’il existait bien avant, a été systématiquement utilisé à partir de la fin du dix-neuvième siècle pour désigner une pratique de représentation des phénomènes et de leurs processus, d’abord essentiellement en physique mathématique (électricité, électromagnétisme, thermodynamique). Chez Faraday, Helmholtz, Hertz, Thomson (Lord Kelvin), Maxwell ou Boltzmann, le but du modèle est d’accroître une maîtrise mathématique en se donnant une représentation d’un phénomène qui soit plus maniable 1 Il manque les dialogues de fin avec Anne-Françoise Schmid et avec Jean-Marie Legay, ainsi que la préface d’Anne- François Schmid. 2 intellectuellement, même si elle ne semble pas tout à fait adéquate à ce qu’elle représente. Dans ce contexte, le modèle est donc conçu de manière délibérée comme une représentation seulement « analogique ». Maxwell qualifiait ses modèles d’« analogies physiques ». Et il définissait ainsi cette expression : « par analogie physique, j’entends cette similitude partielle entre les lois d’une science et celles d’une autre, et qui fait que chacune des deux illustre l’autre »2. Pourtant, dans cet extrait, souvent cité, et dans la pratique même de Maxwell, subsiste une indécision qui contient en germe beaucoup des conceptions qui vont s’affronter ensuite en épistémologie des modèles, cela dans la mesure même où la méthode des modèles va s’étendre à de nombreuses autres disciplines. En effet, fallait-il comprendre cette définition de l’« analogie physique » comme celle d’un point de contact partiel entre deux théories et à l’occasion duquel une hypothèse physique est développée (c’est le cas du modèle des boules dures s’entrechoquant supposé expliquer les phénomènes affectant les gaz) ? Ou bien, fallait-il résolument s’installer dans un interprétation formelle ou métaphorique3 dans laquelle le modèle n’est que structurellement semblable (isomorphe) à ce qu’il modélise (c’est le cas du « modèle géométrique » des lignes de force conçu par Faraday) ? Ou bien encore, fallait-il comprendre le modèle comme un instrument d’investigation, de recherche, à fonction essentiellement heuristique ? Représentation partielle, analogique, métaphorique ou heuristique, toutes ces fonctions des modèles ont été patiemment et diversement étudiées par les épistémologues, surtout anglo-saxons4, à partir des années 1960. Un certain accord commence à se faire aujourd’hui autour de l’idée selon laquelle les modèles seraient, plus que des intermédiaires, de véritables médiateurs entre les théories et les données de l’expérience, et qu’ils joueraient pour cela un rôle heuristique irremplaçable. Ils ne seraient plus de simples palliatifs appelés à être dépassés dès lors qu’une théorie formelle mature pourrait prendre leur place. Mary Morgan et Margaret Morrison conçoivent ainsi les modèles comme de véritables « agents autonomes » ou « médiateurs autonomes »5 dans la construction du savoir scientifique. Anne-Françoise Schmid va même plus loin encore, car elle conçoit cette médiation de manière plus large et jouant au-delà du simple rapport théorie/expérience. S’inspirant non pas seulement des 2 [Harman, P. M., 1998], p. 88. 3 Voir la définition de la « métaphore » dans le célèbre manuel sur les « Figures du Discours » de Pierre Fontanier. L’auteur y définit les métaphores comme des « tropes par ressemblances » : « les tropes par ressemblance consistent à présenter une idée sous le signe d’une autre idée plus frappante ou plus connue, qui, d’ailleurs, ne tient à la première par aucun autre lien que celui d’une certaine conformité ou analogie », [Fontanier, P., 1830, 1977], p. 99. C’est l’auteur qui souligne. 4 A la suite de Duhem, la philosophie des sciences continentale, et spécifiquement française, a longtemps donné un rôle ténu, voire négatif, aux modèles. De plus, jusqu’à présent et mis à part Duhem justement, son apport a été assez peu identifiable dans la réflexion internationale. Nous nous penchons sur les raisons philosophiques de cette désaffection dans notre travail de thèse. Nous n’y reviendrons pas ici. Qu’il nous suffise d’avoir rappelé cette désaffection (relative tout de même : il y a des exceptions) pour que soit justifiée notre focalisation sur les épistémologies liées au positivisme logique. 5 [Morgan, M. S. et Morrisson, M., 1999], pp. 8 et 38. 3 sciences physiques, mais aussi et surtout des sciences de l’ingénieur, elle considère les modèles comme des formes « quasi-autonomes »6 où peuvent s’agréger des types de savoirs appartenant à des disciplines diverses de manière à résoudre des problèmes scientifiques et technologiques ciblés. Comme nous le montrerons, notre thèse rejoint cette lecture sur bien des points. Quant aux thèse pragmatistes que nous venons d’évoquer (celle de Morgan et Morrison), on doit se réjouir de voir enfin reconnu le rôle croissant de la modélisation dans les sciences. Mais on peut se demander si cette conception, bien plus souple que les anciennes thèses épistémologiques inspirées du positivisme logique, peut aller jusqu’à valoir pour les simulations informatiques telles qu’elles se développent aujourd’hui dans les sciences des objets complexes. Parfois, en effet, la simulation complexe d’objets complexes semble nettement passer pour une sorte d’expérience. En ce cas, cette fonction de médiatisation serait à radicaliser : la simulation informatique n’irait-elle pas au-delà d’une fonction linguistique de communication, de médiatisation ? Pour poser plus précisément les termes de cette question, il nous reviendra de retracer d’abord les grandes lignes de ces conceptions successives des modèles. Nous essaierons alors de comprendre en quoi l’approche contemporaine de l’épistémologie anglo-saxonne, plus pragmatique et donc plus adaptable, reste peut-être encore limitée par son option philosophique majeure : celle de concevoir le modèle comme un instrument facilitant une représentation mentale communicable, une transaction, qu’elle soit formelle, imagée, réaliste ou fictive. Nous terminerons en posant ces questions : la simulation informatique peut-elle être assimilée à une pratique linguistique, de représentation ou de communication ? Et sinon, avec quels autres concepts peut-on tenter de s’expliquer cette nouvelle fonction que la simulation confère aux modèles ? Dès lors, nous serons appelé à soutenir les suggestions d’Anne-Françoise Schmid que nous venons d’évoquer par une réflexion sur les simulations précisant la manière dont une simulation se construit comme un objet, de manière hétérogène, tout en demeurant formelle. I – La période syntaxique L’histoire de la philosophie des modèles au 20ème siècle dans le contexte du positivisme logique anglo-saxon a déjà été rapportée et brillamment synthétisée par Margaret Morrison et Mary Morgan dans leur introduction à Models as Mediators7. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous en reprendrons ici quelques points en insistant sur les œuvres-clés de chacune des périodes concernées. On peut voir dans cette histoire trois grandes périodes qui, depuis la fin des années 1950, correspondent à 6 [Schmid, A. F., 1998], p. 138. 7 [Morgan, M. S. et Morrison, M., 1999], pp. 1-9. 4 l’évolution même du positivisme logique, bien qu’avec un certain décalage : une période syntaxique, une période sémantique, enfin une période pragmatique, cette dernière correspondant à notre époque contemporaine (depuis une dizaine d’années au moins)8. Concevoir la science comme une entreprise essentiellement productrice de théories est l’apanage de la vision axiomatique ou syntaxique. Les travaux du premier Carnap en portent la trace. Il s’agit de concevoir l’unité de la science sur la base d’un phénoménalisme et d’un physicalisme pour uploads/Philosophie/les-notions-de-metaphore-et-d-x27-analogie-dans-les-epistemologies-des-modeles-et-des-simulations.pdf

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