L’annuaire du Collège de France Cours et travaux 116 | 2018 Annuaire du Collège

L’annuaire du Collège de France Cours et travaux 116 | 2018 Annuaire du Collège de France 2015-2016 Histoire de la philosophie médiévale Alain de Libera Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/annuaire-cdf/13044 DOI : 10.4000/annuaire-cdf.13044 ISBN : 978-2-7226-0483-4 ISSN : 2109-9227 Éditeur Collège de France Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2018 Pagination : 467-479 ISBN : 978-2-7226-0482-7 ISSN : 0069-5580 Référence électronique Alain de Libera, « Histoire de la philosophie médiévale », L’annuaire du Collège de France [En ligne], 116 | 2018, mis en ligne le 02 juillet 2018, consulté le 22 août 2022. URL : http://journals.openedition.org/ annuaire-cdf/13044 ; DOI : https://doi.org/10.4000/annuaire-cdf.13044 Tous droits réservés HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE MÉDIÉVALE Alain DE LIBERA Membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, professeur au Collège de France fr Mots-clés : philosophie médiévale, passion, sujet La série de cours « Le sujet de la passion » est disponible, en audio et/ou en vidéo, sur le site internet du Collège de France (http://www.college-de-france.fr/site/alain-de- libera/course-2015-2016.htm), ainsi que le colloque « Histoire et historiens des idées » (http://www.college-de-france.fr/site/alain-de-libera/symposiym-2015-2016.htm). ENSEIGNEMENT COURS – LE SUJET DE LA PASSION Poursuivant les recherches d’archéologie du sujet, le cours a abordé, en dix-huit leçons d’une heure, la question du sujet de la passion en philosophie et en théologie, en suivant les controverses tardo-antiques et médiévales, des pères cappadociens (Basile de Césarée, Grégoire de Nysse, Maxime le Confesseur) aux Sentences de Pierre Lombard, sur la prière d’agonie du Christ et le « refus de la Passion », pour montrer l’importance des débats christologiques dans l’histoire de l’anthropologie, tout en réintégrant la théologie des Pères grecs dans l’histoire de la pensée dite « européenne ». L’étude de la question « Qui souffre sur la croix ? » a permis de dégager la portée philosophique du « théopaschisme » et des théologies de la « souffrance de Dieu », d’examiner sur une base nouvelle la question du « partage de la souffrance » (sympathie, empathie, compassion) posée dès les Problemata du pseudo-Aristote, de revenir sur les modèles concurrents d’union de l’âme et du corps au Moyen Âge (le modèle « périchorétique » augustinien et le modèle « attributiviste » aristotélicien) et d’en étudier les apports respectifs à la solution du problème de l’unité de l’homme, âme, esprit et corps, sujet sentant et pensant, mais aussi désirant et souffrant. 468 ALAIN DE LIBERA 18 janvier 2016 La première heure a été consacrée à une introduction générale centrée sur les notions de contagion et de compassion, présentées dans les Problemata VII, 7 du pseudo- Aristote, et sur la formulation du problème « aristotélicien » de la « synalgie » ou « partage » de la souffrance, repris au Moyen Âge dans le commentaire des Problemata de Pierre d’Abano (1250-1316). On a rappelé le théorème aristotélicien déterminant l’ensemble des analyses philosophiques médiévales : « l’action et la passion résident dans le patient », et revisité le principe subjectif de l’action (PSA) qui l’accompagne jusqu’à l’Âge classique : « actiones sunt suppositorum », « les actions appartiennent aux suppôts ». On a montré le rôle de PSA dans la Querelle des Anciens et des Modernes, notamment dans les discussions sur le français comme langue de la pensée (la thèse des « Modernes » étant que l’ordre des mots français est celui de la pensée), en prenant l’exemple des Avantages de la langue française sur la langue latine de Louis Le Laboureur (1669), auquel on doit la formule assurant que « les Romains pensaient en français, puis parlaient en latin ». On a, à l’opposé, rappelé les débats médiévaux viennois sur la pauvreté de l’allemand, langue « sauvage et tard venue », puis montré la reprise de la controverse au XXe siècle, en analysant l’interview de Martin Heidegger par le Spiegel (1966), présentant la romanisation de la pensée grecque comme ayant « ouvert sous la pensée occidentale le vide qui la prive désormais de tout fondement ». La seconde heure a été consacrée à un certain nombre de rappels sur la notion de « chiasme de l’agence », celles de sujet-agent et de sujet-patient, et à la distinction entre deux questions (quel est le sujet qui souffre ? Qui est le sujet qui souffre ?) déterminant la possibilité de poser la question de savoir « qui » est le sujet de « ma » souffrance ? Dire : « le sujet de la passion », c’est poser le problème de la relation entre l’esprit et le corps, ce qui oblige derechef à distinguer le Mind/Body Problem (MBP), la relation entre le corps et l’esprit, et le Mind/Soul Problem (MSP), la distinction entre l’âme et l’esprit. Sur la base des analyses de Paul Ricœur sur la différence entre question « Qui ? » et question « Quoi ? », on a dégagé une structure commune aux notions de « sujet de la pensée » et de « sujet de la souffrance » : l’articulation entre étiologie et topologie, permettant de distinguer problématiquement sujet de la souffrance (l’esprit ?) et lieu de la souffrance (le corps ?). 25 janvier 2016 La première heure a permis de poser le thème général du cours : l’articulation de la Passion (du Christ) et de la passion (humaine). On a ensuite comparé l’archéologie philosophique avec deux orientations nouvelles : le travail de Reinhart Koselleck sur le « Futur passé » (Vergangene Zukunft) ; les « études postcoloniales » (postcolonial studies) visant à « décoloniser le Moyen Âge ». Reprenant le mot d’ordre du « médiévisme postcolonial » : « redonner aux catégories médiévales l’incertitude d’un futur encore ouvert », on a plaidé pour une décolonisation de la théologie et de son histoire, ayant pour premier objectif la réintégration des Pères grecs à l’histoire de la philosophie. On a donc annoncé l’étude de πάθος et παθεῖν, passion et émotion chez Basile de Césarée († 379) et Grégoire de Nysse († ap. 394) et, pour ce faire, entamé l’étude du terme « πάθος » dans le Nouveau Testament, en présentant et analysant trois références scripturaires : Épître aux Colossiens 3, 5 ; Épître aux Romains 1, 26 ; 1re Épître aux Thessaloniciens 4, 5. HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE MÉDIÉVALE 469 Avant d’aborder la dimension christologique de la passion/Passion chez Maxime le Confesseur († 662), la querelle du monothélisme et les polémiques avec Sergius Ier et Pyrrhus Ier de Constantinople, on a, en seconde heure, procédé à l’examen des thèses de Grégoire de Nysse et de Basile de Césarée sur le pathos, la passion, le péché et le mal, l’existence « parhypostatique » du mal, comme « parasite » du bien. On a montré que, pour les pères cappadociens, le péché n’existait que dans la volonté, en tant que tendance au mal, et n’avait de nom qu’en tant qu’absence de bien. Pour Grégoire de Nysse, le péché n’a pas de définition positive, il se définit par une double négation : il est « absence d’apatheia », « absence d’absence de passions ». Le mot « passion » lui-même a deux sens : 1) le sens propre : ce qui est contraire à la vertu ; 2) le sens « catachrétique » : les propriétés de la nature humaine, qui ne sont en soi ni bonnes ni mauvaises, et ont pour source la « vie naturelle ». En assumant la nature humaine, le Christ n’a assumé que les passions au sens catachrétique du terme. On a ensuite analysé la lettre 261 de Basile de Césarée sur les trois sortes d’affections : a) de la chair, b) de la chair animée, c) de l’âme utilisant un corps (les « affections vicieuses », non assumées par le Christ), ce qui a été l’occasion de réexaminer la notion d’« usager de volonté et d’action » chez Jean de Damas († 749), et les thèses de Michel Foucault, commentateur de l’Alcibiade, sur l’usage (« khrêsis »). 1er février 2016 La première heure, pour introduire à Maxime le Confesseur, a porté sur sa redéfinition du problème de Gethsémani dans un cadre épistémique nouveau fondé a) sur la distinction entre « volonté naturelle » et « vouloir gnômique » ; b) sur l’introduction de la notion de « mode hypostatique ». Pour entamer la critique du rôle téléologique de la distinction de l’essence et de l’existence dans l’histoire de la philosophie et de la théologie médiévales, on a dénoncé l’oubli de l’hypostase et présenté le couple « ousia-hupostasis » comme indispensable à la compréhension de la signification de la querelle du monothélisme pour l’histoire de la subjecti(vi)té. Telle que l’expose Sergius Ier de Constantinople dans le Pséphos (633), l’interprétation monothéliste du problème de Gethsémani repose sur un argument articulant deux thèses philosophiques : 1) poser deux volontés dans le Christ au moment de l’agonie revient à poser en lui un conflit de volontés ; 2) poser un conflit de volontés dans le Christ, c’est poser en lui « deux voulants », « ce qui est impie, car impossible ». Pour sauver l’impeccabilité du Christ, Sergius distingue « mouvement naturel de la chair » uploads/Philosophie/libera-116-2018.pdf

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