Chapitre 1 : Les aménagements jurisprudentiels au principe de légalité Ceux-ci
Chapitre 1 : Les aménagements jurisprudentiels au principe de légalité Ceux-ci sont au nombre de deux : les actes de gouvernement d’une part, la théorie des circonstances exceptionnelles d’autre part. Dans le premier cas, il n’y a pas application du principe de légalité car pas de contrôle juridictionnel. Dans le second, il y a application du principe de légalité car contrôle juridictionnel, mais avec des atténuations qui consistent en un allégement de ses exigences. Section I : Les actes de gouvernement A défaut de définition en droit positif, on peut les définir de manière négative comme des actes des autorités publiques qui ne relèvent ni de la compétence de la juridiction administrative, ni de la compétence judiciaire. A strictement parler, il ne s’agit pas d’un cas d’irrecevabilité du recours mais bien d’incompétence de la juridiction administrative, avec cette conséquence qu’il s’agit d’un moyen d’ordre public. Il est délicat d’en donner une définition positive mais l’on peut dire qu’il s’agit d’actes émanant pourtant d’une autorité publique (et agissant comme telle) dont la nature non administrative pousse le juge administratif à refuser d’en assurer le contrôle. Implicitement, le juge conçoit que des autorités publiques peuvent agir soit en tant qu’autorité politique, soit en tant qu’autorité administrative et ce n’est que dans ce deuxième cas qu’il étend son contrôle. On essaiera d’en donner une vision concrète à travers des exemples tout en montrant que l’évolutivité de la notion prouve son caractère subjectif. § 1/ Les catégories d’actes concernées Il est possible de ranger les actes de gouvernement en deux catégories plus ou moins homogènes ; rapports entre pouvoirs publics et relations internationales. Cette classification correspond à l’état de la jurisprudence depuis qu’a été abandonné le fondement initial de la notion d’actes de gouvernement. Pendant tout le 19ème siècle, le CE s’est reconnu incompétent dès lors qu’un acte était fondé sur un mobile politique. Sur cette base, le ministre de la guerre a refusé d’inscrire le prince Napoléon Joseph Bonaparte sur la liste des généraux de division publié par l’annuaire militaire. La motivation du refus du ministre était claire : cette nomination « se rattache aux conditions particulières d’un régime politique aujourd’hui disparu et dont elle subit nécessairement la caducité ». Si le CE rejette le recours, c’est non pour incompétence mais sur le fond en procédant d’ailleurs à une interprétation constructive des textes en cause. Ce sont les conclusions du CDG David qui permettent d’éclairer la solution, c’est-à-dire celle d’un abandon clair et net de la théorie du mobile politique. Il faut lier cette décision au passage à la justice déléguée par la loi du 24 mai 1872. CE 1875 Prince Napoléon (GAJA). Désormais, c’est seule la nature politique de l’acte et non le mobile qui permet de justifier l’incompétence du juge administratif, cette nature s’illustrant dans les rapports institutionnel internes et dans les rapports internationaux. A/ Les actes intéressant les rapports institutionnels internes Il existe un certain nombre d’actes qui sont qualifiés d’acte de gouvernement car ils se rapportent aux rapports entre le gouvernement et le parlement et/ou l’autorité judiciaire : - Rapports avec parlement : Le refus de déposer un projet de loi ou à l’inverse le retrait d’un projet de loi déposé sur le bureau de l’AN + Le décret ou convoquant le congrès ou soumettant un projet de loi à référendum - Rapport avec les autorités juridictionnelles : La nomination d’un membre du Conseil constitutionnel - Les deux : Décision d’ordonner la mise en œuvre de l’article 16 et le refus de l’abroger : CE 1962 Rubin de Servens (GAJA) : il s’agit de la seule mise en œuvre connue à ce jour de l’article 16 de la constitution à la suite de la tentative de putsch d’un « quarteron de généraux en retraites ». M. Rubin de Servens, officier du 1er REP, condamné par un tribunal militaire spécial créé en application de l’article 16, contestait cette condamnation motif pris de l’exception d’illégalité de l’ordonnance ayant créé ce tribunal. Contrairement au cas CANAL, pas de contrôle de l’ordonnance car acte de gouvernement. D’autres actes ne concernent pas directement les rapports avec les autres pouvoirs constitués mais des rapports entre autorités de l’exécutif : ex. la nomination du 1er ministre ou d’un membre du gouvernement. B/ Les actes intéressant les relations internationales - La suspension de l’application d’un traité int. - L’exécution ou non des sitpulations contenues dans des textes internationaux - Le refus d’une autorisation de séjour à un personnel du corps diplomatique étranger - La décision d’intervenir au Kosovo en 1999 ou d’autoriser le survol aérien de la France pour une intervention en Irak en 2003 (contrairement à 1986 en Lybie) Parfois, le lien avec les RI est quelque peu étiré : - L’interdiction de toute navigation maritime autour de l’atoll de Mururoa (CE 1975 Paris de la Bollardière, général commandant les troupes françaises à El Alamein et blessé au bras, devenu pacifiste à la suite de sa dénonciation des tortures en Algérie qui lui valent 60 jours aux arrêts, alors que général de Brigade) et la reprise des essais nucléaires en 1995 par le pdt Chirac après un gel par le Pdt Mitterrand (CE 1995 Association Greenpeace) - L’interdiction d’inscriptions d’étudiants irakiens dans les universités françaises à la suite de la guerre en Irak pour l’année 1990-1991 à la suite de l’invasion du Koweit en aout 1990 - Retour des familles de syrie § 2/ La réduction de la catégorie des actes de gouvernement Cette réduction va de pair avec les progrès de l’Etat de droit. Elle a accompagné en effet d’autres mouvements jurisprudentiels d’extension de l’intérêt à agir ou du contrôle juridictionnel. Elle s’est illustrée dans diverses hypothèses, aussi bien dans les rapports internes qu’internationaux : Ainsi ne sont plus des actes de gouvernement : A/ Les illustrations - Le refus du 1er ministre de mettre en œuvre la procédure de délégalisation d’un texte législatif (CE sect. 1999 Association ornitologique et mammologique de Saone et Loire) - L’attribution d’une mission à un plmtaire par le Premier ministre (CE sect 1998, M. Megret) Internationaux : - Le refus d’extrader un individu à la demande d’un Etat étranger ou le retrait d’un décret d’extradition - Le refus d’assurer une protection consulaire à un français à l’étranger De même, la catégorie a été d’autant plus réduite qu’a progressé la théorie de la détachabilité. Un acte est dit détachable d’un autre si, tout en présentant des liens avec lui, il est grevé néanmoins d’une certaine autonomie. Ex : la mesure d’extradition ordonnée en exécution d’un accord diplomatique est détachable de ce dernier (CE 1952, kirkwood, qui indique aussi que les TI sont des sources du droit adm). Dans le domaine interne, la décision refusant à un parti de faire campagne lors d’un référendum est détachable de l’organisation du référendum. B/ Les fondements Il est vrai que la catégorie des actes de gvment a fait l’objet de critiques nombreuses, même après l’abandon de la théorie du mobile politique. Pour certains auteurs, elle n’existerait même pas : ce ne serait qu’une autre dénomination du défaut d’intérêt à agir ou bien d’une incompétence du juge administratif lié au caractère international d’un acte. Mais il arrive que ces actes qualifiés d’actes de gouvernement puissent finalement trouver un juge. Ainsi en va-t-il dans le domaine électoral où le CC s’est reconnu compétent pour des actes de gouvernement. CC se reconnait compétence pour se prononcer sur la légalité du décret convoquant le corps électoral pour des élections législatives (CC 1981 Delmas) ou d’un décret par lequel le PDR demande une nouvelle délibération de la loi. Pour d’autres, il ne s’agirait que des restes de la théorie de la justice retenue qui serait vouée à disparaître. + rôle du CC Néanmoins, il est probable qu’il restera toujours un noyau dur d’actes soustraits au contrôle du juge administratif. Cela tient à la double nature, politique et administrative, des autorités gouvernementales, ainsi que l’expose le Professeur Chapus. D’ailleurs, comme le souligne JC Ricci, il s’agit d’actes de gouvernement, pas du gouvernement. Cela prouve qu’il s’agit bien d’un problème d’incompétence. De fait, la CEDH a fini par admettre explicitement la notion (CEDH 2006, Markovic contre Italie). Et le CE continue à illustrer la notion : CE 28 mars 2014 M. C., à propos de la sélection des juges à la CPI ; ou sur le retour des français de Syrie (CE 2020) Section II : La théorie des circonstances exceptionnelles La JP adm a été amenée à considérer que dans des situations exceptionnelles, telle une situation de guerre, il existe une tension naturelle entre d’une part respecter l’Etat de droit et d’autre parttenir compte des intérêts de l’Etat, en particulier celui de protéger la nation en danger . Face à cette dialectique, le CE a adopté une position de compromis : loin d’écarter la règle de droit en pareille circonstances, il décide d’aménager la règle de droit afin de concilier deux impératifs contradictoires. Née pendant la guerre, cette théorie a été étendue à d’autres hypothèses. Ces hypothèses doivent être examinées uploads/Politique/actes-de-gouvernement-theorie-des-circonstances-exceptionnelles.pdf
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- Publié le Sep 27, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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