23/12/2019 Argentine: les délicats premiers jours du péroniste Alberto Fernánde

23/12/2019 Argentine: les délicats premiers jours du péroniste Alberto Fernández au pouvoir https://www.mediapart.fr/tools/print/845363 1/4 Argentine: les délicats premiers jours du péroniste Alberto Fernández au pouvoir 26 déc. 2019 Par Camille Audibert - Mediapart.fr Des pancartes à l'effigie d'Alberto Fernández, à Buenos Aires. © CA Élu fin octobre à la tête d’une vaste coalition de gauche, le nouveau président péroniste a fait adopter une série de mesures dites d’urgence sociale et économique. L’enjeu, pour lui, est d’améliorer le quotidien des personnes les plus affectées par la crise sans provoquer de déséquilibre budgétaire. Alberto Fernández s’est engagé à retrouver la croissance avant de rembourser la dette contractée auprès du FMI. Buenos Aires (Argentine), correspondance.– Le thermomètre frise les 40 °C. La fumée émanant des points de vente de saucisses, la chaleur du bitume et la densité de la foule achèvent de créer la touffeur brute de ce mardi 10 décembre, journée d’investiture du président Alberto Fernández. Le péroniste, élu le 27 octobre avec l’ancienne présidente Cristina Kirchner comme colistière, a appelé à une « fête populaire », devant le palais présidentiel, organisée autour d’une série de concerts et de discours. « Je suis heureuse, c’est ce qu’on attendait après quatre ans de néolibéralisme ! », s’enthousiasme Tatiana, 26 ans, en esquissant des pas de danse enlevés au son des tambours joués par une organisation militante. « Enfin, on va avoir un gouvernement qui pense aux plus pauvres », s’exclame-t-elle. À quelques dizaines de mètres, des T-shirts bleu et blanc, le sceau chromatique du drapeau argentin, font la synthèse : Alberto Fernández, de face, et le profil de Cristina Kirchner, les cheveux au vent, sont accompagnés d’un fier « Volvimos » (« Nous sommes de retour »), en référence à la nouvelle ascension du péronisme à la présidence après les mandats de Nestor Kirchner (2003-2007) et de Cristina Kirchner (2007-2015), suivis du gouvernement de centre-droit du président sortant Mauricio Macri. 23/12/2019 Argentine: les délicats premiers jours du péroniste Alberto Fernández au pouvoir https://www.mediapart.fr/tools/print/845363 2/4 Des pancartes à l'effigie d'Alberto Fernández, à l'occasion de la « fête populaire » convoquée pour l'investiture, le 10 décembre à Buenos Aires. © CA La journée d’investiture est parsemée de symboles. Les premiers jours du mandat d’Alberto Fernández et les mesures initiales du gouvernement – un « paquet » d’urgence sociale et économique adopté en l’espace de trois jours – tracent les contours de l’image du nouveau président, sa politique et ses défis dans un climat économique tourmenté. Élu à la tête d’une vaste coalition de gauche, dont les tendances sont globalement reflétées par l’attribution des différents ministères, Alberto Fernández a notamment promis qu’il sortirait l’Argentine du marasme, en admettant que « la tâche [n’allait] pas être facile ». Première image, improbable, de son ascension au pouvoir : le président élu conduit lui-même sa voiture depuis son domicile, à Puerto Madero, quartier huppé de la capitale, vers le Congrès. Dans le hall de la Chambre basse, il pousse le fauteuil roulant de la vice-présidente sortante, Gabriela Michetti, geste symbolique retransmis en direct sur les chaînes de télévision. Dans l’enceinte du Congrès, il salue chaleureusement son prédécesseur, Mauricio Macri. Une heure auparavant, son équipe de communication fait circuler une photo, formant les premiers pixels de l’image présidentielle : Alberto Fernández, dans sa cuisine avec ses collaborateurs, un jus de fruits à la main, son chien en arrière-plan. « C’est l’image d’un citoyen commun, décontracté que tente de construire Alberto Fernández, observe Facundo Cruz, politologue. Il vise à se démarquer de Mauricio Macri, considéré plus formel, plus froid, et à dépasser la fameuse fracture de la politique argentine. » « Je veux être le président de l’écoute, du dialogue, du compromis pour construire le pays de tout le monde », déclare notamment le nouveau président lors de son discours d’investiture, une feuille de route déployée durant une heure, secteur par secteur. Au cœur de son allocution : « un plan contre la faim » et la nécessité de retrouver la croissance afin de pouvoir « payer » dans un deuxième temps la dette avec le FMI. « Il inverse la rhétorique du gouvernement antérieur : la croissance doit arriver avant le remboursement », remarque Facundo Cruz. 23/12/2019 Argentine: les délicats premiers jours du péroniste Alberto Fernández au pouvoir https://www.mediapart.fr/tools/print/845363 3/4 C’est que l’économie est en déroute. La pauvreté a bondi et affecte maintenant quatre Argentins sur dix ; et un enfant sur deux. Elle concernait un peu moins d’un Argentin sur trois au début du mandat de Mauricio Macri en 2015, selon les estimations de l’Université catholique argentine. Cette année, le PIB devrait chuter de 3,1 %, marquant la deuxième année consécutive de récession. En 2019, l’inflation aura dépassé les 50 % tandis que le chômage atteint 10,6 %, selon l’institut statistique national (Indec). 137 000 emplois ont été détruits cette année et le secteur industriel s’avère particulièrement sinistré. Devant l’impossibilité de régler la dette contractée auprès du FMI en 2018, Mauricio Macri avait réclamé le rééchelonnement des paiements au mois d’août dernier. L’institution a déjà versé 45 milliards de dollars à l’Argentine, pour un prêt fixé initialement à 57 milliards de dollars. L’avenir de ce prêt faramineux, le plus important jamais accordé par le fonds ? Alberto Fernández et son équipe ont déclaré qu’ils rejetaient tout nouveau décaissement. Lors de son discours d’investiture, Alberto Fernández a fustigé l’héritage d’une économie en « chute libre ». « Si on a su attendre la fin du gouvernement de Macri, on accordera notre patience à Alberto », assure Valeria, depuis la fête d’investiture d’Alberto Fernández. « Mais notre patience n’est pas non plus infinie, si on ne voit pas de résultats, on se mobilisera dans la rue pour l’interpeller », avertit la trentenaire, pointant clairement la mince fenêtre dont dispose le gouvernement pour convaincre la population tout comme les créanciers. « Il faut qu’il y ait des résultats d’ici six mois, sans quoi sa stratégie politique électorale va être affectée, lors des législatives partielles de 2021, observe le politologue Facundo Cruz. Dans tous les cas, s’il n’y a pas de signaux de croissance économique en 2021, Alberto Fernández aura des problèmes de légitimité auprès de sa base. » « L’idée est de décourager la demande de dollars » Quelle réponse immédiate à la crise ? La première salve de mesures est arrivée quelques jours après l’investiture, sous la forme d’un vaste « projet d’urgence sociale et économique » adopté le vendredi 20 décembre par le Congrès à l’issue d’une séance-marathon de plus de 15 heures puis par le Sénat le jour suivant. « Une approbation si rapide d’un projet si important est inédite », souligne le politologue Gabriel Palumbo. La loi d’urgence introduit une taxation de 30 % à l’achat de devises étrangères – déjà limité à 200 dollars mensuels aux fins d’épargne par le gouvernement de Mauricio Macri en octobre. « L’idée est de décourager la demande de dollars afin de contenir l’hémorragie des réserves des banques », analyse Juan Telechea, économiste au sein du centre de recherche l’ITE. Cette mesure vise en outre à maîtriser la valeur du peso afin d’éviter une dévaluation automatiquement génératrice d’inflation. L’augmentation de l’impôt sur les propriétés et l’actualisation vers le haut des taxes sur les exportations agricoles contribuent à constituer une recette fiscale majeure. En parallèle, le gouvernement verse un bonus extraordinaire de 10 000 pesos (150 euros) aux retraites les plus basses, un coup de pouce de 2 000 pesos (30 euros) aux bénéficiaires de l’allocation familiale et une carte alimentaire de 4 000 pesos (60 euros) aux familles les plus modestes avec enfants en bas âge. Le gel du prix des services de base pendant dix mois est par ailleurs décrété. « C’est une ligne fine entre la nécessité d’alléger le quotidien des plus affectés par la crise et le besoin de ne pas provoquer de déséquilibre budgétaire », observe l’économiste Victoria Giarrizzo. Selon le cabinet privé Elypsis, cet ensemble de mesures représente un bénéfice budgétaire à hauteur de 1 % du PIB environ pour le gouvernement. « C’est aussi un signal envoyé aux créanciers : le gouvernement cherche à faire preuve d’effort budgétaire », observe Victoria Giarrizzo. La renégociation de la dette avec le FMI mais aussi avec les créanciers privés devrait se préciser dans les prochaines semaines. Le report du remboursement de bons du Trésor représentant 9 milliards de dollars a déjà été décidé vendredi 20 décembre. Lors d’interviews précédant sa nomination, le ministre de l’économie Martín Guzmán, issu du monde académique et collaborateur du prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz, avait annoncé le délai de mars 2020 pour la renégociation de la dette. « Ce sera le moment où le gouvernement saura sur quelles ressources il peut compter, car cela dépend des délais de remboursement qui auront été définis », évalue Victoria Giarrizzo qui pointe un paquet de premières mesures, qui manquent à ce stade, de « politiques de réactivation de l’économie ». 23/12/2019 Argentine: les délicats premiers jours du péroniste Alberto Fernández au pouvoir https://www.mediapart.fr/tools/print/845363 4/4 Cette loi uploads/Politique/ argentine-les-delicats-premiers-jours-du-peroniste-alberto-fernandez-au-pouvoir-mediapart 1 .pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager