1 STRATEGIE EUROPEENNE POUR L’EMPLOI : LES REPRESENTATIONS DES ACTEURS EN FRANC

1 STRATEGIE EUROPEENNE POUR L’EMPLOI : LES REPRESENTATIONS DES ACTEURS EN FRANCE Jean-Claude Barbier Et Ndongo Samba Sylla Rapport pour la DARES et la Délégation à l’emploi du ministère du travail et de l’emploi Décembre 2001 18/06/02 – Centre d’études de l’emploi 2 18/06/02 – Centre d’études de l’emploi 3 SYNTHÈSE 1 – Nous présentons ici une enquête exploratoire sur les représentations d’une poignée (17) de hauts responsables impliqués dans la SEE. Il est inutile de chercher une quelconque représentativité à ces entretiens, mais, rapportés à d’autres travaux de science politique, nous les trouvons fort significatifs des conceptions qui ont cours dans « l’élite de la SEE ». Le matériau est traité, pour cette raison, globalement, car la significativité des entretiens est assurée. Les dimensions personnelles sont donc complètement gommées. 2 – Nous avions fait quelques hypothèses en réaction à la commande du ministère du travail : rechercher des influences multiples entre pays, entre pays et Commission ; hypothèse de la stabilité des contenus des politiques et programmes, liés aux types d’États sociaux ; hypothèse d’une homogénéisation autour d’un référentiel relativement neutre par rapport aux valeurs et normes nationales ; hypothèse de l’influence managériale ; cas particulier de l’influence communautaire majeure dans le domaine de l’égalité entre sexes. 3 – Globalement ces hypothèses sont validées, mais les enseignements ont remis en cause le modèle implicite des influences, en réintroduisant la dimension historique interne, qui est apparue déterminante, y compris dans ses changements au cours du déploiement de la SEE (entre 1997-1999) et depuis. Nous avions une vision trop simple des influences, trop «balistique » sans doute. 4 – Trois types de résultats de la recherche sont présentés. 5 – Nous avons commencé par une analyse interne des documents, de leur structure, de leur lexique en essayant de les comparer aux documents de l’Union européenne, mais aussi aux documents français. Au-delà d’un grand foisonnement, on observe que les lignes directrices et leurs contenus sont globalement stables. C’est particulièrement vrai pour les « programmes phares » (Nouveaux Services Emplois Jeunes ; la réduction du temps de travail ; le nouveau départ transfiguré en PARE-PAP-ND). Cependant dans les autres lignes il y a des incertitudes sur le rangement de certaines politiques qui ont tendance à bouger constamment (c’est le cas de l’actuelle ligne 7) ; nous interprétons ce flou comme un indice du désajustement des théories d’action des politiques nationales par rapport au cadre communautaire, en particulier, sur la question de la définition de l’exclusion, mais aussi des politiques dites « préventives » et du rôle de l’incitation au travail avec la définition incertaine de la notion d’activation. La forme des documents donne une impression de maîtrise croissante de l’exercice, qui aboutit à présenter une grande variété de politiques dans un ensemble intégré qui n’existait pas en France. Au total, ces notations montrent une présentation de plus en plus cohérente et de plus en plus appuyée sur des éléments chiffrés. L’affirmation des objectifs et des engagements était au début très précise, y compris des évaluations en termes de moyens pour les programmes individuels (qui avaient notamment pour fonction d’exercer un effet de levier sur les crédits budgétaires). Il n’en est plus de même ensuite : ce qu’on gagne en cohérence est perdu en précision. 18/06/02 – Centre d’études de l’emploi 4 L’usage des statistiques sexuées se généralise progressivement, ainsi que les objectifs spécifiques d’égalité entre les hommes et les femmes. Le champ des données et informations mobilisées est de plus en plus vaste, quittant le cadre classique des politiques de l’emploi. Le raisonnement en termes de taux d’emploi est acclimaté solidement. En revanche, le discours évaluatif à proprement parler (en termes d’imputation d’effets à des causes) ne se diffuse pas et il est limité à quelques programmes (par exemple, la réduction du temps de travail, les emplois jeunes, les allégements de charge). Le changement majeur est l’introduction effective d’indicateurs et d’objectifs visant l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais il ne faut pas mésestimer la révolution cognitive que représente l’adoption du taux d’emploi. Les recommandations communautaires obéissent à une structure relativement stabilisée, qui est d’ailleurs très commune à tous les pays, sauf qu’évidemment la France se trouve épinglée sur des dimensions où les indicateurs résistent. La France n’a jamais eu de recommandation sur l’égalité entre les sexes ; elle n’en a plus sur les partenaires sociaux ; la Commission semble rester sceptique sur les « effets nets » des programmes phares de la France. Au total, l’analyse du texte précis des plans trahit incontestablement une influence de l’anglais international et, par son intermédiaire, des catégories des politiques sociales anglo- saxonnes dans les politiques françaises. Cette influence devrait être analysée plus en détail. Elle peut se comprendre comme résultant d’une attitude d’adaptation visant à communiquer aux partenaires, mieux et au plus vite, la réalité des politiques françaises. On retrouve ici une démarche, de caractère universaliste, qui n’est pas propre aux acteurs des politiques publiques et que nous avons analysée par ailleurs dans le domaine scientifique. Elle ne doit donc pas être analysée comme la trace d’un processus maîtrisé, mais plutôt comme un effet de communication par le biais de l’anglais indispensable. Il s’agit d’une influence de nomination. Elle comporte évidemment de nombreux avantages puisqu’elle permet de résumer des politiques très différentes sous des catégories communes et elle n’est pas propre à la SEE. Elle est aussi évidemment porteuse d’effets de compréhension très superficielle, pour des partenaires qui croient parler de la même chose et peut entraîner des sources de controverses. Nous ne saurions en tirer pour autant aucune conclusion sur l’influence sur la substance des politiques. 6 – Nous avons ensuite longuement travaillé sur les dimensions que nos interlocuteurs nous ont déclaré être porteuses d’influences (réciproques) et aussi de blocages de ces influences par la résistance du cadre national de référence. On a commencé par montrer qu’ils n’étaient pas tous d’accord sur les causes qui ont amené l’invention de la SEE, ni sur l’appréciation des coalitions de pays dans les instances communautaires, comme le Comité de l’emploi ou celui de politique économique. D’où la difficulté de repérer de quels pays peuvent venir les influences. En revanche, les interviewés sont très homogènes dans leur identification des influences de la SEE sur les politiques françaises : meilleure cohérence et articulation des politiques, rôle accru des partenaires sociaux, nouvelle approche de l’offre de travail, adoption du taux d’emploi, références aux stratégies d’activation et d’incitation, montée du mainstreaming de l’égalité des sexes. Ils le sont aussi quant à l’appréciation de la faible influence communautaire en matière de vieillissement actif, de formation tout au long de la vie, ou en matière d’association des 18/06/02 – Centre d’études de l’emploi 5 régions au PNAE. Ils constatent que les dispositifs phares français sont restés originaux et n’ont pas fait d’émules à l’étranger. La France leur semble cependant active sur le domaine de la qualité de l’emploi et elle a réussi à imposer la baisse de la TVA sur les travaux des logements. Elle est peu comprise dans sa démarche dite « curative » et l’on retrouve l’incertitude de la question de l’exclusion, qui est devenue maintenant « inclusion ». 7 – Enfin, à la fin du chapitre 4 et dans le chapitre 5, nous avons présenté quelques conclusions générales. La première présente une analyse en termes de référentiel. Ce que nous constatons c’est que la vision française des politiques de l’emploi et du marché du travail a depuis longtemps évolué, et qu’elle n’a pas attendu la SEE. Elle s’est désormais ancrée sur une certaine orthodoxie, tout en maintenant des dispositifs originaux (réduction du temps de travail, emplois jeunes et non marchands en général) ; ceci s’est fait avant la SEE. Mais la SEE offre l’avantage de renforcer et de mieux diffuser une espèce de code de lecture économique neutre des politiques ; neutre du point de vue politique, neutre du point de vue des modèles nationaux de politiques. C’est donc l’importance sans cesse croissante de ce que nous avons appelé l’arène bruxelloise que nous avons notée, arène où les acteurs français discutent avec ceux des autres pays, mais aussi entre eux. Si bien que l’arène bruxelloise permet de déplacer des enjeux, d’obtenir des décisions différentes de celles qui auraient eu lieu dans le strict cadre français. Le « passage par Bruxelles » et la traduction des débats et oppositions dans le langage neutre est devenu un trait structurel du milieu décisionnaire des politiques de l’emploi (il reste à savoir comment cette situation se « diffuse » ou non dans d’autres cercles). Sous ce double aspect (référentiel commun, arène bruxelloise) la SEE renforce les processus précédemment engagés en France. En revanche, nous sommes restés sur notre faim – mais peut être cela tient-il à la méthode qualitative employée et à la légèreté de l’enquête – sur le repérage de véritables influences managériales (à la différence de celles qu’on avait notées dans le cas du FSE). Le recours à l’évaluation, par exemple, reste, dans le cadre de la SEE, en retrait de uploads/Politique/ barbier-et-sylla-2001-strategie-europeenne-pour-l-x27-emploi-les-representations-des-acteurs-en-france.pdf

  • 27
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager