Revue française de sociologie Badie Bertrand, Le développement politique. Patri

Revue française de sociologie Badie Bertrand, Le développement politique. Patrice Mann Citer ce document / Cite this document : Mann Patrice. Badie Bertrand, Le développement politique.. In: Revue française de sociologie, 1981, 22-1. pp. 123-125; https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1981_num_22_1_3394 Fichier pdf généré le 23/04/2018 Bibliographie dépendent pour la plus grande part des secteurs concurrentiels et pré-capitalistes ; qu'« il est faux que la vieille société se retire après avoir, comme par miracle, accouché de toutes les conditions nécessaires à la nouvelle » (p. 11); que le critère de la place dans les rapports de production est très largement insuffisant pour caractériser la nature d'une classe sociale ; etc. (Une autre surprise non moins forte attend le lecteur, celle du constat de la relative convergence de vue des auteurs avec les moins dialecticiens de nos plus célèbres professeurs d'économie politique : pas plus que le social, l'économique ne se décrète - sauf à déclencher l'apocalypse totalitaire...). De plus, ce type d'étude amène des chercheurs à reprendre l'examen des inégalités sociales, cette bouteille à l'encre si souvent déconsidérée par les conservatismes bien-pensants ou par les progressismes écervelés. Et enfin l'ouvrage est riche de données factuelles qui ramènent nombre de ratiocinations savantes à l'humble réalité de la condition quotidienne de millions de français. A ce titre, au moins, la lecture de Qui travaille pour qui ? s'avère roborative. Charles- Henry CUIN Université de Bordeaux II BADIE (Bertrand). - Le développement politique. Préface de Georges Lavau. Paris, Economica, 1978, 155 p., index (Politique comparée). Seconde édition : 1980. Les interrogations relatives à l'évolution et au devenir des sociétés ont, comme on le sait, conduit la sociologie naissante du xixe siècle à se donner pour tâche prioritaire l'énoncé des grandes lois de la « dynamique » sociale. C'est cette même ambition qui animera les political scientists des années cinquante lorsque, conscients de l'enjeu que représente sur le plan international la modernisation des jeunes Etats du Tiers Monde, ils en viendront à s'intéresser aux trajectoires de développement de ces sociétés nouvellement acquises aux voies de l'indépendance. En analysant de très près les différents obstacles épistémologiques qui ont jalonné la démarche de ces chercheurs, B. Badie nous invite à comprendre les raisons pour lesquelles les analystes, après avoir délaissé les prétentions universalistes des schémas théoriques hérités des grandes traditions sociologiques du xixe, tendent aujourd'hui soit à s'orienter vers la construction de modèles plus formels, soit surtout à rechercher dans la logique des processus historiques de développement un mode de connaissance privilégié. C'est sans doute l'un des principaux mérites de l'auteur que d'être parvenu à réunir dans cet ouvrage un ensemble aussi vaste de travaux (1), assez mal connus, souvent dispersés et issus d'horizons théoriques différents. Le livre, qui s'impose d'emblée par la clarté de son propos ainsi que par la rigueur de son argumentation, s'organise en trois parties. B. Badie s'attache tout d'abord à rendre compte du cheminement qui a conduit, essentiellement sous l'impulsion d'E. Shils, la science politique à envisager le problème de la modernisation « de manière plus autonome et plus dynamique » (p. 23). Comparé aux théories quantitatives, trop soucieuses avec B. Russet ou R. Dahl de rapporter le développement politique à des facteurs uniquement socio-économiques - encore que, par le biais du concept de mobilisation, K. Deutsch et D. Lerner aient réussi à « assou- (1) On trouvera dans le recueil de textes de and Sons, 1971), un précieux complément de J.L. FINKLE et R.W. GABLE, Political develop- lecture aux deux premières parties de l'ouvrage ment and social change (New York, John Wiley de B. Badie. 123 Revue française de sociologie plir » un tel déterminisme - , ce renouvellement de perspective constitue un progrès notable puisqu'il contribuera à ouvrir la voie aux travaux fonctionnalistes, offrant par là même aux chercheurs l'occasion d'une première « construction théorique globale et cohérente » (p. 37) du développement. Cependant l'auteur nous montre que ce premier élan de recherche, encore enlisé dans la croyance en un progrès inéluctable de l'humanité et empreint de l'idéologie triomphante de la démocratie américaine, ne pourra résister ni à l'épreuve de la critique théorique ni à celle de la confrontation à la réalité des faits. Force sera en effet de reconnaître qu'en dépit de l'apport novateur des travaux de L. Pye ou d'A.F.K. Organski concernant en particulier le recours à la notion de crise, ces constructions souffrent d'un certain nombre de faiblesses. Non seulement parce que l'ethnocentrisme fortement marqué de ces théories en vient inévitablement à réduire leur portée, mais aussi parce que - corrélativement - le changement politique se trouve appréhendé comme un processus endogène et universel dont toute société traditionnelle recèlerait déjà en elle-même le « germe » : donnés une fois pour toutes, les étapes et les processus de développement sont censés être communs à l'ensemble des sociétés et orientés vers un but identique. Dans la seconde partie, l'auteur nous explique comment, grâce à l'approche institutionnelle de S. Huntington et au fonctionnalisme rénové de D. Apter, la sociologie développementaliste va réussir à mettre un terme aux postulats évolutionnistes classiques pour laisser désormais entrevoir l'existence d'une « pluralité de voies d'accès à la modernité » (p. 79). S'il s'agit là encore d'un progrès méritoire, celui-ci a sa contrepartie. On retrouve en effet chez D. Apter les relents d'une vision finaliste de la modernisation ; et la problématique de l'institutionnalisation qui permet à S. Huntington de préserver l'autonomie et la spécificité du développement politique ne semble pas totalement débarrassée de préjugés ethnocentriques. Mais surtout ces deux modèles ont en commun de pécher par excès d'abstraction : les facteurs qu'ils prennent en compte sont si complexes que leur « systématisation » constitue finalement l'obstacle majeur à leur utilisation. On verra ensuite qu'en ramenant le phénomène de modernisation au processus de construction d'un centre, la problématique développementaliste va s'enrichir de nouvelles questions qui vont notamment inciter les chercheurs à se pencher davantage sur la nature des agents modernisateurs ainsi que sur celle des choix politiques auxquels ces autorités dirigeantes sont confrontées. On mesurera mieux dans ces conditions la portée heuristique du modèle « Centre-Périphérie » tout en admettant avec B. Badie qu'un tel modèle, à l'instar de ceux de S. Huntington ou de D. Apter, s'avère incapable de saisir, dans leur totalité, les dimensions qui rendent compte de l'identité et du devenir des sociétés. C'est à cette difficile conciliation des exigences ďuniversalité de la science et de la spécificité du développement de chaque société qu'est consacrée la troisième partie de l'ouvrage. Plus nourrie que les deux précédentes par le nombre de travaux qu'elle passe en revue, cette dernière partie nous conduit sur les chemins qui, depuis les années soixante-dix, ont enfin permis à l'étude du développement politique de renouer avec l'Histoire. Sur la base des travaux qui ont pris pour cadre les trois enjeux auxquels les systèmes politiques européens ont dû faire face - à savoir : 1) « la formation de l'Etat-Nation »; 2) «l'émergence des régimes politiques de masse»; 3) «la structuration des régimes partisans » - , B. Badie s'efforce de mettre en relief tout le profit que la sociologie du développement politique peut légitimement tirer de l'approche historique. L'examen des conditions particulières qui sous-tendent le développement des sociétés d'Europe occidentale, lui donnera ainsi l'occasion de dénoncer les insuffisances des modèles fondés sur un déterminisme économique trop étroit (I. Wallerstein, P. Anderson, В. Moore) et 124 Bibliographie d'apprécier en revanche la fécondité des modèles susceptibles de rendre compte également des dimensions politiques et culturelles propres aux sociétés étudiées (S. Rokkan, S.M. Lipset, С Tilly, P. Bois). L'insistance mise par l'auteur à souligner la singularité du mode de développement de chaque société suffira à nous convaincre des dangers que supposerait « l'exportation » hors de leurs frontières de tels modèles construits à partir de cas empruntés à l'Histoire européenne : comme en témoignent les récentes études menées par G. Merkx et S. Huntington sur la modernisation des sociétés dites « dépendantes », les nations du Tiers Monde ont en effet une structure sociale originale et sont soumises à des conditions spécifiques de développement qui interdisent tout parallélisme avec les trajectoires suivies par la plupart des pays développés depuis la Renaissance. Dans la postface à la seconde édition, B. Badie nous confirme le succès de cette sociologie historisante qu'illustrent en particulier les récents écrits d'I. Wallerstein et de T. Skocpol. Il souligne par ailleurs que cette réévaluation du politique, si décisive dans le champ de la sociologie historique, n'épargne aujourd'hui ni les tenants de l'ancienne école fonctionnaliste ni d'autres auteurs qui, comme R. Grew, tentent de prolonger les analyses menées en terme de crise. Sans doute conviendrait-il de se demander si « l'essor de cette perspective rénovée », pour bénéfique qu'il soit, ne risque pas de donner, à terme, une place excessive aux variables politiques. On ne peut toutefois que se réjouir de voir cette sociologie historique mettre fin aux vieilles querelles pour repenser les rapports de l'Histoire et de la Sociologie en termes moins contradictoires que complémentaires. Si aujourd'hui, ainsi que le dit P. uploads/Politique/ bertrand-badie-developpement-politique.pdf

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