La Syrie (Extraits)(1) B ien qu’elle soit actuellement aux prises avec une san-
La Syrie (Extraits)(1) B ien qu’elle soit actuellement aux prises avec une san- glante et terrible guerre civile, tout avait commencé en Syrie, comme dans le reste des pays arabes, avec des appels à manifester lancés via les médias sociaux, en particu- lier Facebook. Ainsi, dès le début du mois de février 2011, un « Jour de la rage » fut déclaré mais n’a été aucunement suivi. Les premières manifestations, qui ne débutèrent qu’à la mi-mars, suivaient le modus operandi de la lutte straté- gique non violente théorisée par Gene Sharp. Le film documentaire réalisé par le journaliste britan- nique Ruaridh Arrow et consacré à Gene Sharp [How to start a Revolution], met en scène un cyberactiviste syrien, un certain Ausama (autrefois Osama) Monajed, membre du Conseil national syrien (CNS). Q Kmara = Kifaya Dans ce film, Monajed se rend à Boston, au siège de l’Albert Einstein Institution, organisme que dirige le philo- sophe américain. Il semble très bien connaître les lieux et se montre très familier aussi bien avec Gene Sharp qu’avec son assistante Jamila Raqib qui l’appelle par son petit nom « Ausam ». Lorsque l’intervieweur lui demande la date de sa dernière visite à ce lieu, il répond: « Je ne me rappelle pas exactement, est-ce en 2007 ou 2006 ? Oui, des années avant, quand peu de personnes pensaient à un scénario de résistance non violente, et seulement un cer- tain nombre croyait que cela pouvait réellement arriver dans un pays comme la Syrie. » Tourné lorsque les émeutes syriennes étaient dans leur phase « sharpienne », le documentaire donne la parole à Monajed : « Les tactiques et les théories de Gene Sharp sont pratiquées dans les rues de Syrie au moment où nous parlons. La dyna- mique à laquelle le régime est confronté en Syrie est ce dont a parlé Gene Sharp D ans Arabesque$, remarquable enquête sur le rôle des États-Unis dans les prin- temps arabes, Ahmed Bensaada dévoile les nouvelles méthodes américaines employées pour exporter la démocratie « Made in USA » dans les pays arabes. 42 Bonnes feuilles Par Ahmed Bensaada* et ce que nous avons vu dans les premières semaines et c’est ce qui a renforcé les gens et leur a fait croire encore plus à la lutte non vio- lente – que cela va fonctionner, et cela fonc- tionne. Ce qu’on a fait, c’est la promotion de ces tactiques [les méthodes d’actions non vio- lentes] et les expliquer aux gens à travers les pages Facebook que nous avons et aussi les chaînes YouTube. C’est la façon dont ils sont appliqués, comme mettre des fleurs sur les lieux où les héros sont tombés […], ou de nettoyer les rues et de les rendre, vous le savez, plus agréables et meilleures parce que nous pouvons faire quelque chose d’encore mieux que le régime peut faire en termes de services, alors oui. De la dictature à la démocratie [le fameux livre de Gene Sharp] vous donne l’inspiration, les assurances que cela pourrait vraiment être réalisé et cela peut vraiment arriver. » Pour enfin clore la séquence avec : « Si Einstein était le génie de la physique, alors Gene Sharp est le génie des libertés et de la façon d’atteindre ces libertés. » En fait, la date de 2006 (ou 2007) donnée par Ausama Monajed n’est pas fortuite comme nous allons nous en rendre compte. Après avoir analysé une série de câbles WikiLeaks rela- tifs à la Syrie, le Washington Post a révélé que les États- Unis avaient, en secret, financé l’opposition syrienne depuis 2006. Les dissidents syriens exilés regroupés sous la ban- nière du Mouvement pour la justice et le développement ont reçu quelque 6 millions de dollars pour financer une chaîne de télévision ainsi que diverses « activités » anti- gouvernementales à l’intérieur de la Syrie. Ces finance- ments ont commencé sous l’administration Bush et ont continué sous celle d’Obama au moins jusqu’en sep- tembre 2010. D’autre part, un télégramme de l’ambas- sade des États-Unis à Damas révèle qu’une somme de 12 millions de dollars a été versée de 2005 à 2010 au volet syrien d’un programme du Département d’État nommé « Initiative de partenariat pour le Moyen- Orient » (en anglais : “Middle East Partnership Initia- tive” ou Mepî). Notons que le Mepi dépend directement du Département d’État des États-Unis, par l’intermé- diaire du Bureau des AFP « EINSTEIN: GÉNIE DE LA PHYSIQUE; GENE SHARP: GÉNIE DE LA LIBERTÉ. » Arabesque$ Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes D. R. Décembre 2014 G afrique asie affaires du Proche-Orient. Cet organisme a été fondé en 2002 par Colin Powell, alors secrétaire d’État de George W. Bush, pour créer « une perspective à long terme pour la réforme, pas quelque chose qui va être fait dans un an ou cinq ans ». Comme indiqué dans un rapport rédigé par Stephen McInerney (le directeur exécutif de Pomed) et intitulé Le Budget fédéral et des crédits pour l’exercice 2010. Démo- cratie, gouvernance et droits de l’homme dans le Moyen- Orient, « Mepi a régulièrement augmenté son travail dans les pays qui n’ont pas de présence de l’USAID comme la Libye, la Syrie et les États du golfe Persique ». Puis, au sujet du rôle des ambassades américaines, McInerney donne l’intéressante information : « Le pro- gramme de petites subventions [mis en place par Mepi] a favorisé l’interaction entre les agents politiques dans les ambassades des États-Unis et les activistes de la démocra- tie dans la région, ce qui a contribué à intégrer les préoc- cupations pour la démocratie et les droits de l’homme 43 En juin 2011, un Syrien, flanqué du drapeau de la révolution, manifeste devant le siège de CNN à Hollywood pour demander aux Américains de débloquer les réseaux Internet en Syrie! dans les efforts diplomatiques quotidiens de ces ambas- sades. » Ainsi, le Mepi serait une entité gouvernementale com- plémentaire, conçue pour cibler les zones non desservies par l’USAID et permettant aux ambassades américaines de financer directement les activistes. Cela nous explique pourquoi, comme discuté auparavant, de nombreux cybe- ractivistes arabes gravitent autour des missions diploma- tiques américaines. L’Égypte (Extraits) L e mouvement Kifaya (« C’est assez ! », en arabe) est un groupe d’opposition égyptien créé en 2004 par des intellectuels de différentes sensibilités. Parmi ses revendications, on peut signaler, pêle-mêle, la fin du régime Moubarak, l’opposition à un transfert de pouvoir au fils du président, Gamal Moubarak, et la ¯ Décembre 2014 G afrique asie 44 Bonnes feuilles « admirait la Révolution orange d’Ukraine et les Serbes qui ont renversé Slobodan Milosevic ». En 2008, le think tank américain Rand a publié une impo- sante et exhaustive étude sur le mouvement Kifaya, com- manditée par le bureau du secrétaire à la Défense (OSD). Selon ce qui est mentionné dans l’imposant document, la recherche a été menée à l’Institut national de recherche sur la défense Rand, un centre de recherche et développement financé par des fonds fédéraux et parrainé par l’OSD, l’É- tat-major interarmées, le Commandement interarmées de combat, le Département de la Marine, le corps des Marines, les Agences de défense et la communauté du renseignement militaire. Q Guerre « non violente » Cela a fait dire à certains que « bien entendu, il doit y avoir une raison politique pour expliquer que le masto- donte de la Rand s’intéresse à un groupe d’une impor- tance somme toute assez relative […] ». Et ils n’ont pas si tort. Tout d’abord, en intro- dénonciation de la culture de la corruption au sein de l’État. Il y a quelque chose d’insolite dans le choix du nom de ce mouvement. En effet, il est assez surprenant de constater qu’il a été baptisé avec un nom identique à celui du mouvement géorgien Kmara. Vous avez com- pris : Kmara et Kifaya ont la même signification dans leurs langues respectives. Cette étrange similitude laisse suggérer au moins une vision politique similaire, si ce n’est une collaboration directe et franche entre les deux mouvements ou avec Canvas [Center for Applied Non Violent Action and Strategies, ndlr] qui a formé les lea- ders de Kmara. Cette imitation des méthodes prônées par les activistes des révolutions colorées est aussi visible chez d’autres militants égyptiens. Dans un article détaillé sur les mouvements d’opposition en Égypte (dont Kifaya), Sherif Mansour (encore lui !) a remarqué que les activistes égyptiens « imitaient » les Ukrainiens en donnant, pendant les manifestations, des roses aux forces de l’ordre. Ahmed Maher lui-même a déclaré à un journaliste du Los Angeles Times qu’il Le Caire en avril 2005: une activiste de Kifaya appelle à la démission du président Moubarak: c’est la non-violence à la sauce Gene Sharp! LES ÉTATS-UNIS ONT, EN SECRET, FINANCÉ L’OPPOSITION SYRIENNE DEPUIS 2006. AFP Décembre 2014 G afrique asie duction, l’étude mentionne : « Les États-Unis ont professé un intérêt pour une plus grande démocratisation dans le monde arabe, en particulier depuis les attentats de sep- tembre 2001 […]. Cet intérêt fait partie d’un effort visant uploads/Politique/ bonnes-feuilles-arabesque.pdf
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- Publié le Aoû 13, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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