Revue française de sociologie La méthode du panel et ses possibilités d'applica
Revue française de sociologie La méthode du panel et ses possibilités d'application à la structure politique française François Chazel Abstract François Chazel : The panel method and its application to the French political system. Methodological presentation of the panel, drawing attention to the interest of this method for thorough analysis of change, its nature and its elements. Short history of its application to electoral decisions insisting on the value of certain results and the interest of the perspectives thus opened. Lastly, the A. endeavors to show that the particularities of the French political system do not rule out the use of the panel and that its application could lead to a realistic study of the French citizen, and the process of influence to which he is subjected. Citer ce document / Cite this document : Chazel François. La méthode du panel et ses possibilités d'application à la structure politique française. In: Revue française de sociologie, 1966, numéro spécial. Le comportement politique. Etudes comparatives réunies et présentées par Mattei Dogan. pp. 684-699; https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1966_hos_7_1_1108 Fichier pdf généré le 22/04/2018 R. franc. Sociol, VU, 1966, 684-699 François CHAZEL La méthode du panel et ses possibilités d'application à la structure politique française II n'est pas au pouvoir d'une technique, si nouvelle soit-elle, de modifier par elle-même les principes ou les bases de l'élaboration théorique; mais elle est susceptible d'ouvrir des perspectives, d'indiquer une approche qui permette une prise plus ferme sur l'objet de l'explication scientifique; sans suggérer une interprétation, elle en précise peut-être les voies, et acquiert ainsi la dignité d'une méthode. Tel est, nous semble-t-il, le cas de la technique du panel. Cette technique n'est en fait qu'un raffinement du procédé de l'interview auquel recourt toute enquête d'opinion : au lieu d'interroger des personnes différentes pour chaque questionnaire, les enquêteurs suivent les mêmes individus pendant toute la vague d'interviews consacrée à un sujet bien déterminé. Cette particularité fait du panel une technique appropriée à l'étude de toute décision, et par conséquent du choix électoral : en interviewant à deux ou plusieurs reprises les mêmes électeurs, le chercheur est à même d'observer la persistance de leurs intentions initiales ou la nature de leurs hésitations et de leurs changements, depuis le début de la campagne électorale jusqu'au jour du vote. De plus, la technique est d'une utilisation très souple : l'enquêteur interviewe les membres du panel autant de fois qu'il le veut, dans la tranche de temps où il étudie la formation de la décision. Aussi, pour revenir au cadre des élections qui nous intéresse au premier chef, pouvons-nous rencontrer des enquêtes qui ne comptent pas moins de sept interviews successives, comme celle dont Lazarsfeld, Berelson et Gaudet rapportent les résultats dans The People's Choice [10] *, à côté d'autres qui n'en comportent que deux, comme c'est généralement le cas pour les recherches entreprises par le Survey Research Center de l'Université de Michigan. Si la date de la première interview est fixée en fonction de l'intérêt du spécialiste, la dernière a une place bien déterminée : elle est toujours située le lendemain de l'élection ou dans les jours qui la suivent immédiatement, car l'étude * Les chiffres entre crochets carrés renvoient aux références bibliographiques en fin d'article. Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes en bas de page. 684 François Chazel serait incomplète si l'analyste ignorait comment ont voté en définitive les personnes, sur lesquelles il a recueilli tant de renseignements et dont il a suivi l'évolution. Cette idée de s'adresser aux mêmes individus pour répondre à des questionnaires successifs, portant tous sur un thème central, était simple; elle ne vint pourtant pas tout de suite à l'esprit des spécialistes de l'opinion publique; et les sociologues ne virent pas immédiatement non plus ' la magnifique occasion qui leur était ainsi offerte d'aborder les problèmes posés par la formation de la décision, notamment dans le cas du vote. Si l'on excepte les travaux de pionnier de Stuart Rice (1), dont la méthode manquait encore de rigueur, on peut considérer que Newcomb dans son enquête sur les jeunes filles du collège de Bennington (2) qu'il observa pendant quatre années consécutives, fut le premier à appliquer la technique du panel sur une grande échelle. Cependant son étude portait essentiellement sur les attitudes et sur la manière dont les opinions politiques étaient façonnées par une communauté libérale, au sens américain de ce dernier terme. Dans le premier article méthodologique consacré au panel, écrit en collaboration avec Marjorie Fiske [1] Paul Lazarsfeld lui-même n'insistait pas davantage sur les possibilités que la technique nouvelle offrait pour l'étude de la décision : elle lui paraissait surtout utile pour observer d'une manière suivie et ainsi mieux connaître les lecteurs et les auditeurs atteints par les moyens modernes d'information, plus particulièrement les fidèles de certaines revues. Ce furent cependant son intérêt pour la psychologie du choix et son désir de comparer la décision de l'électeur à l'achat du consommateur qui poussèrent Lazarsfeld à entreprendre avec Berelson et Hazel Gaudet la première étude électorale par panel : l'élection choisie était celle de 1940, où s'affrontaient Roosevelt et Willkie. Avant de rappeler les points marquants de The People's Choice, qui rassemble les résultats de cette enquête, et de les situer dans une brève histoire du panel, ou plus exactement de son application au contexte électoral, nous voudrions nous attarder quelque peu sur l'aspect méthodologique, c'est-à-dire sur les avantages et l'intérêt de la technique. Supposons que nous demandions à un certain nombre de personnes de nous faire connaître leur intention de vote à un moment t de la campagne électorale, puis que nous interrogions en un temps t + 1 d'autres personnes, toujours sur la manière dont ils envisagent de voter : si les individus ont été bien choisis, c'est-à-dire si nos deux échantillons sont représentatifs de la population étudiée, nous aurons une image à peu près exacte du changement net qui s'est produit, dans l'esprit clas électeurs, entre t et t + 1. Mais nous ne pourrons pas connaître la fréquence et la direction des changements individuels qui rendent compte, tous réunis, du changement global. En revanche le panel donne à l'enquêteur la possibilité de suivre les mouvements internes à l'intérieur de chaque catégorie distinguée initialement : nous ne saurons pas seulement comment s'est (1) Rice, S. Quantitative methods in politics, New York, Knopf, 1928. (2) Newcomb, Theodore M. Personality and social change : attitude formation in a student community, New York, Dryden Press, 1943. 685 Revue française de sociologie modifiée, d'une interview à l'autre, la proportion des républicains par rapport aux démocrates, mais nous serons capables d'isoler tous les éventuels électeurs qui sont passés des républicains aux démocrates et en même temps tous ceux qui ont fait le chemin inverse. Un premier avantage du panel ressort clairement de cette sommaire analyse : l'emploi de cette technique permet de distinguer les personnes qui changent de celles qui sont plus constantes dans leur intention de vote, elle facilite ainsi une étude de ces électeurs flottants dont si souvent dépend la victoire, dans une élection serrée. Ce n'est pas là pourtant le seul intérêt de la technique : l'information acquise au temps t ne concerne pas seulement la répartition d'ordre politique entre les divers partis ou les divers candidats, elle apporte aussi des renseignements sur les groupes d'âge, les catégories de revenus, l'appartenance religieuse ou syndicale. L'enquêteur pourra donc étudier des groupes différenciés. On pourrait sans doute nous objecter que ce privilège n'est pas l'apanage du panel : ne suffit-il pas, pour connaître le vote des divers « groupes statistiques », d'établir des corrélations d'ordre écologique entre agrégats socio-démographiques et clientèle politique ? A cette critique nous répondrons sur plusieurs plans : d'abord les résultats du panel sont plus solides puisqu'il autorise l'établissement de corrélations individuelles dont les meilleurs méthodologues ont reconnu la plus grande fidélité (3) ; ensuite les statistiques objectives ne permettent pas de classer les électeurs en vertu de certaines caractéristiques socio-psychologiques, comme le degré d'intérêt ou l'exposition aux communications de masse : ces classifications sont pourtant des plus importantes, dans l'analyse de certains effets, comme ceux des moyens modernes d'information; car, s'il est important pour le sociologue de connaître le nombre de familles qui possèdent en France un poste de télévision, il ne nous paraît pas raisonnable de se contenter de ce seul indice, sans aucune mesure de l'exposition ou de l'intérêt, pour juger de l'influence de la télévision (4). Enfin, grâce à la technique du panel, il est possible d'aller au-delà d'une corrélation établie une fois pour toutes et de suivre les changements concurrents de deux variables; sans doute les caractéristiques d'ordre socio-économique changent peu dans le temps — relativement bref — d'une campagne électorale, mais les variables, d'ordre socio-psychologique, sont loin d'être aussi stables : le niveau d'intérêt et le degré de participation à des discussions politiques peuvent par exemple s'accroître au fur et à mesure que l'on se rapproche du jour de la décision. Peut-être nous opposera-t-on cette fois que grâce à l'analyse des tendances (trend analysis) , le chercheur peut uploads/Politique/ chazel-1966-methode-du-panel-p.pdf
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- Publié le Mai 03, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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