Cours Economie politique internationale Dans sa définition la plus large, l’éco
Cours Economie politique internationale Dans sa définition la plus large, l’économie politique internationale (EPI) a pour objet les interactions entre l’économique et le politique et entre le national et l’international (Gilpin 1987). Cet objet n’est pas nouveau puisqu’il était déjà au cœur des débats mercantilistes et de la critique opérée par les pères fondateurs de l’économie politique classique. Dans la tradition disciplinaire des sciences sociales, ce n’est pourtant qu’à partir des années 1970 que l’EPI fut institutionnalisée dans le milieu académique anglo-américain comme sous-discipline des relations internationales. Au-delà des enjeux manifestes de la crise du système de Bretton Woods, de la crise économique et de la crise pétrolière, les liens privilégiés entre le milieu académique et les sphères dirigeantes américaines ont en effet conduit à orienter l’analyse en direction d’une recherche appliquée qui réponde à ces nouveaux symptômes – réels ou imaginaires – du déclin américain. Le premier constat fut d’admettre que le paradigme réaliste, qui dominait l’étude des relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale, n’offrait pas les outils adéquats. La dynamique à l’œuvre dans la remise en cause des principaux piliers de l’ordre économique international dépassait largement la compétition par la puissance et le droit. Le comité de rédaction de la revue International Organization a donc initié un projet collectif dans les années 1972-73 en vue de publier un numéro spécial consacré à ce qui était encore appelé à l’époque la « politique des relations économiques internationales ». Cette initiative a incontestablement marqué l’institutionnalisation de ce nouvel objet d’étude tout en assurant le statut quasiment incontournable de la revue dans ce domaine. Les objectifs présentés par les éditeurs du numéro spécial sont significatifs de l’orientation de leur projet. À leurs yeux, il fallait apprécier, à l’aune d’études de cas empiriques, la puissance d’analyse que pourrait offrir une intégration des méthodes éprouvées de la théorie économique et des sciences politiques, intégration qui devait constituer « une composante essentielle de la plupart des recherches destinées à orien- ter l’agenda en économie internationale » (1). En clair, il s’agissait d’examiner les conditions de restauration d’un ordre économique international libéral sous la responsabilité des grandes puissances. On peut considérer que l’EPI a depuis lors suivi deux trajectoires opposées : l’une, orthodoxe, qui préserve les principaux postulats de l’école réaliste en y ajoutant les hypothèses centrales de la science économique utilitariste – celle-ci domine encore largement le milieu académique américain ; l’autre, hétérodoxe, qui vise à l’interdisciplinarité et au syncrétisme théorique en vue de cerner les différentes facettes d’une économie transnationale opérant au sein d’un système d’autorité politique fragmenté – on retrouve celle-ci dans quelques universités américaines, mais principalement au Royaume-Uni, au Canada et certains autres pays qui acceptent l’anglais comme langue vernaculaire de la communauté scientifique. À de rares exceptions près, la France ne semble avoir découvert que récemment les potentialités qu’ouvre un champ d’étude pourtant déjà investi il y a plusieurs décennies par des universitaires de renom comme François Perroux ou Fernand Braudel (Coussy 1998 ; Kébabdjian 1999 ; Laroche 1998) (2). La présentation qui suit ne s’étend pas sur la genèse de ce champ d’étude. Elle revient d’abord sur l’importance qu’a joué la théorie des régimes internationaux dans l’institutionnalisation de l’EPI dans le monde académique anglosaxon dans le courant de la décennie 1980. Elle évoque ensuite la première vague de critiques hétérodoxes qui lui furent adressées et qui ont lancé un programme de recherche alternatif en EPI. Dans un troisième temps, elle examine la manière dont les approches dominantes en EPI sont en train de répondre à ces critiques autour d’un nouveau paradigme, le « constructivisme ». Elle s’achève enfin sur le renouveau des approches hétérodoxes qui convoquent de nombreuses traditions disciplinaires des sciences humaines pour profondément remodeler les objets et les cadres d’analyse de l’EPI contemporaine. LA THÉORIE DES RÉGIMES Dans les années soixante-dix, c’est principalement autour de la problématique de l’« interdépendance complexe » que fut institutionnalisé le nouveau champ d’étude de l’EPI. Cette notion visait à rompre avec la vision dominante des relations internationales, le réalisme, qui avait pour principal objet la politique de puissance des États, en particulier dans le domaine de la sécurité. L’interdépendance complexe supposait de nouveaux acteurs des relations internationales, comme les firmes multinationales, les ONG, les institutions internationales. Elle inaugurait de nouveaux objets, comme les relations monétaires et financières internationales, l’aide publique au développement, la politique commerciale, l’internationalisation de la production ou l’organisation du marché pétrolier. À partir des années quatre-vingt et jusqu’au milieu des années quatrevingt dix, les analyses en termes de « régimes internationaux » furent incontestablement au cœur du programme de recherche mis en place pour appréhender ces nouveaux objets (3). Selon la définition canonique présentée dans l’ouvrage collectif dirigé par Krasner (1983 : 2), un régime désigne un ensemble de principes, de normes, de règles et de procédures de décision, explicites ou implicites, autour desquelles les attentes des acteurs convergent dans un domaine spécifique des relations internationales. Le concept de régime fut d’abord une réponse aux réflexions issues de la « théorie de la stabilité hégémonique ». Le débat portait sur le rôle dévolu à la puissance hégémonique dans la formation, l’effectivité et la pérennité d’un régime de coopération internationale. Alors que pour les partisans de la théorie de la stabilité hégémonique l’évolution de l’ordre économique international est conditionnée par les phases de montée et de déclin hégémonique, ce n’est plus le cas pour les tenants de la théorie des régimes. En se focalisant sur les conditions de coopération économique internationale dans un contexte « post-hégémonique », l’apport décisif d’auteurs comme Keohane (1984) ou Axelrod (1992) fut d’emprunter à l’économie institutionnaliste et à la théorie des jeux sur laquelle elle repose des modèles de causalité formelle en vue d’expliquer les possibilités de coopération interétatique en dehors d’un ordre économique international imposé par les grandes puissances. Dans cette perspective, un régime s’explique par l’intérêt rationnel des États à coopérer en vue de réduire les coûts de transaction, d’obtenir une meilleure information, de diminuer les incertitudes mutuelles et de rendre plus lourd le coût d’alternatives non désirées. Le débat s’est dès lors déplacé entre deux approches concurrentes de la théorie des régimes, le néolibéralisme et le néoréalisme. Là où le néolibéralisme voit l’État comme acteur rationnel et égoïste guidé par son seul inté- rêt dans le calcul des coûts et des bénéfices de la coopération, le néoréalisme reste fidèle au concept de puissance en tenant compte des enjeux distributifs d’une répartition inégale des coûts et des bénéfices de la coopération entre États. Les néolibéraux attribuent d’autant plus d’importance à la coopération interétatique en matière économique qu’elle représente un « gain absolu » pour les États, alors que pour les néoréalistes les régimes ne peuvent offrir que des « gains relatifs » qui restreignent considérablement les cir constances dans lesquelles ils peuvent prévaloir sur la scène internationale (Baldwin 1993). C’est du point de vue méthodologique que l’on peut appréhender le plus clairement les difficultés que présentent ces approches. Elles adhèrent explicitement au logicisme économique propre à l’épistémologie utilitariste qui domine la science économique depuis la fin du XIXe siècle. Il est en effet remarquable de constater à quel point elles transposent cette logique sur le plan international. Le débat qui oppose « néoréalistes » et « néolibéraux » est souvent considéré comme le principal clivage de l’ensemble du champ d’étude de l’EPI. Or, ces deux approches ne font en fait que s’opposer sur la primauté à attribuer dans l’analyse soit à l’État, soit aux différents niveaux d’agrégation du marché (macro-économie, facteurs de production, secteurs, etc.). Aucune d’entre elles ne nie l’existence d’une logique de fonctionnement rationnelle fondée sur la recherche de l’intérêt. Les catégories d’analyse sont celles de la théorie des jeux ou celle de l’école des choix rationnels (coûts-bénéfices). Les constructions théoriques sont des modèles de causalité objective qui répondraient soit à la logique implacable de la puissance, soit aux mécanismes impondérables du marché. Les différentes thèses soutenues par les adeptes d’une telle démarche sont en effet les suivantes. Pour les partisans de la « théorie de la stabilité hégé- monique », il faut une distribution hiérarchique de la puissance en mesure de garantir à tous les États le « bien public » d’une économie internationale libérale. Pour les néoréalistes ne souscrivant pas au postulat de la stabilité hégémonique, ce sont seulement dans certaines circonstances que la poursuite de l’« intérêt national » offre les opportunités favorables à une coopération économique internationale : si Grieco (1990) insiste sur une distribution équitable des bénéfices, Krasner (1999) voit au contraire dans une distribution favorable au plus fort les meilleures chances de la coopération. Enfin, selon les tenants des approches « néolibérales », ce sont les divers niveaux d’agrégation sur lesquels s’impriment ou non les mécanismes de marché (market failure) qui décident d’une coopération interétatique permettant une meilleure allocation des ressources (Keohane and Milner 1996). Ces approches n’entrent guère en matière sur ce qui forge et modifie l’intérêt des États, sur les instances de pouvoir public ou privé autres que l’État, sur le uploads/Politique/ cours-economie-politique-internationale.pdf
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- Publié le Dec 02, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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