Les décrets inscriptions Une question d’équité ou de performances ? 2 Toutes no
Les décrets inscriptions Une question d’équité ou de performances ? 2 Toutes nos publications sont disponibles : - En téléchargement, depuis l’adresse internet de notre asbl : www.cpcp.be/Études-et-prospectives - En version papier, vous pouvez les consulter dans notre centre de documentation situé : Rue des Deux Églises, 45 - 1000 Bruxelles Tél. : 02/238 01 27 - Mail : info@cpcp.be 1 Les décrets inscriptions Introduction En Belgique francophone, jusqu’il y a peu (2007), c’est un système de libre choix absolu qui prévalait pour attribuer une école à un enfant. Chaque famille était supposée dispo- ser d’une entière liberté à l’heure de choisir une école secondaire. Cette liberté absolue était en fait assez propre à notre pays, la plu- part des pays de l’OCDE (l’Organisation de Coopération et de Développement Écono- miques1) disposant d’un système de régulation des inscriptions. Il est possible de distinguer deux types de justifications à la régulation des inscriptions : la nécessité d’assurer un arbitrage lorsque la demande dépasse l’offre, ou la volonté politique d’influer sur la composition des publics scolaires. Cependant, même lorsqu’il s’agit de départager les candidats de manière équi- table, les modalités choisies peuvent refléter différentes aspirations politiques. En Belgique, la liberté de choix de l’école par les parents est un acquis du Pacte scolaire de 1959 qui lui-même se trouvait dans l’esprit de la Constitution. La Constitution établit en effet le principe de la liberté de l’enseignement (ar- ticle 24 de la Constitution), qui recoupe à la fois la libre organisation de l’ensei- gnement et le libre choix de l’école par les parents. Cet élément semble plaider contre une politique qui laisse à l’État le soin de décider de la répartition des enfants dans les différentes écoles. Dès lors, il aurait été logique qu’une décision de régulation se concentre surtout sur le besoin d’offrir un système équitable et non discriminant de départage des demandes excédentaires. Pourtant, lorsque le premier décret visant à réguler les inscriptions en Com- munauté française a été adopté, l’accent a été mis sur la volonté d’agir sur le niveau de performances en luttant contre les processus de dualisation 1 Il s’agit d’une organisation internationale dont la mission est « de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde ». Elle est consti- tuée de 34 pays membres, dont 21 des 28 États membres de l’Union européenne. Voy. http:// www.oecd.org/fr/apropos/membresetpartenaires/ (consulté le 24/06/2014). 2 de notre système éducatif (objectifs politiques) plus que sur le besoin fonda- mental d’encadrer les procédures de sélection des élèves à l’entrée du se- condaire (arbitrage). Ce n’est que dans un deuxième temps, souvent pour minimiser les conséquences négatives des dispositifs en place, qu’il a été ren- voyé aux dysfonctionnements antérieurs (notamment les procédures opaques, voire injustes, existant dans différentes écoles) et à la nécessité qui en décou- lait d’offrir un dispositif équitable de sélection des élèves. Ce flou apparent concernant les fondements des décrets a entaché la manière dont les textes ont été défendus par les ministres et gouvernements successifs et perçus par la population, suscitant de vives oppositions engendrées par l’incompréhension. Cette étude retrace le parcours des différents textes adoptés en Commu- nauté française en tentant de décrypter les objectifs poursuivis, ainsi que les moyens qui ont été mis en œuvre afin de les atteindre. Ensuite, les difficultés qui subsistent sont identifiées, de même que les pistes de solution offertes par les différentes parties prenantes. Enfin, il est rappelé que les enjeux auxquels touche le décret inscriptions sont multiples. Dès lors, il est acquis que des actions simultanées à différents niveaux sont la condition sine qua non pour espérer des avancées significatives pour notre système éducatif, que l’on parle de performances, d’équité ou de mixité sociale. 3 Les décrets inscriptions I. Pourquoi réguler les inscriptions scolaires ? En se dotant d’un dispositif de régulation des inscriptions en 2007, la Com- munauté française n’a pas été une pionnière en la matière. La plupart des pays membres de l’OCDE connaissaient en effet déjà un système de régulation des inscriptions. La plupart des systèmes éducatifs au sein de l’OCDE mettent en place une forme de limitation du choix des écoles. N. Mons, Maître de conférences en sciences de l’éducation à Grenoble-II, a étudié les différents systèmes connus des membres de l’OCDE et relève quatre types de systèmes de choix des établissements2. On retrouve ainsi des déclinaisons de ces quatre modèles : modèle de l’affec- tation contraignante des élèves, modèle de la carte scolaire avec possibilités de dérogation, modèle du libre choix régulé et modèle du libre choix total3. – – Modèle de l’affectation contraignante des élèves par l’auto- rité publique Dans ce modèle, parents et enfants n’ont pas le choix : l’école leur est imposée par l’État. Ce modèle est minoritaire au sein de l’OCDE et ne concerne que 10% des pays (Grèce, Corée du Sud, Japon, Hong-Kong). 2 Cédelle, L., « Carte scolaire : les pièges du libre choix », Lemonde.fr, 12 juin 2007, http://www.lemonde.fr/societe/article/2007/06/12/carte-scolaire-les-pieges-du-libre- choix_922339_3224.html (consulté le 04/07/2014). 3 Obin, J.-P. , van Zanten, A. , La carte scolaire, Paris, PUF, collection Que sais-je ?, 2008 ; résu- mé publié sur le site Cairn.info : http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=ES_024_0177 (consulté le 07/07/2014). La régulation des inscriptions : loin d’être une spécificité belge. 4 – – Modèle de la carte scolaire avec possibilité de dérogation Selon ce modèle, les élèves sont assignés à une école en fonction de leur lieu de résidence4. Il s’agit du modèle dominant au sein de l’OCDE. Il concerne près de 40% des pays, qui y apportent différentes variantes. Parmi les pays qui l’appliquent, on retrouve la France5, le Portugal, l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège, la Finlande, le Canada… – – Modèle du libre choix régulé Ce modèle permet aux parents d’exprimer des choix, mais ceux-ci se font de manière encadrée, que ce soit en amont ou en aval. Cette régulation par les autorités publiques permet de mener des politiques visant à favoriser la proxi- mité, la mixité scolaire et sociale, etc. Il correspond à 25% des pays de l’OCDE dont la Suède, le Danemark, certains districts américains et gagne du terrain. C’est l’évolution constatée en Bel- gique, d’abord en Communauté flamande et puis en Communauté française. – – Modèle du libre choix total. Ce modèle touche encore près de 25% des pays. Il « met en présence l’offre et la demande sur le marché scolaire » et se subdivise en deux sous-modèles : celui du libre choix proche du libre choix régulé (Hongrie, République tchèque, Australie, Nouvelle-Zélande) et celui du libre choix absolu (Pays-Bas et précé- demment en Belgique). On peut dès lors se demander ce qui justifie ce recours presque généralisé à la régulation des inscriptions scolaires. Pour ce faire, E. Cantillon et N. Gothelf, chercheurs à l’ULB, renvoient à deux types d’arguments6. Premièrement, il 4 Vandenberghe, V., « Réguler l’enseignement en Belgique francophone ou comment enca- drer pour notre «vieux» quasi-marché scolaire? », GIRSEF, Université catholique de Louvain, 12 avril 2001, http://perso.uclouvain.be/vincent.vandenberghe/Papers/QM_regul.pdf (consul- té le 25/08/2014). 5 Notons cependant que la France a procédé à des « allers-retours » politiques à cet égard. 6 Cantillon, E., Gothelf, N., « Quel enfant, dans quelle école ? Réflexions sur la régu- lation des inscriptions scolaires en Belgique », 14 septembre 2009, http://www.ecares.org/ ecare/personal/cantillon/web/inscriptions-scolaires.pdf (consulté le 04/07/2014), p. 2 et sui- vantes. 5 Les décrets inscriptions peut s’agir du besoin de disposer de critères objectifs pour départager de façon équitable des élèves voulant s’inscrire dans une école lorsque la demande dépasse l’offre, c’est-à-dire lorsqu’il y a plus d’enfants qui souhaitent s’inscrire que de places disponibles. La deuxième motivation est plus politique. Elle part du postulat « qu’indépendamment des problèmes de capacité éventuels, le libre choix des écoles et des élèves génère un résultat qui peut ne pas être optimal pour la société »7. Il ne s’agit alors plus de réguler les demandes excédentaires mais d’influencer plus fondamentalement les populations scolaires. Selon ces chercheurs, étant donné que « la liberté du choix de l’établissement scolaire pour son enfant est un acquis du pacte scolaire de 1959 », le respect du choix parental doit logiquement rester au coeur de toute politique d’ins- criptions scolaires en Belgique. Cependant, même si l’objectif premier est de réguler les demandes excéden- taires, il est possible de poursuivre différents objectifs complémentaires à tra- vers le choix de la méthode utilisée. Parmi ces potentiels objectifs politiques, on retrouve l’unité familiale (s’assurer que chaque élève ayant un frère ou une soeur dans l’établissement ait une place garantie), l’équité, la minimisation des trajets (dans un souci de protection de l’environnement), la continuité des parcours pédagogiques, la mixité sociale, etc8. 7 Cantillon, E., Gothelf, N., op. cit. p. 2. 8 Cantillon, E., Gothelf, N., ibidem p. 12. 6 II. La genèse des décrets inscriptions Si tout le monde a déjà maintes fois entendu parler des décrets inscriptions, tant ceux-ci ont été décriés par leurs détracteurs, leurs origines et leur rai- son d’être sont souvent méconnues. Retour sur le contexte qui a finalement poussé le Gouvernement à opter pour un dispositif de uploads/Politique/ decretinscription.pdf
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- Publié le Mar 05, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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