Sujet : La cohabitation sous la Vème République. La constitution a su surmonter
Sujet : La cohabitation sous la Vème République. La constitution a su surmonter « l’épreuve de vérité » de la cohabitation. Par ces mots, Edouard Balladur semble sous-entendre que la constitution aurait pu ne pas résister à la cohabitation. Or, à la vue des textes du 4 octobre 1958, il semblerait que ce soit, en réalité, la cohabitation qui ai rétablit la constitution. Concrètement la cohabitation se définit par une situation institutionnelle particulière du fait d’une "coexistence d'un chef de l'État élu au suffrage universel sur un programme politique et d'un Premier ministre s'appuyant sur une majorité parlementaire élue pour soutenir une politique opposée" (Jean Massot, Alternance et cohabitation sous la Ve République, La documentation Française, 1997). De 1958 à 1986, malgré la possibilité d’une telle situation du fait de la différence de durée des mandats des deux dépositaires de la souveraineté nationale - sept ans pour le président et cinq ans pour l'Assemblée -, une certaine cohérence est respectée. Or en 1986, ce système bien huilé se dérègle, et le président de la République perd sa majorité parlementaire acquise 5 ans plutôt. Le chef de l’Etat doit donc désormais cohabiter avec une force politique opposée, et nommer le chef de cette nouvelle majorité comme chef du gouvernement. C’est par cet enchaînement d’évènements que J. Chirac devient le Premier Ministre de droite, d’un Président de la République de gauche, F. Mitterrand. Ce phénomène n'est pas unique dans l’histoire de la Vème République car il se reproduira à deux reprises, en 1993 et en 1997. En 1967 le général De Gaulle remporte d’un siège les élections législatives. A cette occasion, il déclare à ses conseillers qu'il "aurait été amusant de voir comment on peut gouverner avec la Constitution". Ainsi le général admet, à demi-mots, qu’il n’y a pas une application stricte de la constitution, l’usage ayant pris le pas sur les textes, et que la cohabitation aurait pu mettre fin à une pratique inconstitutionnelle du pouvoir. Ainsi, dans quelle mesure la cohabitation permet-elle une application plus stricte de la constitution ? Si la cohabitation permet une partition nouvelle des pouvoirs qui entre davantage en adéquation avec la constitution (I). Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une application dérangeante et désormais hypothétique. I. Une partition nouvelle des pouvoirs en (quasi) adéquation avec la constitution. Le modèle de la cinquième République repose traditionnellement sur la convergence de l’identité politique entre le premier ministre et le président de la République. Dans cette configuration, et en dépit de ce qui est inscrit dans la constitution, c’est le président de la République qui dispose de tous les pouvoirs. Or, en période de cohabitation, les rôles changent et on assiste à un renforcement de la fonction du Premier ministre (A) au dépend de celle du Président de la République (B). A. Le premier ministre, figure prépondérante de l’appareil d’Etat. Durant les périodes de cohabitation, la majorité veille scrupuleusement au respect de la constitution. Ainsi la frontière entre les pouvoirs propres et les pouvoirs partagés est rétablie, les compétences soumises à contreseing sont donc sous la responsabilité du Premier ministre. En période de cohabitation, les pouvoirs conférés au Premier ministre sont importants. En effet, l’article 20 confèrent au gouvernement -dont le locataire de Matignon en est le chef en vertu de l’article 21- le pouvoir de déterminer et de conduire la politique de la nation. Ainsi les affaires de l’Etat sont menées par le Premier ministre sans que le président de la République puisse interférer en droit. La responsabilité du Premier ministre est engagée devant le Parlement (article 49-1) lors de son discours de politique générale au moment de son investiture. Le Premier ministre partage également l’initiative des lois avec les parlementaires (article 39). C’est donc, sous son autorité, et sous son accord, que les projets de loi sont élaborés et soumis au parlement. Le premier ministre peut donc se situer à l’initiative des lois mais également dans leurs votes. En effet, le gouvernement peut demander au Parlement l’autorisation de gouverner par ordonnance pour une période limitée (article 38). Néanmoins, en 1988 F. Mitterrand refuse de signer certaines ordonnances, notamment sur les privatisations et sur le découpage électoral. Dans de tels cas, le Premier ministre peut tout de même appliquer sa politique en engageant la responsabilité de son gouvernement en utilisant l’article 49-3 de la constitution qui prévoit l’adoption d’un projet de loi sans passer par un vote de l'Assemblée nationale. En période de cohabitation cet article est rarement utilisé par le Premier ministre car il dispose généralement d’une majorité confortable. E. Balladur en a tout de même usé pour empêcher « l’obstruction parlementaire » concernant le projet de loi sur les privatisations d’entreprises publiques. Lors d'une émission de télévision ("Ma cohabitation", TF1, 7 décembre 1990), à la question : "Vous avez été Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing et de François Mitterrand. Avec lequel de ces deux Présidents avez-vous pu le mieux exercer vos fonctions ?", Jacques Chirac répond : "Pour des raisons tenant des circonstances, naturellement avec François Mitterrand". Cette réponse peut paraître surprenante, mais elle illustre parfaitement la plus grande importance et la plus grande autonomie dont jouit le Premier Ministre en période de cohabitation. Durant la cohabitation, le Premier ministre s’émancipe donc largement du rôle de simple « collaborateur » du Président de la République. Ce renforcement de Matignon se fait naturellement au dépend des pouvoirs attribués au locataire de l’Elysée. B. L’affaiblissement (relatif) de la fonction présidentielle. Le président de la République perd théoriquement une partie de ses pouvoirs, en particulier dans le domaine de la politique intérieure. Néanmoins, et ce de manière inconstitutionnelle, le chef de l’Etat garde une mainmise importante sur les affaires de l’Etat. En période de cohabitation, le Président de la République perd certaines de ses prérogatives. En effet, bien qu’il soit toujours celui qui désigne le Premier Ministre, son choix se restreint car il est obligé de choisir le chef de l’opposition, au risque de voir son gouvernement renversé par l'Assemblée suite à une motion de censure. Par ailleurs, il ne peut plus donner son avis sur les ministres entrant au gouvernement, et il ne dispose plus non plus du pouvoir de révoquer son Premier ministre. Si le chef de l’Etat perd de son aura, le retour à la Constitution n’a pas été total et certains relents de présidentialisme persistent, en particulier dans deux domaines majeurs : les veto présidentiels et le maintien de pouvoirs présidentiels importants dans le prétendu « domaine réservé ». Le président est parvenu à s’octroyer des « droits » de veto, ce qui pourrait rappeler le droit de veto du roi dans la constitution de l’an III. Ainsi il peut refuser de signer des ordonnances, comme cela fut le cas pour François Mitterrand en 1986 lors de la première cohabitation, des décrets de nomination délibérés en Conseil des ministres ou encore de refuser la convocation du Parlement en session extraordinaire. Dans tous ces cas de figures l’action du président est inconstitutionnelle car, ce sont des actes soumis à contreseing, donc placés sous la responsabilité du Premier ministre et de son gouvernement. Ces éléments ne sont pas les seules atteintes à la constitution que le Président de la République s’est permis en période de cohabitation. Le chef de l’Etat prétend diriger le politique nationale dans les domaines de la défense et de la diplomatie, c’est-à-dire dans le prétendu « domaine réservé ». Or la Constitution est formelle dans son article 20 en disposant que c’est « le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. » Cette théorie du domaine réservé a été verbalisée pour la première fois par J. C Delmas en 1959. En droit, le domaine réservé est contestable car tous ses pouvoirs sont soumis à contreseing. Par ailleurs, sur le plan politique le président de la République ne souffre pas de la cohabitation. En effet, il demeure populaire auprès de la population car ce n’est pas lui, ni son parti, qui porte les mesures et les réformes contestées par le peuple. Ainsi comme le rappelle F. d’Aubert « La cohabitation, c’est le jardin des supplices pour le futur Premier ministre, le jardin des malices pour le président, le jardin des délices pour les nostalgiques de la Quatrième République. » La cohabitation est donc un exercice politique bien plus périlleux pour le Premier ministre que pour le Président. Cette analyse se vérifie par les résultats aux élections, car tous les Premier ministre sortant d’une cohabitation ont été battus durant le scrutin présidentiel. Dans le plus total respect de la constitution, la cohabitation renforce donc les pouvoirs attribués au chef du gouvernement. Néanmoins, alors que l’on aurait pu penser qu’une telle configuration allait profondément affaiblir la fonction présidentielle, le chef de l’Etat parvient, de manière inconstitutionnelle, à maintenir un pouvoir important, restant ainsi « la clé de voûte » de la République. Ce nouveau partage des pouvoirs ne convient pas à la classe politique qui y voit alors un affaiblissement de uploads/Politique/ dissertation-la-cohabitation-paul-weinachter-groupe-2.pdf
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- Publié le Mai 24, 2022
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