7 Table des matières INTRODUCTION. Du politique comme chose au politique comme

7 Table des matières INTRODUCTION. Du politique comme chose au politique comme activité. Enquêter sur le devenir politique de l’expérience ordinaire ...... 9 Mathieu Berger et Carole Gayet-Viaud COPRÉSENCES, RENCONTRES, CIVILITÉS La moindre des choses. Enquête sur la civilité urbaine et ses péripéties ...................................................................................... 27 Carole Gayet-Viaud À la vue d’une kippa. Une phénoménologie des attentes d’interaction dans un quartier juif orthodoxe de Los Angeles ............... 55 Iddo Tavory « On n’est pas là pour sauver le monde ! » La maraude d’urgence sociale à la lumière du refus d’hébergement ........................ 77 Édouard Gardella et Erwan Le Mener Micro-écologie de la résistance. Les appuis sensibles de la parole citoyenne dans une assemblée d’urbanisme participatif à Bruxelles .................................................... 101 Mathieu Berger INAUGURATIONS, CÉLÉBRATIONS, COMMÉMORATIONS Entre allégeance et résistance. Faire sa place à Linxia, « La petite Mecque chinoise » ............................................................. 133 Marie-Paule Hille Revendiquer la nation suisse au nom de Dieu. Lorsque la prophétie se fait politique dans une église évangélique ................... 167 Philippe Gonzalez Le politique aux marges de la commémoration. Une ethnographie des cérémonies officielles en souvenir des attentats du 11 mars 2004 à Madrid ........................... 205 Gérôme Truc DÉBATS, PROCÈS, DÉLIBÉRATIONS Montrer et accomplir l’ordre politique. Ethnographie d’un débat à la télévision suisse romande ..................... 231 Alain Bovet et Cédric Terzi 8 Au fond de la forêt d’eucalyptus… Des Indiens et des pipelines dans l’État de l’Espírito Santo au Brésil .................... 257 Felipe Berocan Veiga De la douleur au droit. Ethnographie des plaidoiries lors de l’audience pénale du procès de l’hormone de croissance contaminée .................................................................... 289 Janine Barbot et Nicolas Dodier COLLECTIFS, ASSOCIATIONS, MOBILISATIONS Faire collectif sur internet. Formes de reconnaissance et de régulation dans les activités d’écriture électronique ................... 323 Julia Velkovska Culture en interaction. Une ethnographie des styles de groupe de deux organisations civiques en Californie ...................................... 355 Nina Eliasoph et Paul Lichterman « Les Roms ? Ils ne sont pas encore prêts à se représenter eux-mêmes ! » Les tensions entre groupes Roms et associations « gadjé » à Milan ......................................................... 401 Tommaso Vitale et Laura Boschetti CITOYENNETÉ, COMMUNAUTÉ, APPARTENANCE Liberté, communauté et religion en milieu hispano-marocain. L’expérience d’une famille andalouse ................................................. 431 Alain Cottereau et Mokhtar Mohatar Marzok Qu’est-ce qu’être citoyen ? Résidents et immigrés d’un village dans la Kabylie contemporaine ....................................... 469 Alain Mahé Sur la route de Washington. Le déchirement d’un pèlerinage politique de travailleurs journaliers ..................................................... 503 Sébastien Chauvin REMARQUES CONCLUSIVES. Vers une ethnographie (du) politique : décrire des ordres d’interaction, analyser des situations sociales ........ 545 Daniel Cefaï Notices biographiques ......................................................................... 599 9 Du politique comme chose au politique comme activité Enquêter sur le devenir politique de l’expérience ordinaire Mathieu BERGER et Carole GAYET-VIAUD S’il y a une leçon à tirer par-dessus tout des méthodes des sciences physiques, c’est que les faits et les idées sont strictement corrélatifs. John Dewey1 Lorsque la philosophie, la science sociale ou la science politique se détournent de l’expérience ordinaire, la considérant comme anecdotique, contingente ou triviale, elles prennent un risque : celui de contribuer au retrait des citoyens de la vie publique, de creuser le divorce du monde et de la pensée, en confortant l’idée que l’existence quotidienne et le monde politique sont désormais sans commune mesure. Castoriadis, qui figure parmi les penseurs du politique à s’être inquiétés de la perte de capacité des citoyens à être de véritables citoyens, au sens aristotélicien d’une capacité aussi bien à gouverner qu’à être gouverné, déplorait l’absence d’une éducation des personnes, dès l’enfance, à la partici- pation active à la vie publique. Les sociologues et les anthropologues ne participent-ils pas aujourd’hui eux aussi de ce phénomène, dès lors qu’ils confient la pensée du politique aux seuls « spécialistes de la chose » ?2 Le présent ouvrage propose une contribution de l’enquête ethnogra- phique aux entreprises récentes qui entendent s’opposer aux conceptions réifiantes du politique, le représentant comme chose en soi, domaine propre, clos, autonome et clairement circonscrit, dont l’intégrité, l’au- thenticité (et donc la qualité politique) seraient (ou devraient être) garanties par l’existence et la définition de frontières nettes, tracées a priori. Un point commun des textes rassemblés ici est de saisir le politique à partir de son enracinement dans l’expérience ordinaire, dans 1 Dewey J., Logique. La théorie de l’enquête (1938), Paris, PUF, trad. fr. G. Deledalle, 2006, p. 593. 2 Nous remercions Stéphane Baciocchi, Daniel Céfaï et Sabine Chalvon-Demersay pour leur relecture et leurs suggestions. Du civil au politique. Ethnographies du vivre-ensemble 10 le flux de la vie de tous les jours des personnes et des collectifs. Par leur façon propre d’approcher le politique « par le bas », depuis les manières dont il se phénoménalise, ces textes invitent à repenser l’articulation entre vie politique et lien civil sous trois angles complémentaires : d’abord, celui des soubassements politiques de l’expérience et des acti- vités ordinaires, y compris de celles qui sont généralement définies comme infrapolitiques (le questionnement politique porte alors sur la fabrique des catégories et sur la façon dont les possibles sont configurés dans les situations). Celui, ensuite, des moments de politisation qui scandent les activités sociales, où surgit l’horizon politique des situa- tions, où des enjeux relatifs à la vie collective se voient perçus, théma- tisés, discutés, voire disputés (l’interrogation politique concerne alors la dynamique de constitution des enjeux politiques inhérents aux activités). Celui, enfin, des modalités pratiques de l’engagement politique, des res- sources et entraves de l’action qui prend expressément pour objet la transformation du monde en tant qu’il est commun (l’investigation poli- tique porte alors sur les conditions pratiques de l’action à visée politique). Le politique et ses frontières Chercher à arrêter les contours de ce qu’est le politique, c’est faire fausse route. C. Lefort l’a expliqué dans l’avant-propos à ses Essais sur le politique3, où il assigne à la pensée du politique la tâche de « prendre en charge les questions qui sourdent de notre temps ». Au moment de définir le politique, il n’entreprend ni de sonder la nature humaine, ni d’interroger quelque fiction sur un état prépolitique des origines. Il ouvre sa réflexion par une mise en cause de cette quête même d’une définition. C’est là l’objet d’une critique qu’il adresse à H. Arendt : sa « certitude de détenir la définition du politique » est selon lui à l’origine de « ses oppositions tranchées, notamment entre la sphère du social et la sphère du politique, entre l’ordre de la nature, de la vie, de la nécessité, du travail, et l’ordre de la culture, de la liberté et de l’action ; entre le domaine privé et le domaine public ; entre l’existence de l’individu et celle du citoyen ». Or, pour lui, c’est depuis le temps présent que s’élucide le politique, comme exigence et comme problème rivé à nos formes d’existence : Qu’est-ce que le politique ? Est-ce à dire qu’une réponse en forme de défini- tion soit au départ nécessaire, ou même que l’on doive se mettre en quête de ce genre de réponse ? Ne faut-il pas plutôt convenir que toute définition, toute tentative de fixer l’essence du politique entrave le libre mouvement de la pensée, et que celui-ci tout au contraire ne se soutient qu’à la condition de 3 Lefort C., Essais sur le politique. XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 1986. Du politique comme chose au politique comme activité 11 ne pas préjuger des limites du politique, de consentir à une exploration dont les chemins ne sont pas connus d’avance ?4 Puis : « Toute autre est notre démarche […]. Nous cherchons, en suivant quelques chemins, l’empreinte du politique dans des faits, des actes, des représentations, des rapports que nous n’avons pas assignés d’office à tel ou tel registre déterminé de notre “condition”. Attentifs aux signes de la répétition comme à ceux du renouveau, nous nous attachons à déceler la dimension symbolique du social.5 » Comme le suggère Lefort, toute pensée du politique se tient dans « la dépendance de l’expérience que nous faisons, ici et maintenant […] de notre mode d’existence politique ». L’ethnographie peut prendre en charge ce programme d’enquête : réfléchir aux conditions indissociablement culturelles et pratiques de l’engagement politique, au rapport des formes singulières de l’expé- rience à la portée politique des actes, à la place du côtoiement et de ses figures dans la compréhension et la réalisation du politique, aux façons dont les gens jugent et mesurent ce qu’il convient de faire, aux critères qu’ils mobilisent, aux façons dont ils mettent en œuvre ce à quoi ils tiennent, aux épreuves qu’ils rencontrent chemin faisant. Ainsi comprise, comme démarche empirique délibérément ouverte, l’ethnographie peut se saisir du questionnement philosophique. Ethnographier le politique, dans cette extension très ample qui fait « descendre » jusqu’aux péripéties du lien civil, c’est donc présumer que le politique n’est pas un domaine spécifique et distinct, ni une série d’objets, dont on pourrait prendre la mesure hors des processus de leur apparition et de leur reflux, de leur thématisation ou de leur refoulement. Il s’agit d’explorer, par différents chemins, les avatars du fait politique6, en tant que celui-ci uploads/Politique/ du-civil-au-politique-2011-libre.pdf

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