Mai 2015 LUTTER CONTRE LES VOLS ET CAMBRIOLAGES : UNE APPROCHE ÉCONOMIQUE Emman

Mai 2015 LUTTER CONTRE LES VOLS ET CAMBRIOLAGES : UNE APPROCHE ÉCONOMIQUE Emmanuel COMBE Sébastien DAZIANO www.fondapol.org LUTTER CONTRE LES VOLS ET CAMBRIOLAGES : UNE APPROCHE ÉCONOMIQUE Emmanuel COMBE Sébastien DAZIANO La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice Président : Grégoire Chertok Directeur général : Dominique Reynié Présidente du Conseil scientifique et d’évaluation : Laurence Parisot La Fondation pour l’innovation politique publie la présente note dans le cadre de ses travaux sur la croissance économique. Fondation pour l’innovation politique Un think tank libéral, progressiste et européen La Fondation pour l’innovation politique offre un espace indépendant d’expertise, de réflexion et d’échange tourné vers la production et la diffusion d’idées et de propositions. Elle contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Dans ses travaux, la Fondation privilégie quatre enjeux : la croissance économique, l’écologie, les valeurs et le numérique. Le site www.fondapol.org met à disposition du public la totalité de ses travaux. Sa nouvelle plateforme « Data.fondapol » rend accessibles et utilisables par tous les données collectées lors de ses différentes enquêtes et en plusieurs langues, lorsqu’il s’agit d’enquêtes internationales. Par ailleurs, notre média « Trop Libre » offre un regard quotidien critique sur l’actualité et la vie des idées. « Trop Libre » propose également une importante veille dédiée aux effets de la révolution numérique sur les pratiques politiques, économiques et sociales dans sa rubrique « Renaissance numérique » (anciennement « Politique 2.0 »). La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers est essentiel au développement de ses activités. 4 5 Résumé Alors que la délinquance du quotidien constitue une source majeure d’inquiétude pour les Français, le discours politique reste encore trop souvent confiné dans des postures morales, qui ne répondent pas à une question aussi pragmatique qu’essentielle : comment être plus efficace ? à cet égard, l’économie permet de porter un regard neuf et dépassionné sur l’activité des vols et des cambriolages, condition préalable pour renforcer l’effectivité de la lutte contre ces pratiques illicites. En premier lieu, nous montrons que les individus comparent les gains d’une activité illégale avec ses coûts, avant de s’engager dans la voie de la délinquance. Ils font le choix du « crime » parce qu’ils estiment qu’il sera plus rentable, compte tenu des risques pris, qu’une activité licite. Dans ces conditions, si les délinquants sont rationnels, les pouvoirs publics doivent l’être tout autant dans leur fonction de répression et de dissuasion. Il apparaît que les délinquants sont davantage sensibles à l’effectivité des peines qu’à leur niveau, ce qui démontre le faible effet dissuasif d’une peine de prison avec sursis. Une solution alternative à la prison avec sursis consisterait à miser - dans le cas de délits simples sans atteintes physiques - sur les amendes, qui ont le mérite d’introduire une véritable effectivité des sanctions, une immédiateté dans leur application et qui reposent sur un principe simple et compréhensible par tous : « à gain illicite élevé, amende beaucoup plus élevée ». En second lieu, nous montrons que l’appel au renforcement des dépenses de sécurité intérieure serait mieux entendu s’il prenait appui sur une véritable analyse chiffrée des coûts du crime : combien de milliards d’euros coûte chaque année la délinquance d’appropriation en France, et combien rapportent les dépenses de sécurité ? La perception de la dépense publique en serait profondément modifiée : elle serait alors appréhendée comme un investissement qui permet en retour de réduire et d’éviter les dommages occasionnés par la délinquance à la collectivité. Plus encore, le débat public sur la lutte contre la délinquance ne doit plus se focaliser sur la seule question du montant de la dépense, mais également sur celle de son efficacité. Dans un contexte de baisse structurelle de la dépense publique, l’enjeu est moins de dépenser plus que de dépenser mieux. 6 7 La question de la délinquance arrive aujourd’hui en tête des préoccupations des Français, juste après le chômage et la pauvreté, si l’on en croit un récent sondage Ifop 1. 84 % des Français considèrent même que la délinquance a augmenté dans notre pays, tandis que la dernière enquête de victimation, publiée par l’Insee et l’ONDRP en décembre 2014 atteste le maintien d’un fort « sentiment d’insécurité », 21 % des personnes interrogées estimant même être en insécurité dans leur quartier ou village. Comment expliquer un tel ressenti ? Les incivilités du quotidien alimentent sans doute l’image d’« une société où la violence se serait banalisée et où elle existerait partout à l’état plus ou moins latent, prête à exploser pour un regard appuyé ou une parole déplaisante 2 ». Dans la même perspective, la médiation des braquages et règlements de comptes nourrit le sentiment d’une violence accrue, alors même que tous les indicateurs démontrent, sur le temps long, une baisse de la violence dans nos sociétés. Mais il faut aller au-delà de ces arguments médiatiques pour porter son regard sur les faits de délinquance, tels qu’ils sont appréhendés par les statistiques 1. Sondage Ifop/Sud-Ouest, 21 septembre 2013. 2. Ibid. LUTTER CONTRE LES VOLS ET CAMBRIOLAGES : UNE APPROCHE ÉCONOMIQUE Emmanuel COMBE Professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Professeur affilié à ESCP Europe Sébastien DAZIANO Maître de conférences à Sciences Po Paris fondapol | l’innovation politique 8 des services de police et de gendarmerie 3. En la matière, force est de constater que certains délits ont eu tendance à augmenter au cours des dernières années. Tel est le cas des « atteintes aux biens », terme qui regroupe pour l’essentiel le vol, le cambriolage, les dégradations et destructions. En effet, alors que les vols et cambriolages étaient sur une pente déclinante depuis 2002, après avoir connu une forte croissance entre 1999 et 2002, la tendance est à la hausse depuis 2008 (graphique 1), même si l’année 2014 a été marquée par une baisse de ces phénomènes. En effet, les cambriolages ont diminué en 2014 entre 4,7 % (en zone « police ») et 8,9 % (en zone « gendarmerie ») pour les résidences principales 4. Cependant, les cambriolages de résidences secondaires restent fortement orientés à la hausse en zone « police », avec + 41 % en 2014. De plus, les modes opératoires des délinquants se modifient, avec une forte hausse des vols avec violence, notamment au domicile des particuliers. Ainsi, la hausse tendancielle des vols et cambriolages – hors vols de voitures qui connaissent un déclin continu depuis quinze ans grâce aux progrès de la technologie – n’est sans doute pas étrangère à ce sentiment diffus d’insécurité. Graphique 1 : Évolution du nombre de cambriolages 1996 Cambriolages et vols avec entrée par ruse Cambriolages de locaux d’habitations principales 450 000 400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0 500 000 1197 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Source : à partir des statistiques ONDRP 2013 3. Rappelons que les chiffres de la délinquance ne concernent que les faits constatés, c’est-à-dire les crimes et délits portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie, par le biais d’un dépôt de plainte. Ils ne constituent donc pas une image parfaite et exhaustive de la délinquance, même si en matière de cambrio- lage, on peut estimer que le dépôt de plainte est quasi systématique. 4. ONDRP, chiffres de la délinquance de l’année 2014. Lutter contre les vols et cambriolages : une approche économique 9 Face à cette hausse des « délits d’appropriation », le discours politique oscille très souvent entre indignation, coups de menton et positions doctrinaires. L’indignation permet certes de rappeler que le vol et le cambriolage constituent des pratiques moralement et pénalement répréhensibles, mais elle évite de se poser des questions plus pragmatiques : comment lutter de manière efficace contre ces pratiques ? Pour répondre à cette question, il nous faut sans doute changer notre regard sur cette activité et sur les personnes qui s’y adonnent. Les délinquants ne sont pas des « fous » qui agissent sous l’emprise de la pulsion, mais des êtres rationnels qui font des choix. L’approche économique du « crime 5 » que nous mobilisons dans cette note part du principe selon lequel les candidats à la délinquance s’engagent dans cette activité car ils estiment – à tort ou à raison – que « le crime paie mieux » que d’autres activités licites. Comprendre les facteurs qui influent sur leur choix, mener une analyse froide et dépassionnée sur le comportement des délinquants permettent alors d’identifier les bons leviers pour dissuader le passage à l’acte. Si les délinquants sont rationnels, les pouvoirs publics devraient l’être tout autant dans leur lutte contre le crime. Un second réflexe politique, celui du coup de menton, consiste à appeler de ses vœux un renforcement des forces de police et uploads/Politique/ emmanuel-combe-et-sebastien-daziano-lutter-contre-les-vols-et-cambriolages-une-approche-economique.pdf

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