Cardon. D. (2010). La démocratie Internet. Promesses et limites. La république
Cardon. D. (2010). La démocratie Internet. Promesses et limites. La république des idées, Seuil, 102 p. Introduction Internet bouleverse notre conception et notre pratique de la démocratie. Constitue un laboratoire des alternatives à la démocratie représentative. Internet élargit l’espace public et transforme la nature même de la démocratie. Approfondit et complexifie le régime démocratique. Internet n’est pas un média comme les autres. Pratique du contrôle éditorial ? conception passive du public ? Invente des formes inédites de partage du savoir, de mobilisation collective et de critique sociale. Ne redistribue pas la valeur aux producteurs de contenus traditionnels mais à de nouveaux acteurs capables d’organiser les flux du trafic des internautes. Internet n’a pas été conçu pour permettre à un émetteur de s’adresser à une masse de récepteurs, mais pour faciliter les échanges entre individus récepteurs et émetteurs. 2 manières de communiquer se rejoignent sur internet : échange interindividuel (courrier, téléphone, mail) + diffusion d’informations à de larges audiences (radio, télé, presse). Rapprochement de 2 formes de communication produit des effets inédits. En réunissant sur une même interface les outils de l’échange interpersonnel et ceux de la communication de masse, Internet instaure un nouveau type de relation entre la sphère conversation et information. Rompt la séparation entre espace des sociabilités et espace public. Internet élargit l’espace public : ouvre univers qui s’était enfermé dans un dialogue entre journalistes et pros de la politique. Ôte le privilège d’accès à la publication des pros. Apparition des amateurs sur la scène publique. Double révolution : droit de prendre la parole en public élargi à la société entière + une partie des conversations privées s’incorpore dans l’espace public. S’inscrit dans un processus d’approfondissement et de radicalisation de l’individualisme contemporain. Internet = espace de visibilité dans lequel chacun manifeste aux autres sa singularité. Internet rend ainsi visible un ensemble d’attentes. Cet ouvrage veut montrer comment celles-ci dessinent une nouvelle forme démocratique, dont on peut trouver les principes dans l’histoire, les valeurs et les usages d’internet. Chapitre 1 : L’esprit d’Internet Internet est né de la rencontre entre la contre-culture américaine (hippie) et l’esprit méritocratique du monde de la recherche, qui partageaient la même aspiration : reconstruire la société par le bas en renforçant l’autonomie des individus. Inventeurs d’internet ont matérialisé un ensemble de valeurs qui exercent un effet persistant sur la forme du réseau, son organisation et ses pratiques ! Mais que sont devenues les valeurs des pionniers d’internet à l’heure de la massification des usages ? Internet = logique d’innovation par cercles concentriques (outil d’abord conçu pour des usages internes à la communauté scientifique qui s’est progressivement étendu en agrégeant de nouveaux acteurs). Ce développement horizontal a permis de protéger les valeurs et principes de la communauté contre les intérêts politiques et commerciaux. Nul ne devait pouvoir contrôler le réseau si ce n’est les communautés techniciennes qui en définissent les normes de fonctionnement et établissent (tjr auj) les principes de gouvernance. Sorte de « république des informaticiens ». Ex : définissent dans les principales règles de fonctionnement d’internet que ce n’est pas le statut socioprofessionnel des personnes qui leur donne autorité mais la réputation acquise auprès des autres par la qualité de leur contribution (système méritocratique, modèle du bout à bout). Architecture technique d’Internet encourage l’innovation ascendante / par l’usage puisqu’elle est dépourvue de tout centre et dote chaque utilisateur du pouvoir d’innover. Structure ouverte et décentralisée, au contraire du réseau téléphonique qui a enfermé son potentiel d’innovation au cœur du réseau d’opérateurs (wi-fi, facebook, google, wikipédia, etc.). Innovation collaborative affaiblit la coupure entre concepteur et usager. Objectif : réunifier des univers que les processus de rationalisation de l’Etat et du marché avaient séparés au 20 e (industriels/clients ; experts/bricoleurs ; journalistes/lecteurs ; etc.). Modèle de l’ « intelligence des foules ». Normes morales : le logiciel doit rester ouvert. Principe des licences copyleft (connaissances produites sur Internet sont librement copiables, modifiables, réutilisables. Culture du partage, de l’échange, du remix. Années 60, étudiants se révoltent contre leurs parents, l’entreprise bureaucratique, la guerre froide, la colonisation de leur quotidien par la logique marchande. Rébellion se nourrit d’une hostilité aux technologies. 2 parties du mouvement étudiant : 1 militante, contre la bureaucratie universitaire, la guerre du Vietnam et la ségrégation (sexuelle et raciale) qui donnera lieu aux mouvements des droits civiques, aux collectifs féministes. L’autre, qui choisit l’exil à la confrontation politique. Plutôt que de changer la société, on se change soi-même en se retirant du monde : début de mouvement communautaire aux EU. Près de 5000 000 jeunes américains vivent dans des communautés, s’exilent au fond des forêts pour édifier un mode de vie alternatif. Contre-culture communautaire explore la manière dont l’information fait système. C’est au sein de cette mouvance communautaire, autarcique, que la culture des pionniers de l’Internet plonge ses racines. Les hippies veulent reprendre en main les enjeux techniques pour ne pas les laisser aux businessmen et militaires. Sur le mode de l’appropriation individuelle du do it yourself, ils cherchent à repenser la politique des technosciences pour les mettre au service d’une extension des capacités d’action individuelles. 1968, Steward brand publie la première édition du Whole Earth Catalog. Ouvrage autoproduit par les communautés hippies, dans lequel sont partagés des trucs et astuces pour assurer la vie matérielle et spirituelle des communautés. Bcp y ont vu une préfiguration sur papier du web hypertexte. Articles sont revus, commentés, discutés à chaque nouvelle édition. Catalogue consacre aussi une large place au développement de l’électronique personnelle. Lu par les chercheurs de Standford, Xerox Park et le club d’amateurs d’électronique. Tous ne sont pas hippies, loin de là, mais le mouvement a profondément influencé la manière dont ces premiers usagers de l’Internet se sont représentés l’outil qu’ils inventaient : un espace émancipé dans lequel il est possible de refaire communauté. Années 80, premières communautés virtuelles de l’internet. Steward brand : The Whole Earth Electronic Link (= espace électronique organisé en forums thématiques). Réunit hackers, journalistes, musiciens, universitaires, etc. Communauté virtuelle. Premier exemple de pratiques informatiques ouvertes entre des personnes qui ne sont pas directement liées au monde des réseaux et de l’informatique. Utopie de substitution aux communautés hippies, habiter les espaces en ligne pour revitaliser le lien social. Technologie investie d’un projet d’émancipation. Internet s’est donné comme mythe fondateur une promesse d’exil et de dépaysement radical. Nouvelle contrée indépendante ayant coupé les ponts avec le monde ‘réel’. Statut d’extra- territorialité du web favorise des comportements plus créatifs, relations sociales plus fraternelles, individus désinhibés. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant qu’Internet ait été investi de toutes sortes d’idéaux politiques. Pionniers ont su articuler un protocole technique, une culture de l’échange et de l’innovation collective, un schéma de gouvernance horizontal et des formes juridiques ouvertes dans un modèle global qui a influencé profondément les usages et la trajectoire d’internet. Doit sa configuration à la correspondance des valeurs communes d’ouverture et de créativité. Correspondance tient notamment au fait que les premiers utilisateurs du réseau constituent un groupe socioculturel homogène (blancs, masculins, classes moyennes et cultivés). Mais, Internet connait ensuite une massification, généralisation des usages du web par des jeunes de toutes origines, pénétration des outils numériques dans un nb de + en + importants de sphères sociales, diversification des usages. Changement d’échelle, s’apparente à la manière dont la démocratisation de l’école a mis les idéaux républicains sous tension. Espace investi par des populations de + en + hétérogènes. Idéaux qui avaient servi à définir l’Internet des origines se trouvent en porte-à-faux avec la massification des usages. L’utopie des pionniers se fracture en 2 lignes (sociologique + politique). Cette tension qui n’a cessé de se creuser avec le développement du monde marchand du web ouvre 2 horizons possibles à la forme politique de l’Internet. - Le tournant réaliste La massification a considérablement accru sa dimension quotidienne, familière et ce faisant le réalisme des mondes en ligne, les coutures entre identités virtuelle et réelle n’ont jamais été aussi visibles. Et on constate que loin de rassembler des inconnus à travers le monde, les communautés virtuelles réunissent surtout des internautes vivant à proximité. Le web des fondateurs s’organisait autour d’une séparation tranchée entre le partage des infos et les échanges entre avatars anonymes. L’entrée dans l’un ou l’autre de ces mondes supposait une opération essentielle : créer une distance entre les personnes et leurs publications. Or cette opération est une capacité inégalement distribuée dans les sociétés. Les premiers publics de l’Internet savaient jongler avec leur identité (tantôt d’auteur, tantôt d’avatars anonymes). Les nouveaux publics eux s’expriment sur un mode conversationnel. Le développement de réseaux sociaux a encouragé cette juxtaposition entre identités et contenus publiés. A amené dans l’espace public le ton et les sujets des conversations ordinaires. La transformation sociologique du web oblige à repenser le mythe du territoire indépendant, déconnecté du monde réel. Noueaux utilisateurs moins sensibles à cette fiction fondatrice. Tournant oblige à intégrer dans les interrogations sur le web la question de la privacy, question du partage entre vie privée et publique. Tournant conduit à revisiter l’utopie d’une refondation en uploads/Politique/ fiche-lecture-la-democratie-internet.pdf
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- Publié le Nov 13, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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