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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/272438330 Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contemporain Article in Genre Sexualité & Société · December 2012 DOI: 10.4000/gss.2571 CITATIONS 12 READS 1,209 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: AguaSociAL – Water Related Sciences Social Innovation- View project MAP-FGM View project Michela Fusaschi Università Degli Studi Roma Tre 21 PUBLICATIONS 40 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Michela Fusaschi on 16 April 2020. The user has requested enhancement of the downloaded file. Genre, sexualité & société 8 (Automne 2012) Rituels ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Michela Fusaschi Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contemporain ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Michela Fusaschi, « Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contemporain », Genre, sexualité & société [En ligne], 8 | Automne 2012, mis en ligne le 01 décembre 2012, consulté le 04 septembre 2016. URL : http://gss.revues.org/2571 ; DOI : 10.4000/gss.2571 Éditeur : IRIS-EHESS http://gss.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://gss.revues.org/2571 Document généré automatiquement le 04 septembre 2016. Genre, sexualité et société est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contempor (...) 2 Genre, sexualité & société, 8 | Automne 2012 Michela Fusaschi Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contemporain « Nous faisons comme ça » : travailler sur la sexualité féminine dans le contexte post-génocide 1 Travailler au Rwanda après le génocide signifie faire face au moins à deux niveaux de discours, dont le premier est constitué par la narration « officielle » du génocide par différents acteurs, politiciens, scientifiques, journalistes, humanitaires, etc. Toute autre est la densité de la parole locale, qui donne à entendre les mémoires déchirées, et douloureuses, du massacre et de la violence de masse, dans la variété et l’intensité des expériences des rescapés, des réfugiés (anciens et nouveaux), des déplacés, et, aussi, des génocidaires. Entre les deux, il faut aussi se confronter à toutes les contradictions entre une vision du monde public et celle d’un monde privé où j’ai essayé d’entrer. Découvrir ce monde s’est révélé un défi particulièrement difficile, surtout quand on s’intéresse au genre. De fait, au fur et à mesure que le temps passait,j’ai été obligée de repenser, du fait de ma position d’anthropologue femme, ma place sur le terrain, tant physique que réflexive. 2 J’avais commencé ma recherche vers la moitié des années 1990 sur la construction de l’identité ethnique, et j’avais ensuite travaillé sur les réalités socio-culturelles de l’après-génocide (Fusaschi, 2000 ; 2009) ; le déplacement vers l’analyse de l’intimité des femmes a été un processus progressif et inattendu. En ce sens, je dois préciser que le champ de recherche a imposé, en quelque sorte, ses conditions : après une période de recherche en solitaire, j’ai décidé de continuer à travailler avec mon collègue et compagnon Francesco Pompeo. J’ai concentré alors mes efforts sur le monde des femmes et, notamment, sur la construction sociale du corps et de la féminité, pour laisser à Francesco l’analyse du monde des hommes. La décision de travailler en binôme a été, en quelque sorte, contrainte, parce que j’avais eu des difficultés à me confronter avec les hommes, surtout avec les plus âgés et dans les contextes ruraux. Ils s’étaient révélés plutôt réticents à parler à une femme des aspects intimes de la vie conjugale ou sexuelle. Nous avons commencé alors une recherche en deux parties, singulière et plurielle en même temps, dont le présent article constitue une étape, sûrement partielle et dont je suis l’unique responsable. Cette partition des rôles a été explicitement appréciée par nos interlocuteurs, interagissant ainsi avec deux chercheurs, mais, aussi, à leurs yeux, avec un couple marié statut qui a facilité notre terrain. Sur ce point-là, je rejoins les mots de Danielle de Lame, anthropologue spécialiste du Rwanda : « L’anthropologue femme peut, en s’affirmant femme, se faufiler dans les méandres de cette société en transition en adoptant l’un ou l’autre registre. Se réclamant de la modernité et de la connaissance scientifique, elle a accès au monde des hommes. Se réclamant de sa féminité elle peut mettre en évidence la communauté des expériences et des préoccupations et entrer dans le monde des femmes. Il lui faut pourtant, [...] se défaire de sa part “moderne” de masculinité. Étant seule sur le terrain, il lui faut présenter l’image locale la plus parlante lorsque la vie privée et la féminité sont en cause : celle du couple qui donne son identité sociale complète au troisième sexe, celui des filles. C’est par l’entreprise de mon interprète masculin qui, au cours des entretiens de travail, donnera l’illusion d’un couple que j’ai pu, [...] bénéficier d’une légitimité suffisante face aux femmes mariées avec lesquelles je travaillais sur la colline » (de Lame, 1999, 40-41). 3 Ma recherche sur le corps et la sexualité des femmes rwandaises a débuté d’une façon assez insolite. C’est, en fait lors d’une soirée à Kigali chez Jacques 1, il y a presque une dizaine d’années, que j’ai entendu parler du gukuna pour la première fois : à vrai dire, une gaffe de ma part en langue kinyarwanda au cours de la conversation avait été accueillie par un éclat de rire autour de notre table. Tout de suite, Caritas, une amie sur la cinquantaine à l’époque 2, m’avait prise à part et m’avait dit que ce n’était pas là le lieu adapté pour parler d’une « chose pareille, Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contempor (...) 3 Genre, sexualité & société, 8 | Automne 2012 sur nous, les femmes ! ». Selon elle, il y avait trop de monde, et, surtout, trop d’hommes pour évoquer ou, simplement, pour nommer le gukuna en public. 4 Quelques jours plus tard, à Kibungo, j’étais assise dans la véranda de ma chambre, la tête plongée dans mes livres et mes dictionnaires lorsque Catherine, qui, entre-temps, s’était placée juste derrière moi, posa son index sur le mot gukuna du dictionnaire que j’avais entre les mains. Sans dire un mot, elle attirait mon attention sur son pagne : elle en avait pris l’ourlet, entre son pouce et son médium, et avait commencé à tirer comme pour le froncer juste à la hauteur de ses parties génitales. D’un coup, elle avait saisi ma main et s’était lancée dans un massage en tirant sur la peau entre mon pouce et mon index. Elle me dit : « Voilà, nous faisons comme ça. » Elle avait continué à tirer avec énergie sur ma peau en expliquant que les lèvres du vagin sont « douces comme le plastique d’aujourd’hui » et qu’il faut les rallonger parce qu’elles sont très appréciées par le mari. Surtout, disait-elle, « elles font du bien au mariage » parce que le gukuna aide à faire beaucoup d’amazi, de l’eau, et grâce à ça, « les enfants sortent et sont mieux ». En quelques mots, et à l’aide de gestes qu’à l’évidence elle connaissait très bien, ma vieille interlocutrice avait résumé plusieurs éléments du gukuna (ou gukuna imishino), une modification des parties génitales féminines qui sera l’objet de cet article. 5 À l’époque de notre rencontre, Catherine devait avoir soixante ans, et elle était employée en tant que femme de ménage dans le Centre Saint Joseph de Kibungo, une petite maison d’hôtes à côté du bâtiment de l’évêché. Je savais qu’elle s’était réfugiée en Tanzanie pendant longtemps, en tant que Tutsie, et qu’elle était rentrée à Kibungo après le génocide. J’avais longtemps pensé qu’elle était veuve parce qu’elle ne parlait jamais de son mari ; jamais elle n’avait évoqué en ma présence son mariage, ou ses enfants, et jamais le sujet du gukuna n’avait été abordé dans nos conversations jusqu’à ce jour, où elle m’en fit cette démonstration. Ce fut alors que j’ai discuté avec elle pendant des heures, comme les jours d’après d’ailleurs, surtout de son histoire à elle, et que j’ai pu reconstruire, petit à petit, des morceaux de vie, découvrant que son mari l’avait abandonnée depuis longtemps, juste après 1994, pour uploads/Politique/ gss-2571-8-plaisirs-croises-gukuna-kunyaza-missions-corps-et-sexualites-dans-le-rwanda-contemporain.pdf

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