UNIVERSITE DE RENNES I Faculté de droit et de science politique HISTOIRE DES ID

UNIVERSITE DE RENNES I Faculté de droit et de science politique HISTOIRE DES IDEES POLITIQUES Cours de Mr Bruneteau L3 - 1er semestre. 2013/2014 Partie Introductive Section 1. Généralités L'histoire des idées politiques est traversée par un débat qui divise les chercheurs et les manières de l'enseigner : débat entre matérialisme et idéalisme : -On peut avoir une conception « idéelle » : le privilège accordé au pouvoir des idées dans le processus historique, la centralité des idées dans l'histoire. -Une conception matérialiste, qui voit dans les idées le reflet des intérêts matériels, et où les idées n'ont qu'une fonction de légitimation des adhérents. Donc, d'un coté les idées déterminent les engagements, et de l'autre, les idées sont des instances de légitimation. Une correcte appréhension des idées doit aussi se faire par l'analyse des milieux sociaux. Si des idées politiques gagnent à certaines époques face à d'autres idées, c'est qu'il faut prendre en compte le poids des processus sociaux : il y a en effet des milieux sociaux qui sont porteurs d'idées : les intellectuels organiques ou les médiateurs, ce sont des individus qui mettent en place des idées pour certains milieux sociaux. Il y a une tendance à faire une histoire sociale des idées politiques aujourd'hui, rompant avec la ligne historique : >cet enseignement était conçu à l'origine comme une familiarité avec les grandes œuvres historiques. Le livre qui reflète cette conception, c'est l'ouvrage de Jean-Jacques Chevallier (après guerre/ 1965) « Les grandes œuvres politiques, de Machiavel à nos jours ». Dans cette conception, ce qui compte, c'est la raisonnance de telle ou telle œuvre (absolutisme, socialisme, etc). C'était une histoire par les sommets de la pensée, qui a son héritage, puisqu'on essaye de combiner aujourd'hui trois approches : -on essaie de faire la monographie d'une œuvre, (Tocqueville, Guisaut, etc.) -étude d'un courant de pensée, (grande tendance de l'âge romantique, libéralisme politique, etc) -étude d'un thème (étude de la notion de décadence, etc.) → Cette démarche par les grandes œuvres néglige souvent l'expression courante et banalisée des idées politiques, la vulgarisation des grandes œuvres. On parle ici des clichés, des idées reçus, des préjugés, des mythes, des slogans, qui peuvent courir dans une société, et qui explique sûrement plus que la grande œuvre les engagements ou mobilisation sociale propre. >Depuis une vingtaine d'années, il y a une tendance très forte à explorer les idées de monsieur tout-le-monde, emprunt de ces clichés et mythes. Un renouvellement du corpus des idées politiques s'est progressivement opéré. Il y a eu par exemple un travaille dès 1968, par Jean Touchard « La Gloire de Béranger » (chansonnier célèbre des années 20), qui raconte que, par ses chansons, qui racontaient le bonapartisme, l’œuvre de Béranger avait peut être plus d'échos que les grandes œuvres : Il vaut mieux étudier un ouvrage de vulgarisation. C'est ainsi que progressivement le renouvellement du corpus s'est opéré dans différents domaines : dans la première approche de monographie d'une œuvre, on étudie des auteurs de « second rang ». Exemple : -les idées d'un journaliste polémiste de la fin du 19ème siècle Edouard Drumont (propagateur le plus important de l'idée antisémite de son époque avec son journal « la Libre parole »). -auteurs de romans d'espionnages du milieu du 20ème, qui banalisaient un certain nombres d'idées. Le journal en soi est particulièrement riche, puisque le texte de presse établie une cohérence entre la doctrine et les faits. Un grand nombre de travaux ont été effectués sur les journaux : sur Action française et ses idées anti-républicaines, par Je suis partout, qui montrait comment une génération de jeunes intellectuels avaient diffusé par ce journal une vision complaisante de l'Italie et de l'Allemagne des années 30. → Il ne s'agit pas de négliger la production intellectuelle de grands auteurs, mais d'essayer de saisir aussi « la philosophie spontanée de ceux qui ne philosophent pas ». D'où l'intérêt de saisir aux appareils de médiation, à ceux qui produisent ces idées vulgarisées. Les médiateurs culturels, que sont les journalistes, les romanciers, les instituteurs, prennent toute leur part à cette histoire des idées politiques. On dépasse ainsi l'idéalisme en introduisant, dans l'analyse des idées, le rôle des stratégies, et étudier les influences intellectuelles au sein des sphères de pouvoir. Notons l'ouvrage de Christophe Charle, qui a travaillé sur les écrivains à l'époque de l'affaire Dreyfus : il essaye de démontrer que derrière un affrontement d'apparence idéaliste, il y aurait un affrontement social, entre deux générations d'écrivains/ bourgeois ou non/ etc., une sorte de « lutte de classe ». Si des idées « gagnent », c'est en fonction des processus sociaux, puisqu'il existe des milieux porteurs d'idées. Exemple : si l'idée européenne a gagné dans les années 50, c'est que certains milieux avaient adopté cette idée et l'avait fait pénétrée dans la société : milieux industriel, profession agricole (majoritairement catholique, appartenant à des mouvements paneuropéens). >Mais on assiste à un retour des idées politiques tout de même : 1.On le perçoit aujourd'hui dans le domaine de l'étude des relations internationales, où il y a toute une tendance à mettre en valeur la notion de perception. Les RI sont souvent appréhendées par les décideurs sous le prisme de la perception. Tout événement international est appréhendé à partir d'une grille de lecture : l’événement ainsi tel ou tel sens suivant l'approche. →Le décideur, en fonction de son système de croyance, peut écarter des faits qui ne coïncident pas avec son système de croyance : dissonance cognitive. C'est un courant perceptiviste, les idées construisent la réalité sociale de l'événement, on ne peut donc évacuer les idées créant l'approche de l'actualité internationale. Il y a aussi un retour du pouvoir des idées dans la culture stratégique des Etats. Les Etats sont attachés à leur sécurité, mais il ne faut pas négliger le fait que les pays ont, en fonction de la culture politique dominante, en fonction des normes qu'ils se sont progressivement imposées, une culture stratégique qui pousse les élites décisionnelles à privilégier telle ou telle stratégie de défense, de diplomatie, etc. Cette notion de culture stratégique est assez récente, d'une dizaine d'années. 2.Dans un autre domaine, le retour des idées politiques refont leur apparition dans l'étude des politiques publiques : on a mis en valeur qu'il y avait une mise en sens de la stratégie en matière de politique publique, à partir d'une représentation du monde, sur lequel on voulait agir. Bilan : On peut retenir qu'il faut être attentif à la sociologie des producteurs et des diffuseurs d'idées, sans en séparer les grands des petits auteurs. L'attention à la fonction et aux usages sociaux d'une idée : légitimer, justifier une idée. De plus, certaines œuvres sont l'objet d'une relecture sélective par les médiateurs culturels. Le poids de certains événements forts ont aussi leur part dans la production d'idée, redéfinissant des attentes sociales, des croyances, certains événements étant producteurs d'idées nouvelles, ou de relecture d'idées anciennes. Il y a des événements qui créent des ruptures d'intelligibilité, qui demandent soit des idées nouvelles/ relecture. De l'autre coté, il faudrait rejeter l'histoire linéaire, téléologique. Il y a parfois une interprétation téléologique des idées politiques comme le triomphe de la démocratie libérale, de l'idée européenne inscrite dans l'histoire (cet événement ne pouvait qu'avoir lieu). Il faut de plus être méfiant face à la mythologie des doctrines : volonté de certains auteurs de donner à des idées éparses une cohérence générale en les convertissant en doctrine (idées n'ayant pourtant pas de liens entre elles). C'est une tentation des anticipations, un anachronisme à donner une anticipation historique à certains textes du passé. Exemple célèbre, thèses qui ont fait de certains aspects du texte de Platon une anticipation du totalitarisme. Attention de plus, à la décontextualisation de l'idée historique. Dernière mise en garde, la tentation du déterminisme : les idées ne font pas l'Histoire. On a pendant longtemps par exemple voulu lier les idées des Lumières et la Révolution française (alors que plus de la moitié était favorable à la monarchie). Section 2. Notions Paragraphe 1. Image ou représentation On emploie souvent la notion d'image, de représentation : c'est une notion souvent centrale dans l'histoire des idées politiques. Il s'agit de la représentation d'un objet, d'une idée dans le système cognitif d'un individu. La représentation peut faire système avec d'autres représentations : on parle alors de système de représentation ou d'imaginaire social. « Les imaginaires sociaux articulent ensemble toutes sortes d'attitudes mentales, des perceptions cognitives, des éléments de doctrine, des sensibilités qui plongent dans le passé lointain ou dans l'inconscient ». L'histoire des imaginaires sociaux peut être un lieu de recherche pour idées dispersées : histoire de la propagande du pouvoir, des mouvements sociaux, des mentalités, etc. Paragraphe 2. Stéréotype et préjugés Le stéréotype est une image inventée, que l'on a intégré dans un discours. Ces images inventées ressortent le plus souvent de croyances collectives, qui sont la base de généralisations excessives totalement erronées. Le préjugé est une opinion non fondée, une idée que l'on tient pour vrai sans information, pouvant se nourrir de uploads/Politique/ histoire-des-idees-politiques 3 .pdf

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