Introduction à la science politique S1, Section Francophone Groupe B Pr. Mohame

Introduction à la science politique S1, Section Francophone Groupe B Pr. Mohamed FAKIHI Année universitaire 2014-2015 UNIVERSITE SIDI MOHAMED BEN ABDELLAH FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES - FES Cours : Initiation à la science politique Pr. Mohamed FAKIHI 2 2 INTRODUCTION La politique a entamé depuis longtemps sa séparation de la morale1. Mais elle semble ne pas être en mesure d'achever ce processus. De toute façon, la rupture s'approfondit irréversiblement entre ces deux notions. Parallèlement, la politique est appréhendée à travers des repères méthodologiques rationnels. La « science » ou la « sociologie » politique constitue en effet un ensemble d'outils d'observation et d'étude des faits politiques. Mais le caractère polysémique de la locution « politique » pose une problématique fondamentale liée à la définition du terme lui-même et également à l'objet de la discipline, notamment la « science politique » ou « sociologie politique » (2). a- définition du terme « politique ». Le terme « politique » comporte plusieurs définitions et significations. Étymologiquement, il est issu du mot « polis » c'est-à-dire « Cité » (3) dans la Grèce antique, voire même du terme « politeia », c'est-à-dire la manière dont la cité est organisée et le pouvoir en son sein est structuré. Une autre difficulté se dégage de l'usage du terme « politique », de nature androgyne, c'est-à-dire qui peut être fait au masculin ou au féminin. Au masculin, le politique signifie tout d’abord l’homme politique. Mais ce n’est pas cette acception du terme qui l’oppose à l’expression considérée au féminin. Le politique signifie aussi l’image que la société avait d’elle-même (4), notamment la « totalité, le lieu de la totalité du lien social de la cité ou de la communauté » (5). Plus précisément, «l'ensemble des structures induites des 1 Prelot, p. 100. 2- Voir infra, note de bas de page numéro 7. 3- DEBBACSH Ch., PONTIER J. M., introduction à la politique, Dalloz, Paris, 1982, page : 2. « La cité est un ensemble de relations organisées entre les personnes disposant d'un certain statut », page : 3. 4- G. Burdeau estime que le politique « investie un certain arrangement ordonné de données matérielles d'une collectivité et des éléments spirituels qui constituent sa culture ». Il résume encore plus le concept : « le politique est l'expression de l'être du groupe ». Cf. la politique au pays des merveilles, cité par DEBBACSH Ch., PONTIER J. M., introduction à la politique, idem, page : 4. 5- BONFILS-MABILON B., ETIENNE B., la science politique est-elle une science ? Collection « Dominos », Flammarion, Paris, 1998, page : 18. Cours : Initiation à la science politique Pr. Mohamed FAKIHI 3 3 relations d'autorité et d'obéissance établies en vue d'une fin commune : au moins que le groupe n'éclate pas » (6). Au féminin, la « politique » signifie en premier lieu l'ensemble des actions que les gouvernants ou les autres acteurs sociaux entreprennent en vue de prendre des décisions, d'influencer le processus de prise de décision ou d'occuper des postes de responsabilité, c'est-à-dire « la traduction dynamique de tous les phénomènes impliqués par la conquête et l'exercice du pouvoir » (7). La politique peut prendre un sens neutre, celui de « gestion », c'est-à-dire un ensemble de mesures techniques, juridiques et financières en vue d'agir sur un secteur déterminé ou de traiter un problème précis. À titre d'exemple, les accidents de la circulation constituent un véritable fléau socio-économique qui exige une intervention pluridimensionnelle de la part des pouvoirs publics (législation plus sévère en matière de circulation routière, modernisation des tests en vue d'obtenir le permis de conduire, amélioration de l'état des routes et réduction des points noirs...) La politique peut également être comprise comme une « stratégie », c'est-à-dire un ensemble d'actions successives tendant vers un but déterminé. L’INDH peut être considérée comme exemple de « politique » ou « stratégie » (8) axée autour d'un objectif déterminé : l'amélioration des conditions de vie d'une partie défavorisée de la population marocaine. Dans un usage bien particulier, la « politique » prend un sens péjoratif. J- P. Sartre a rendu célèbre l'expression « je mange, je bois, je ne fais pas de la politique ». L'expression « politique » dans un sens extrême veut aussi dire « hypocrisie » ou « machiavélisme ». b- définition de la science politique. La définition de la science politique repose nécessairement sur l'objet essentiel de son étude. Elle fait référence à deux conceptions fondamentales : une conception 6- BONFILS-MABILON B., ETIENNE B., op. cit., page : 18. 7- BONFILS-MABILON B., ETIENNE B., op. cit, page : 19. 8- « L'initiative part, …, des leçons tirées de nos expériences passées et des modèles ayant fait leurs preuves dans certains pays, en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Ces expériences montrent que ce défi ne saurait être relevé que par une définition rigoureuse des objectifs et une mobilisation générale en vue de leur réalisation ». Discours Royal du 18 mai 2005. Cours : Initiation à la science politique Pr. Mohamed FAKIHI 4 4 de nature juridique dont la notion d'État est le support et une conception de nature sociologique axée sur la notion de pouvoir. La science politique fait de la sorte l'objet d'une surenchère en ce qu'elle soit la science de l'État ou la science du pouvoir. - la science politique est la science de l'État : M. Duverger estime en effet que cette perception de la discipline est à la fois la plus ancienne et la plus proche du sens commun. La cité « polis », qui s'est transformé en « État nation » est l'objet fondamental de la science politique. Cette conception donne une part importante à la notion de « souveraineté » dans la mesure où le fait de supposer la science politique comme étant une science relative à l'État et en considérant l'État comme un type de communauté « aujourd'hui le plus fortement organisé et le mieux intégré » (9) débouche sur un constat particulier : la société nationale (l'État) est considérée comme un genre à part par rapport aux autres groupes ou collectivités, dans le sens d’une position transcendante ou « souveraine ». L'État « serait une sorte de société parfaite ne dépendant d'aucune autre et dominant toutes les autres » (10). Les gouvernants seraient les titulaires d’une position souveraine à l'exclusion des chefs de tous les autres groupes ou collectivités. Pour les tenants de cette conception, les phénomènes politiques se réduisent à l'organisation et au gouvernement de l'État. Léon Duguit estime que « les phénomènes politiques sont ceux qui se rapportent à l'origine et au fonctionnement de l'État. Ce sont des phénomènes juridiques. Cette prétendue science n'est autre chose que le droit constitutionnel, c'est-à-dire, une tranche de la science générale de droit ». (11) Cette conception se nourrit clairement de l'hégémonie du droit public sur la science politique. Elle est représentée par Georg Jellineck, Marcel Prelot, Jean Dabin, Roger Henri Soltau, Alfred de Grazia (12). 9- DUVERGER M., sociologie de la politique, 3e édition Presses universitaires de France, Paris, 1988, page : 23. 10- DUVERGER M., sociologie de la politique, idem, page : 24. 11- L. Duguit définit le droit constitutionnel comme étant « l'étude systématique des faits relatifs à l'origine de l'État, à son développement dans les sociétés anciennes et à sa forme dans la société contemporaine, dans le but de déterminer son organisation dans la société future ». 12- A la fin du XIXe siècle apparaît, mais sans lendemain, l'expression « statologie » pour désigner la science politique (la Bigne Villeneuve) pour consacrer l'État comme objet exclusif de la discipline. DEBBACSH Ch., PONTIER J. M., introduction à la politique, op. cit., page : 6. Cours : Initiation à la science politique Pr. Mohamed FAKIHI 5 5 Cette école de science politique est ralliée par les sociologues marxistes ; mais selon une représentation différente de l'État. Si en Occident le fait d’isoler l'État comme un genre à part par rapport à d'autres groupes et collectivités comporte le paradigme idéologique de la supériorité ou de la souveraineté de l'État, les tenants de l'idéologie marxiste y voient une approche permettant d'appréhender la notion l'État selon sa véritable nature : un élément dérivé par rapport à l'ensemble des autres éléments de la société et notamment aux fondements socio- économiques, c'est-à-dire une « superstructure. » (13) - la science politique est la science du pouvoir : cette conception est fondée sur le rejet de la supériorité de la collectivité publique, c'est-à-dire la « souveraineté » de l'État, qui est « considéré comme une idéologie et non comme une réalité ». (14) Les tenants de cette école (Max Weber, Harold D. Lasswell, Robert Dahl, Raymond Aron, Georges Burdeau, …) considèrent que le phénomène de pouvoir et, par conséquent de politique, est intrinsèque à toute collectivité organisée. G. Burdeau précise que « le caractère politique est celui qui s'attache à tout fait, acte ou situation en tant qu'ils traduisent l'existence dans un groupe humain de relations d'autorité et d'obéissance uploads/Politique/ introduction-science-politique.pdf

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