1 2 3 4 5 6 Presses de l’Université de Montréal L'éducation pour tous Introduct
1 2 3 4 5 6 Presses de l’Université de Montréal L'éducation pour tous Introduction Claude Corbo p. 11-48 Note de l’éditeur Les coquilles évidentes et les fautes ont été corrigées ; l’orthographe a également été modernisée. La présente édition harmonise la composition des chiffres, montants et ordinaux selon l’usage actuel. La ponctuation du texte original a toutefois été respectée. Le sous-titres entre crochets ont été ajoutés par C. Corbo. Texte intégral 1. L’éducation au Québec au milieu du XXe siècle Quarante ans après la publication de son premier volume, le Rapport Parent peut être considéré à la fois comme un document fondateur de la société québécoise contemporaine et comme l’un des documents capitaux de l’histoire même du Québec. Issu des travaux de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, laquelle a œuvré de 1961 à 1966 sous la présidence de Alphonse-Marie Parent, le rapport formule une nouvelle philosophie de l’éducation et dresse un plan complet de réforme, de reconstruction devrait-on dire, du système d’enseignement au Québec. Les grandes caractéristiques de l’éducation québécoise — la volonté de démocratisation, l’accessibilité, la polyvalence, le découpage en ordres élémentaire, secondaire, collégial, universitaire, l’existence même des CÉGEP, etc. — trouvent dans le Rapport Parent leurs origines, leur conceptualisation, leur justification. Les actions réformatrices des gouvernements québécois successifs des années 1960, en matière d’éducation, furent très profondément inspirées par les recommandations de la Commission d’enquête. Outre le fait qu’il a imaginé, structuré et justifié les lignes directrices de la réforme du système d’éducation, le Rapport Parent prend certainement place dans la série des documents capitaux ayant ponctué les temps forts du cheminement historique de la nation québécoise depuis quatre siècles. Ce rapport, en effet, prend en quelque sorte figure d’icône particulièrement signifiante de ce qu’on a convenu d’appeler la « Révolution tranquille » des années 1960. Dès les débuts de cette décennie, la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec se trouve au cœur d’un immense processus de changement social. Si le gouvernement libéral de Jean Lesage, porté au pouvoir lors des élections du 22 juin 1960, après le long règne obstinément conservateur de Maurice Duplessis, multiplie les réformes dans toutes les sphères de la vie sociale et de l’activité gouvernementale, c’est certainement la réforme de l’éducation, animée par les travaux de la Commission Parent, qui occupe l’avant-scène, frappe et passionne les esprits et demeure comme un legs majeur de cette époque. La Commission d’enquête sur l’éducation déclenche une intense période de réflexion et de débats publics qui mobilisent toutes les forces de la société québécoise. Ainsi, la Commission recevra trois cents mémoires produits par tous les groupes sociaux, économiques, éducatifs, culturels et même politiques du Québec. Comme l’écrit le sociologue Guy Rocher, lui-même membre de la Commission, « la Commission Parent symbolisait et concrétisait l’esprit et les espoirs de la Révolution tranquille alors en cours1 ». C’est en ce sens que le Rapport Parent constitue un document central de l’histoire du Québec, et, selon le propos de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec, « le symbole le plus important de la volonté de rénovation du peuple québécois2 ». Il est même tentant de reconnaître à ce rapport le statut de classique, même si cela peut constituer un hommage dangereux. Car, comme la chose advient souvent aux classiques, on les évoque plus qu’on ne les connaît, on les cite plus qu’on ne les lit. Dans le cas du Rapport Parent, un double problème de lisibilité s’y ajoute. Ce problème de lisibilité comporte une dimension matérielle et une dimension intellectuelle. Celle-ci tient à l’ampleur considérable du document qui comporte cinq volumes et près de 1500 pages. Par ailleurs, il faut reconnaître que le rapport compte bien des pages qui, traitant de problèmes importants à l’époque mais sans trop de signification aujourd’hui, n’intéressent plus que les spécialistes et les érudits. Une lecture du Rapport Parent aujourd’hui veut, légitimement, aller à ce qui est essentiel, qui projette l’éclairage le plus efficace sur la constitution du système d’éducation et qui demeure d’un intérêt durable. Le problème matériel de lisibilité du Rapport Parent résulte du fait que, depuis sa publication originale qui s’est échelonnée, sous deux formats, entre 1963 et 1966, le document n’a jamais fait l’objet d’une réédition (hormis l’un ou l’autre passage). Le document est donc épuisé depuis longtemps. Même dans les librairies d’occasion, il ne se trouve pas facilement. Certes, nombre de bibliothèques publiques ou institutionnelles en conservent des exemplaires ; cependant, ils sont fréquemment placés dans la collection de référence et doivent être lus sur place. Et, si l’on surmonte le problème matériel, on se retrouve avec le premier problème de lisibilité de cet important document. La présente anthologie veut donc répondre à ce double problème de lisibilité du Rapport Parent. Il s’agit d’en rendre accessibles les pages et les recommandations les plus essentielles pour les faire connaître, pour les comprendre et pour contribuer à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension tant du système d’éducation que du Québec contemporain lui-même. L’existence même de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement, les nombreux mémoires et débats qu’elle a suscités, ses analyses, ses recommandations, ne sont compréhensibles qu’à la lumière de la situation de l’éducation au Québec au milieu du XXe siècle et des interrogations et des préoccupations que provoqua, à l’époque, cette situation. 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Absence d’autorité politique unifiée sur l’éducation Éclatement et éparpillement du système d’éducation Sous-scolarisation des francophones catholiques Sous-financement de l’éducation Il se trouvait des personnes et des groupes qui portaient un jugement très positif sur l’état de l’éducation québécoise. Ainsi, en 1960, le surintendant de l’Instruction publique, Omer-Jules Desaulniers, n’hésite pas à qualifier l’éducation québécoise de « meilleur système d’enseignement au monde », un système qui « continuera de faire honneur à notre belle Province et au Canada tout entier3 ». Cette vision optimiste n’est pas unique. Ainsi, dès 1945, les rédacteurs de la revue jésuite Relations évoquent les interrogations qui animent les milieux d’éducation des États-Unis quant à l’évolution de leur système d’enseignement et mettent le Québec en garde contre l’abandon d’un système au profit d’expériences que d’autres jugent périlleuses : « Pourquoi nous lancer, à notre tour, dans des aventures que regrettent nos voisins4 ? » Mais beaucoup d’individus et de groupes refusent un tel sentiment de satisfaction. En fait, de la fin de la Deuxième Guerre mondiale au début des années 1960, un intense débat fait rage dans la société québécoise. Un nombre croissant de voix dénoncent les carences du système d’éducation et réclament avec force, insistance et constance des transformations, des réformes en profondeur, celles mêmes que proposera le Rapport Parent5. Qu’est-ce qui préoccupe ces voix discordantes ? Le recul du temps aidant, on peut identifier un certain nombre de caractéristiques du système d’éducation au milieu du XXe siècle qui expliquent l’ardeur avec laquelle des réformes en profondeur sont exigées. Depuis l’abolition du ministère de l’Instruction publique en 1875, il n’y a, au Québec, aucune autorité politique unifiée ayant juridiction sur l’éducation et en assurant l’organisation, l’orientation, la cohésion et le financement. Il y a, au contraire, de multiples centres de décision. Le Conseil de l’instruction publique, assisté du Département et du Surintendant de l’instruction publique, a, en principe, juridiction sur l’enseignement élémentaire et secondaire public. Cependant, le Conseil lui-même ne se réunit pas entre 1908 et 1960. Ses pouvoirs sont exercés par deux Comités confessionnels, un protestant et un catholique, ce dernier formé de tous les évêques et d’un nombre égal de laïcs. La liaison entre le Conseil et ses comités et les instances gouvernementales est assurée par le ministre qui agit comme Secrétaire de la province mais qui n’a aucunement statut de ministre responsable de l’éducation. Le reste du système d’éducation relève d’une grande diversité d’autorités et de centres de décision. L’enseignement secondaire privé est animé par des communautés religieuses ou le clergé diocésain, sous la supervision, dans ce dernier cas, des évêques, et sous la coordination générale des facultés des arts des universités franco-catholiques. L’enseignement professionnel et technique dépend du ministère de la Jeunesse. L’enseignement spécialisé en agriculture, en hôtellerie, en pêcherie, en foresterie, etc. est placé sous la direction des ministères gouvernementaux correspondants. Les hôpitaux gèrent des écoles d’infirmières. Les beaux-arts et la musique sont enseignés dans des écoles supérieures sous la gouverne du Secrétaire de la province. Il y a, en plus, quelque 1800 commissions scolaires formées d’élus et ayant des pouvoirs de gestion et de taxation. Quant aux universités, elles sont pleinement autonomes. En l’absence d’une autorité politique unifiée sur l’éducation, le système se caractérise par un éclatement et un éparpillement profondément accentués. Il y a d’abord dualité de systèmes d’éducation. Les Québécois franco-catholiques ont un « système » où l’on retrouve un cours élémentaire qui tend à s’allonger pendant les années 1950 vers un secondaire public, lequel ne conduit pas à toutes les facultés universitaires ; en fait, seul le cours classique complet, dispensé par les collèges privés ou les séminaires diocésains, ouvre la uploads/Politique/ l-x27-education-pour-tous-introduction-presses-de-l-x27-universite-de-montreal.pdf
Documents similaires










-
47
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 03, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.4544MB