09/11/2017 L’Enjeu Machiavel https://laboratoireitalien.revues.org/376 1/5 Labo
09/11/2017 L’Enjeu Machiavel https://laboratoireitalien.revues.org/376 1/5 Laboratoire italien Politique et société 3/2002 La République en exil (XVe-XVIe siècles) Lectures L’Enjeu Machiavel sous la direction de Gérald Sfez et Michel Senellart, Paris, PUF (Collection Librairie du Collège international de philosophie), 2001, X-254 p., 150 FF / 22,87 euros Mʃʔʋʇ-Dʑʏʋʐʋʓʗʇ Cʑʗʜʋʐʇʖ p. 173-177 Référence(s) : L’Enjeu Machiavel, sous la direction de Gérald Sfez et Michel Senellart, Paris, PUF (Collection Librairie du Collège international de philosophie), 2001, X-254 p., 150 FF / 22,87 euros. Texte intégral L’ouvrage est constitué par les actes d’un colloque international qui s’est déroulé, du 14 au 16 mai 1998, au Collège international de philosophie, sur l’enjeu que représente Machiavel pour la modernité. 1 Pour Gérald Sfez et Michel Senellart, la question de l’actualité de Machiavel doit être avant tout envisagée dans sa dimension historique, c’est-à-dire avec la conscience de son inscription dans une histoire des interprétations : au-delà des ré-appropriations souvent réductrices et d’un positivisme engendré par la constitution d’un vaste savoir historique dont on ne saurait plus faire l’économie, elle relève de « ce troisième âge de l’interprétation machiavélienne où, à côté de la recherche historique et philologique, c’est l’actualité même de la pensée de Machiavel – ou plutôt la signification de sa pensée par rapport à l’actualité qui est la nôtre – qui est mise en question » (p. 2). Dans cet esprit, la conclusion de l’ouvrage, confiée à de jeunes chercheurs, est consacrée à une discussion sur l’ouvrage de J. G. A. Pocock, l’un des représentants les plus significatifs de cette troisième période, et à son interrogation sur le républicanisme de Machiavel. 2 Il s’agit donc de considérer Machiavel avec un « souci théorique », du point de vue de « la route nouvelle qu’ouvre son mode d’interrogation », autrement dit, des déplacements qu’il opère par rapport à la tradition de la philosophie politique, par rapport « au naturalisme et à la préoccupation d’un cosmos régulateur » et « dans l’intelligibilité des rapports entre la République et l’État » (p. 3). Ces trois interrogations correspondent, dans l’ensemble, aux trois parties de l’ouvrage, dont l’unité se fait autour d’autres questions, pour ainsi dire transversales : la question constante du rapport de Machiavel à la philosophie, la question de sa signification historique, et celle de la façon dont l’œuvre de Machiavel « travaille » la 3 09/11/2017 L’Enjeu Machiavel https://laboratoireitalien.revues.org/376 2/5 pensée contemporaine, qu’il s’agisse d’auteurs faisant l’objet de contributions – Althusser, Merleau-Ponty, Arendt et Foucault – ou des participants eux-mêmes. La première partie, « Cosmologie et théologie », rassemble des contributions sur les rapports qu’entretient l’œuvre machiavélienne avec l’éthique, la cosmologie, l’astrologie et la religion. 4 Si, chez Machiavel, « les impulsions et les passions forment les mobiles les plus efficaces des actions, […] il est douteux de prétendre qu’[il] substitue au système de référence éthique celui des passions » (p. 10). Michel-Pierre Edmond (« Machiavel : l’éthique et le pathétique ») argumente sa thèse à l’aide de deux textes classiques : le chapitre 15 du Prince et le passage des Histoires florentines sur la révolte des Ciompi (III, 13) : Machiavel n’est pas un Hobbes avant la lettre, même s’il partage avec lui « un jeu de bascule perpétuel de la vertu dans le vice et du vice dans la vertu » (p. 10)1, ni un précurseur de la doctrine des restrictions mentales théorisée par les Jésuites du siècle suivant, comme il se distingue de la théorie aristotélicienne de la vertu et de la liberté des citoyens – des distinctions fines qui font tout l’intérêt de cet article bref. 5 Dans « Ptolémée et le chapitre 25 du Prince », Anthony J. Parel reprend à nouveaux frais sa réflexion sur le rapport entre politique machiavélienne et philosophie naturelle de l’astrologie, déjà développée dans The Machiavellian Cosmos (Yale University Press, 1992) au service d’un brillant commentaire du chapitre 25 du Prince. Dans ce texte, d’une portée plus étendue que ne l’annonce son titre, l’auteur vérifie l’hypothèse selon laquelle la philosophie politique de Machiavel est sous-tendue par la philosophie naturelle de l’astrologie de l’époque, qui a sa source ultime dans le Tétrabible de Ptolémée. Il le fait en trois temps : 1) en mettant en évidence l’existence et en précisant la nature des contacts de Machiavel avec l’astrologie, par des références éclairantes à ses œuvres les moins fréquentées (légations, correspondance) ; 2) en donnant quelques exemples de l’usage ponctuel que fait celui-ci de la philosophie naturelle de l’astrologie (intervention de certains postulats de l’historiographie astrologique, causes astrologiques de l’existence et du devenir des religions, notion de renovatio, théorie des qualités et des influences occultes) ; 3) en attestant de l’intérêt de Machiavel lui-même pour le rôle de la pensée astrologique dans la question du libre arbitre (dans la correspondance avec Bartolomeo Vespucci, les Ghiribizzi a Soderini et le Capitolo della Fortuna). L’analyse qui suit fait du Tetrabiblos la clé de lecture du chapitre 25 du Prince, pour sa terminologie (le terme de monde, la distinction honneur- richesse, l’idée de « nature » particulière et surtout la notion de « qualité des temps »), sa composition (fondée sur la distinction universel-particulier) et la définition de la virtù dans les termes de l’anthropologie astrologique et non de la philosophie aristotélicienne. Machiavel a-t-il lu directement Ptolémée ? Selon Parel, on ne peut pas l’attester, mais c’est l’association étroite de la Fortune à la « qualité des temps » qui l’a conduit dans la direction de la composante astrologique et de l’ascendance ptoléméenne. L’ignorance des traducteurs ne parvient pas à discréditer ce texte à nos yeux fondamental pour la compréhension de bon nombre d’aspects de la pensée machiavélienne, que l’on étendra avec profit à d’autres auteurs contemporains. 6 Dans un texte intitulé : « Sur la corruption chez Machiavel. Temporalité et espace privé », Domenico Tarento analyse la question de la corruption en deux temps : d’abord du point de vue de la temporalité et d’une « ontologie du mouvement qui semble être la cause métaphysique de la corruption » (p. 42) : il note la nouveauté de l’analyse machiavélienne à l’égard du traitement antique des metabolai politeion, dans le contexte d’une temporalité accélérée et en partie linéaire, et énonce les stratégies mises en œuvre par Machiavel : retour aux principes et rencontre (riscontro) avec le temps. Mais c’est ensuite dans l’interprétation du passage de la religion civile des Anciens à la religion privée des modernes, formulée par Machiavel dans les Discours, que l’auteur situe « la dynamique et le sens général de la corruption » (p. 48) : la religion des modernes, devenue religion de l’homme privé et du salut individuel, est synonyme de dissolution du lien social et d’apparition d’un intérêt privé qui se traduit, sur le plan militaire, par la professionnalisation des armes. L’auteur se demande alors si la corruption « ne s’identifie pas en un certain sens, pour Machiavel, avec la naissance même du privé » (p. 57). 7 Enfin, dans « Le prince des athées, Vanini et Machiavel », Jean-Pierre Cavaillé part du qualificatif de « prince des athées », appliqué tour à tour aux deux auteurs par la critique chrétienne anti-libertine et par Vanini lui-même à Machiavel, pour introduire à la lecture particulièrement complexe que celui-ci fait du Florentin. Pour l’auteur, Vanini appréhende Machiavel à travers le double filtre de l’antimachiavélisme catholique et de l’Aristotélisme padouan : il exploite le lieu commun de l’antimachiavélisme catholique dénonçant la 8 09/11/2017 L’Enjeu Machiavel https://laboratoireitalien.revues.org/376 3/5 religion comme instrumentum regni, pour montrer qu’elle « constitue en fait la nature même de la politique » (p. 62) ; d’autre part, Machiavel lu à travers le filtre de Cardan conduit à une conception désenchantée de l’action politique, Vanini empruntant à Pomponazzi sa conception de la lex avec pour principe actif la tromperie politico-religieuse, qu’il dépouille de toute justification morale. L’« issue paradoxale de ce machiavélisme [est] le désengagement politique au service d’une éthique privée » (p. 63) et une condamnation de l’éthique de la gloire qui inclut Machiavel lui-même – point d’« aboutissement », selon l’auteur, « d’un athéisme conséquent » (p. 69). La seconde partie propose des approches diversifiées de l’interrogation sur la modernité de Machiavel, à propos des rapports entre « la République et l’État ». 9 Dans « La citoyenneté au détour de la république machiavélienne », Christian Lazzeri propose de chercher en quoi l’œuvre de Machiavel peut contribuer à reformuler une question qui « trouve […] son point de départ dans la pensée et la pratique politiques contemporaines. Cette question porte sur le statut de l’engagement civique et des difficultés qui lui sont afférentes » (p. 76). S’interroger sur les enjeux des textes machiavéliens suppose que l’on ne se restreigne pas au cadre strict de l’histoire, tout en étant conscient du danger qui consisterait à poser à Machiavel des questions qui ne sont pas les siennes. C’est la raison pour laquelle l’auteur énonce d’abord longuement les formulations et les critiques de la notion d’engagement civique (notamment la contradiction entre individualisme et citoyenneté et la thèse de Mancur uploads/Politique/ l-x27-enjeu-machiavel 1 .pdf
Documents similaires
-
17
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Dec 24, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2133MB