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BEL/Lux : 6,40 € - CH : 9.50 FS l’incorrect Faites-le taire ! L 13401 - 18 - F: 5,90 € - RD n° 17 ◆ février 2019 © Benjamin de Diesbach pour L’Incorrect PIERRE JOURDE MY TAYLOR IS SWIFT ONFRAY SAGESSE DES IMBÉCILES L’ENNUI DES CÉSAR JEANNETTE BOUGRAB PERSISTE ET SIGNE ET AUSSI : Gabrielle Cluzel, Le brocoli, Charles Gave, Alain Laurent, Il Miracolo, L’affaire Viguier, Balthazar, Guy Peellaert, Pasolini, Ghislain de Diesbach, Annick de Souzenelle, Denys Arcand, Fernand Khnopff, Devecchio… Poids lourd des lettres LIBÉRALISME FRACTURE À DROITE Le dernier des québécois Bock-côté Saint Pierre Damien moine & porcher l’internet français, ses moteurs, ses réseaux Juan Branco Insoumis bémol QWANT lincorrect.org facebook.com/lincorrect @MagLincorrect @lincorrect_mag L’Incorrect n° 17 février 2019 3 Éditorial Par Jacques de Guillebon nos mirages n ne saurait se lasser de méditer cete phrase que l’anglais Chesterton nous appliqua un jour : « Ce peuple a une tendance naturelle à se sentir à la veille de quelque chose – la Saint-Bar- thélemy, la Révolution, la Commune ou le Jour du Jugement. C’est ce sens de la crise qui rend la France éternellement jeune ». Elle est drôle, lateuse et juste. Elle laisse cependant présager que si nous avons l’honneur de maintenir le monde à température, ainsi de nos Gilets jaunes qui essaiment dans toute l’Europe, nous n’aurions pas l’intention de trouver une solution aux crises qui nous tra- versent, éternels adolescents que nous serions. Et pourtant, il le faudra bien, perclus comme nous sommes de maladies et de menaces. Cete verte jeunesse française ne pourra durer toujours. Le romantisme de nos manifestations, hier contre le mariage pour tous de Hollande et de Taubira, aujourd’hui contre la poli- tique générale de Macron, ce roman- tisme ne saurait masquer longtemps l’absence de réponse construite des op- positions constituées. Si les exemples extérieurs abondent, qui laissent en- trevoir qu’une autre politique serait possible, ils sont cependant ou trop éloignés de nos moeurs propres ou trop loin d’avoir donné la preuve de leur eicience. Imagine-t-on ainsi un ministre de l’Intérieur français en bras de chemise avec une gourmete rouge en plastique au poignet – révérence gardée à Mateo Salvini ? Imagine-t-on le général de Gaulle coifé d’une casquete, rouge encore, à visière ? Quelles que soient les vertus des Trump, Poutine, Bolsonaro, Salvini dans leur ordre, il est plus qu’évident que ni leurs personnalités ni leurs brutales politiques ne sont décalcables en France, ce vieux pays courtois et bien élevé d’un vieux continent. Et c’est tant mieux. Par ailleurs, les soubresauts sans in du Brexit outre-manche, dont l’on ne voie guère pour le moment comment il pourrait être appliqué ; par ailleurs les manifestations qui secouent la Hongrie d’Orban après sa loi sur le travail dite « esclava- giste » par ses détracteurs ; par ailleurs tout cela qui se dé- roule dans des pays dont les coutumes politiques paraissent pourtant proches des nôtres ne laisse pas augurer de faciles lendemains pour le conservativo-populisme, si l’on ose ce barbarisme. Les européennes qui se proilent devraient ain- si conirmer que les élections se feront bloc grossier contre bloc grossier, nouveau monde contre enracinement, sans que ni l’un ni l’autre de ces mastodontes ne puisse justiier de quelque contenu positif que ce soit. Opposer à la startup nation la France des ronds-points, très bien. Mais les ronds- points, signal de détresse d’un peuple qui se noie, n’ont ja- mais fait une politique. Entendre la colère d’un peuple, fort bien : mais qu’en faire, et comment traduire ses mots ? Com- ment, encore une fois, élever ces passions instinctives et les transmuer en un projet de civilisation ? Il n’est pas sûr que qui que ce soit parmi nos représentants possède la réponse. Est-ce leur faute ? Plutôt que leur machiavélisme, c’est leur paresse intellectuelle qu’il faudrait accuser, paresse qui est un signe de ce temps, la chose la mieux partagée, où l’on croit que le train de la technique et de l’his- toire nous mènera forcément à bon port, sans que nous ayons à faire l’exer- cice de notre volonté dans le cadre de la communauté. Ironie du temps encore, que la recherche efrénée de la liberté individuelle ait accouché de sociétés si obéissantes, si anesthésiées qu’elles ne rêvent plus à une destinée supérieure, à une autre forme politique qui nous ferait grandir. Il est cruel de le constater, mais l’examen de soi-même est toujours proitable : le conservatisme comme le populisme sont aujourd’hui en France des enveloppes vides, séduisantes par de nombreux aspects, mais qui atendent toujours qu’une vraie politique vienne les remplir. Une politique qui ne soit pas seulement un doux et jeune visage, masculin ou féminin ; qui soit réellement une proposition de salut. ◆ Le conservatisme comme le populisme sont aujourd’hui en France des enveloppes vides qui attendent toujours qu’une vraie politique vienne les remplir. © Léa Frct pour L’Incorrect o L’Incorrect n° 17 février 2019 4 Biographe à succès de Madame de Staël, de Chateaubriand et de Proust, Ghislain de Diesbach est aussi l’auteur de truculents mémoires. Un homme Grand Siècle, élégant et racé, qui déambule dans une époque grossière. e veux que mes enfants soient élevés dans la haine de la République », disait son père. Dès l’école, Ghi- slain de Diesbach cultive sa diférence, proclame son royalisme et refuse de chanter la Marseillaise. À quoi l’abbé jacobin répond du collège en le croi- sant : « Tiens, v’là l’boche ». Ghislain de Diesbach a toujours eu le goût de l’insolite et du bizarre. Issu d’une antique famille suisse, il naît au Havre en 1930. La passion des montagnes, propre aux Suisses, ne l’a jamais touché. Toute sa vie il demeure hanté par les ports et le grand large. En 1940, l’efondrement de la France révèle à l’enfant la comédie humaine avec ses lâche- tés et parfois son héroïsme. La confusion est générale, et sur les routes des soldats français aux allures de clochards se mêlent aux civils. Ghislain de Diesbach consigne dans un journal ces événements où se mê- lent tragédie et grotesque. Il débute sans le savoir le métier de mémorialiste. Sa vie accélére brusquement en 1958. Comme tout homme de letres qui se res- pecte, il cultivait jusque là son oisiveté avec opiniâtreté. Son père, excédé de sa paresse, init par lui couper les vivres. Ghislain se jete sur la première situation venue, sta- giaire chez L’Urbaine et la Seine, une compagnie d’assurances. C’est le temps des petites chambres d’hôtel sinistres et des maigres repas. Dans le troisième volume de ses mémoires, Un début à Paris, il décrit cete France des années cinquante où se mêlent paternalisme et alcoolisme. Chez L’Urbaine et la Seine, tout est prétexte à organiser des « pots ». On boit et on mange à toute heure pour oublier son salaire de misère, tan- dis que le garde-chiourme que l’on appelle le « Léopard », arpente les étages pour débusquer les tire-au-lanc. Le week-end, Diesbach écrit. Il publie en 1960 un premier recueil de nouvelles, Iphigénie en huringe. Récit d’un autre temps, ciselé à l’imparfait du subjonctif dans un style suranné parfaitement assumé. Sacré « jeune maître de l’insolite », les portes du monde litéraire s’ouvrent à lui. Propositions d’éditeurs et soirées mondaines se succèdent. Dès lors, sa vie s’écoule dans une cadence immuable : il travaille la journée aux assurances, rentre chez lui répondre à son courrier, et se précipite à un dîner en ville. Car Ghislain de Diesbach est un mondain professionnel. Pendant 40 ans, il rencontre des milliers de personnes. Une multitude délibérée, destinée à approfondir sa connaissance des hommes. Et entretenir son sens de l’observation : « J’ai l’œil et j’ai l’oreille. Cela me fut très utile pour concevoir mes biographies ». Soutenu par l’éditeur René Julliard, il publie études et ro- mans. En 1972, son Histoire de l’Émigration (1789-1814) lui confère une stature d’historien. En 1983, il accède à la vraie notoriété avec une biographie de Madame de Staël. Convié à « Apostrophes », il en vend 120 000 exemplaires et reçoit le Grand prix des lectrices du magazine ELLE. Malgré un style exigeant, il devient une tête de gondole. Dans sa biographie de Proust, publiée en 1991, il dresse un portrait contrasté de l’écrivain, décrit entre autres comme « une cathédrale de haine ». Cete étude au style dynamique et piquant lui vaut l’admira- tion de la critique mais aussi l’hostilité de la société proustienne : « On ne compre- nait pas que je puisse écrire sur Proust alors que je n’étais pas juif ». Josyane Savigneau du Monde mène l’ofensive. L’antipathie redouble d’intensité en 1995 avec sa bio- graphie de Chateaubriand. Sur 800 pages, Diesbach raconte un François-René fan- tasque pourvu d’une grande vanité. Une sorte de Bernard-Henri Lévy du XIXe siècle, le génie et le sens de l’honneur en plus. Alors que les proustiens le méprisent, les universitaires ne lui pardonnent pas son absence de diplômes. Une situation très française. Muni de ses vingt-deux prix litéraires, Ghis- lain de Diesbach n’en uploads/Politique/ l-x27-incorrect-20190201.pdf
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- Publié le Jui 03, 2022
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