L’UNION EUROPÉENNE ET LE RENSEIGNEMENT ________________________________________

L’UNION EUROPÉENNE ET LE RENSEIGNEMENT ________________________________________________________________________ PERSPECTIVES DE COOPÉRATION ENTRE LES ÉTATS MEMBRES Thierry Coosemans RAPPORT DU GRIP 2004/3 2 © Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) rue Van Hoorde, 33 B-1030 Bruxelles Tél.: +32.2.241.84.20 Fax: +32.2.245.19.33 Courriel : admi@grip.org Internet : www.grip.org L’UNION EUROPÉENNE ET LE RENSEIGNEMENT 3 Sommaire Introduction 5 I. Éléments de compréhension du renseignement 7 1. Le renseignement au cœur du processus de décision 7 2. Le cycle du renseignement 7 3. Différentes définitions utiles à la compréhension du renseignement 7 3.1. Définitions générales 7 3.2. Définitions particulières 7 3.3. Le renseignement militaire 8 4. Distinguer « Law Enforcement » et « Intelligence » 10 5. La diversité des compétences à travers la multiplication des services 11 II. Le 11 septembre et ses conséquences : état des lieux de la coopération européenne en matière de renseignement 13 1. Le 11 septembre : les leçons de l’échec américain et la prise de conscience européenne 13 2. Les structures de coopération existantes 15 2.1. Les échanges de renseignements entre SR : les prin- cipes de base 15 2.2. L’état de la coopération entre SR européens au sein d’enceintes multilatérales 16 2.3. Les structures de coopération dans le cadre du « second pilier » - Justice et Affaires Intérieures (JAI) 18 2.4. Les structures de coopération dans le cadre du « troisième pilier » - PESC/PESD 19 III. Les conditions d’un approfondissement de la coopération européenne 23 1. La nécessité d’une volonté politique forte 23 2. Des structures de coopération réalistes et efficaces 25 3. La nécessité de définir les besoins de l’UE en matière de renseignement 28 4. La nécessité d’assurer le contrôle démocratique des SR au niveau européen 28 5. La nécessité d’une approche différenciée 29 5.1. OSINT (Open Sources Intelligence) 29 5.2. HUMINT (Human Intelligence) 32 5.3. SIGINT (Signal Intelligence) 34 5.4. IMINT (Imagery Intelligence) 42 Conclusions : Relever le défi d’un nouvel environnement et d’une nouvelle finalité du renseignement 51 RAPPORT DU GRIP 2004/3 4 L’UNION EUROPÉENNE ET LE RENSEIGNEMENT 5 Introduction Le 11 septembre 2001 révéla une menace nouvelle, d’une ampleur inégalée que François Heisbourg qualifia « d’hyper-terrorisme ». Im- pressionnés tant par le déchaînement de violence que par l’incapacité des Etats-Unis – unique puissance mondiale que l’on croyait intouchable – à en prévenir la manifestation sur son propre territoire, les dirigeants de l’Union Européenne s’engagèrent, la main sur le cœur, à lutter de concert. L’opinion publique y trouva matière à se rassurer. Mais deux ans plus tard, si des pro- grès substantiels ont été réalisés en matière de « justice et d’affaires intérieures » (mandat d’arrêt européen, renforcement d’EUROPOL, création d’équipes d’enquête communes), force est de constater que « l’Europe du renseigne- ment » reste à la traîne. La présente étude entend s’inscrire pleinement dans cette perspective d’intégration européenne, sans naïveté ni faux-fuyants. Nulle intention de promouvoir, envers et contre tout, une « Europe du renseignement » – en sautant comme un cabri – pour reprendre l’expression de cet Homme d’Etat qui connut bien les Services. Notre approche se veut prudente et réaliste. Si la nécessité d’un approfondissement de la coopération au sein de l’UE constitue effective- ment notre postulat de base, nous n’avons d’autre ambition que d’établir un certain nombre de scénarios, qu’il appartiendra aux responsa- bles politiques, mais aussi aux professionnels du renseignement, de débattre. Le premier chapitre vise à rappeler au lecteur un certain nombre de définitions et de concepts nécessaires à une bonne compréhension de la problématique du renseignement, appréhendée dans toute sa diversité. Le second chapitre éta- blit un état des lieux de la coopération euro- péenne en matière de renseignement au lende- main du 11 septembre. Le troisième chapitre développe les conditions selon nous préalables à un approfondissement de la coopération entre SR. Nos conclusions s’efforceront de replacer l’approfondissement de la coopération entre SR de l’UE dans la perspective plus vaste du défi d’un nouvel environnement et d’une nouvelle finalité du renseignement. RAPPORT DU GRIP 2004/3 6 I. Éléments de compréhension du renseignement 1. Le renseignement au cœur du processus de décision Un officier de renseignement nous confia un jour, par boutade, qu’il exerçait « le plus vieux métier du monde » car avant de rejoindre Eve, Adam eut préalablement à s’informer de l’endroit où elle se trouvait. Plus sérieusement, nul ne contestera que le renseignement occupe une place centrale dans tout processus de prise de décision : au cours des siècles, les décideurs prudents - gens d'af- faires, militaires, politiques, économistes - ont cherché à se tenir pleinement au courant des moyens et des intentions des personnes ayant des intérêts semblables ou opposés aux leurs. Il est relativement plus facile de s'informer sur ses amis et alliés, et plus difficile de le faire au sujet de ses rivaux. Mais les deux ensembles de ren- seignements sont nécessaires à la prise de déci- sions propres à protéger et favoriser au mieux ses propres intérêts.1 Et plus que jamais, dans un système de tensions à l'échelle planétaire, les décideurs doivent avoir une connaissance pous- sée de leur environnement, des perspectives d'évolution de celui-ci, des opportunités qui s'y présentent, mais également des menaces qui les guettent, et ce quasiment en temps réel. La maî- trise de cette information est devenue impérative pour la survie des nations comme l'était déjà pour celle des entreprises.2 En somme, pour reprendre l'aphorisme d'Auguste Comte, il faut « savoir pour prévoir afin d'agir ».3 Trois arguments au moins plaident en effet, selon nous, en faveur d’une approche euro- péenne de la sécurité. D’une part, la criminalité organisée a pris une dimension multiforme : les trafics de dro- gues, d’armes, d’êtres humains, le blanchiment des capitaux ne sont que quelques exemples auxquels les événements tragiques du 11 sep- tembre nous obligent d’ajouter la menace « hyper-terroriste ». Et déjà les experts évoquent le spectre du bio-terrorisme ou du cyber- terrorisme. 1. SEABORN Blair, « Renseignement et politiques : cons- tantes et évolution », in Commentaire n° 45, Publication du Service Canadien du Renseignement de Sécurité, juin 1994, www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag/ 2. http://www.geocities.com/Pentagon/7209/rma.html 3. http://www.geocities.com/Pentagon/7209/recherche.html D’autre part, le phénomène de mondialisa- tion, l’avènement du « village global » où per- sonnes, marchandises et capitaux circulent à une vitesse accélérée, donne à la criminalité organi- sée une dimension nouvelle qui nous contraint de réviser nos stratégies tant préventives que répressives. Enfin, les attentats de New York et de Was- hington nous ont fait prendre conscience que la distinction jadis établie entre notre « sécurité intérieure » et notre « sécurité extérieure » n’était plus pertinente. Seule une approche glo- bale, menée au niveau de l’Union Européenne, est capable d’appréhender le problème dans sa nouvelle dimension. Une étude de l’Institut d'Etudes de Sécurité de l'UEO posait déjà en décembre 1998 ce cons- tat fondamental : le renseignement revêt au- jourd'hui beaucoup plus d'importance que pen- dant la guerre froide. Alors qu'il fallait naguère maintenir l'équilibre de la terreur, empêcher une guerre en Europe et être attentif à tout ce qui pouvait provoquer une confrontation politi- co-militaire dans le tiers monde, le rôle du ren- seignement est à l'heure actuelle beaucoup plus vaste et plus varié dans la mesure où il aide les responsables à orienter leurs politiques vers un nouvel ordre mondial, de nouveaux équilibres de la puissance et des environnements économi- ques différents, tout en évitant les risques tradi- tionnels ou plus récents.4 Mais le renseignement ne pourra jamais tout prévoir, tout anticiper. La plupart du temps, il se limitera à élaborer des scénarios en évaluant leur degré de probabilité. Il ne rendra malheureusement pas notre monde plus juste, ni nos gouvernants plus sages, comme le note Michael Herman5. 2. Le cycle du renseignement Il est généralement admis que le respect du « cycle du renseignement » constitue un fonde- ment essentiel à la définition et à la mise en œuvre d’une politique de renseignement effi- ciente6. Ce cycle se caractérise par un processus 4. BECHER Klaus, MOLARD Bernard, OBERSON Frédé- ric et POLITI Alessandro, « Vers une politique européenne de renseignement », Les Cahiers de Chaillot, Institut d'Etu- des de Sécurité de l'UEO, Paris, Décembre 1998. 5. HERMAN Michael, « Sharing Secrets », The World Today, The Royal Institute of International Affairs, Vol- ume 57, Number 12, December 2001 6. WALDEN Alexander, « Le renseignement humain face au développement des nouvelles technologies », Mémoire de DEA, Droit mention « Défense nationale et sécurité L’UNION EUROPÉENNE ET LE RENSEIGNEMENT 7 en quatre étapes (la planification, la collection, l’exploitation, la diffusion), chacune d’elle révé- lant une fonction particulière, et devant se concevoir dans un continuum temporel aussi appelé «boucle du renseignement». L’OTAN le définit comme une séquence d'opérations par lesquelles les renseignements bruts sont obte- nus, regroupés, transformés en renseignement et mis à la disposition des utilisateurs. Ces opéra- tions comprennent : • L'orientation - Détermination des besoins en renseignement, établissement du plan de recherche, envoi de demandes de rensei- gnement et d'ordres de recherche aux orga- nismes de renseignement et contrôle per- manent uploads/Politique/ l-x27-union-europeenne-et-le-renseignement.pdf

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