LE DERNIER ROI DES FRANÇAIS, 1771 À 1851 (1852) ALEXANDRE DUMAS Le dernier roi

LE DERNIER ROI DES FRANÇAIS, 1771 À 1851 (1852) ALEXANDRE DUMAS Le dernier roi des Français, 1771 à 1851 Histoire de la vie politique et privée de Louis-Philippe LE JOYEUX ROGER 2009 Cette édition est basée sur Histoire de la vie politique et privée de Louis-Philippe, Paris, Dufour et Mulat, libraires-éditeurs, quai Malaquais, 21, 1852, 2 v. ill. Nous en avons respecté l’orthographe, nous contentant de recti- fier les erreurs évidentes et de modifier la ponctuation en plu- sieurs endroits. ISBN : 978-2-923523-71-2 Éditions Le Joyeux Roger Montréal lejoyeuxroger@gmail.com Chapitre premier Le 6 octobre 1773, Louis-Philippe d’Orléans naquit au Palais- Royal, et reçut en naissant le titre de duc de Valois. Son père était Louis-Philippe-Joseph, qui se fit appeler plus tard Philippe Égalité, et qui portait à cette époque le titre de duc de Chartres. Sa mère était Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon, fille du duc de Penthièvre, dernier représentant de la descendance légitimée de Louis XIV et de madame de Montespan, dans la personne du comte de Toulouse. Louis-Philippe remonte donc à Monsieur, frère du roi Louis XIV, par son père : branche légitime. Et à Louis XIV lui-même par sa mère : branche légitimée. Son grand-père était Louis-Philippe d’Orléans, de Valois, de Nemours, de Chartres et de Montpensier. Sa grand’mère Louise-Henriette de Bourbon-Conti. Le mariage de ces deux derniers avait eu lieu en 1743. Pendant les deux premières années de cette union, Louis-Philippe d’Or- léans avait été le plus heureux mari et l’amant le plus amoureux qu’il y eût au monde : ces deux nouveaux époux étaient cités pour la passion exagérée qu’ils avaient l’un pour l’autre. On racontait sur cette passion les anecdotes les plus singulières. Il n’entre point dans notre plan de les rapporter. C’étaient des rendez-vous mystérieux, des billets doux, des surprises, des attentions délicates, tout ce que l’amour a de recherches et de manœuvres coquettes pour en venir à ses fins. Les triomphes étaient faciles ; mais on se plaisait à feindre des obstacles avant la conquête. L’Œil-de-Bœuf, cet impitoyable railleur, enregistrait la chronique galante des deux amants-époux. Comme les bergers de l’Astrée, ils jouaient leur pastorale passionnée jusque dans les jardins de Versailles, se souciant de la cour et des railleries autant que des murmures du vent et des regards des étoiles. LE DERNIER ROI DES FRANÇAIS, 1771 À 1851 6 Qui se lassa le premier des deux, c’est ce qu’il est difficile de dire. Mais ce que l’on remarqua bientôt, c’est ce qu’à cet enthou- siasme conjugal succédait, de la part de la princesse, une répul- sion qui tenait de la haine. Presque répudiée par son mari, elle se jeta dans un délire d’extravagances. Encore une fois, nous écrivons de l’histoire et non de la chro- nique scandaleuse. Que ceux qui veulent des détails sur la vie déplorable de Louise-Henriette de Bourbon-Conti aillent les cher- cher dans les Mémoires du temps. L’époque de la Régence et celle du règne de Louis XV sont deux mines inépuisables en écrits de ce genre. Il faut convenir que, dans ce temps-là, si la société était affolée de jouissances criminelles, elle prenait soin du moins d’annoter ses travers et ses vices. Pour en finir sur ce point, qui ne se souvient de l’affirmation de Philippe Égalité devant la Commune en acceptant une pater- nité menteuse qui ne devait pas le sauver de l’échafaud. Des 1748, c’est-à-dire cinq ans après son mariage, le duc d’Or- léans se sépara complétement de sa femme en lui enlevant son fils, qu’il eut le courage, un des premiers en France, de faire inoculer ; il entra en liaison avec madame de Villemonble dont il eut trois enfants naturels, madame de Brossard et les abbés de Saint-Far et de Saint-Albin. En 1759, la duchesse d’Orléans mourut. Ce fut sept ans après cette mort que le duc d’Orléans com- mença de rendre des soins à la marquise de Montesson, née Charlotte-Jeanne Beraud de la Haie-de-Riou. M. de Montesson, son mari, vivait encore à cette époque, et quoiqu’elle fût plus jeune que lui de près de trente ans, elle lui resta fidèle jusqu’à sa mort, arrivée en 1769. Ce fut alors seulement que le duc d’Orléans se déclara, mais inutilement, à ce que l’on prétendit à cette époque. Aussi, vers la fin de 1772, commença-t-on à parler d’un mariage entre de Montesson et ce prince. Enfin, le 24 avril 1773, il prit congé d’une cour nombreuse qu’il avait à Villers- Cotterets, en disant aux plus intimes : LE DERNIER ROI DES FRANÇAIS, 1771 À 1851 7 — Messieurs, je laisse la compagnie ; je reviendrai tard ; je ne reviendrai pas seul, mais bien accompagné d’une personne avec laquelle vous partagerez l’attachement que vous portez à mes intérêts et à ma personne. Le château demeura toute la journée dans l’attente, et le soir à six heures on vit le duc rentrer au salon, tenant par la main mada- me de Montesson, qu’il avait épousée dans la journée. L’arche- vêque de Paris, après s’être assuré de l’agrément du roi, avait accordé aux deux époux les trois dispenses de la publication des bans, et le curé de Saint-Eustache les avait mariés dans la cha- pelle particulière de l’hôtel de la Chaussée-d’Antin. Madame de Montesson était à cette époque une femme char- mante, de trente-cinq à trente-six ans, et qui en paraissait trente à peine. Elle était poëte et musicienne, jouait d’une façon char- mante la comédie, et conserva jusqu’en 1806, époque de sa mort, dans son salon de la Chaussée-d’Antin, les meilleures traditions du siècle de Louis XIV et de Louis XV. Napoléon l’avait en grande estime à cause de ses hautes façons et lui faisait une pension de trente mille francs. Elle avait survécu de vingt et un ans au prince son mari, mort le 18 novembre 1785, et dont Louis XVI, plus susceptible que son aïeul Louis XV, lui défendit de porter le deuil. À l’époque où son père épousait madame de Montesson, M. le duc de Chartres était un jeune homme de vingt-cinq à vingt-six ans, qui, depuis dix ans, était entré dans le monde et dont la débauche faisait éclat. Une femme nommée la Deschamps avait été sa première maîtresse, et il ne s’en tint pas à cette passion, glissant par une pente rapide beaucoup plus bas. Le compagnon ordinaire de ses plaisirs était le prince de Lamballe, fils du duc de Penthièvre ; mais, moins forte que celle du duc de Chartres, la santé du jeune prince ne put résister à cette vie de basse luxure, et resta tuée dans un mauvais lieu. Alors on accusa le duc de Chartres non-seulement de débauche, mais de calcul ; il avait, disait-on, séduit, prostitué, empoisonné le prince de Lamballe, LE DERNIER ROI DES FRANÇAIS, 1771 À 1851 8 pour réunir sur la seule tête de mademoiselle de Penthièvre, qu’il devait épouser, et la colossale fortune de sa maison et l’ex- pectative de la charge de grand amiral, possédée par le duc de Penthièvre. Vingt ans plus tard, quand la pauvre princesse de Lamballe fut assassinée à son tour, ces accusations se renouve- lèrent, plus cruelles encore, de l’hommage que ses assassins avaient cru devoir faire au duc d’Orléans de sa tête. Mais nous, qui ne nous faisons que sur preuves les interprètes de semblables accusations, nous nous hâterons de protester contre ces deux infamies que le pamphlétaire peut consigner, mais que doit démentir l’historien. D’ailleurs, en dehors de ces choses fausses, il y a assez de choses vraies à dire sur ce pauvre prince, qui a payé ses fautes comme on paie des crimes. Il arriva au duc de Chartres, à l’ouverture du règne de Louis XVI, comme il était arrivé de son aïeul à la fin du règne de Louis XIV : tous deux réagirent contre les mœurs royales. Louis XIV était devenu dévot à la fin de sa vie ; Louis XVI s’était fait sévère dès le commencement. Le régent avait eu le Palais-Royal, qu’il avait rendu célèbre par ses orgies ; le duc de Chartres eut Monceaux, qu’il rendit illustre par ses débauches ; au reste, il avait au moins le mérite de la franchise, et ne mettait pas le masque de l’hypocrite sur la figure du roué. Un jour il paria revenir nu, à cheval, de Versailles au Palais-Royal, et gagna loyalement son pari. L’anglomanie, qui commençait à faire de grands progrès en France, était tout entière l’œuvre de M. le duc de Chartres ; il s’était mis franchement à la tête de la fraction de la société qui empruntait tout à l’Angleterre, mœurs, costumes, jockeys, che- vaux. Les premières courses furent encouragées par lui ; Marie- Antoinette y assista ; Mais Louis XVI s’opposa à ces courses et surtout aux paris ruineux qui en étaient la suite. C’est sur l’ordre du roi que les courses cessèrent. Le duc de Chartres se consola de cette persécution en allant à LE DERNIER ROI DES FRANÇAIS, 1771 À 1851 9 Londres deux fois par an, en y achetant des propriétés et en se uploads/Politique/ le-dernier-roi-des-francais.pdf

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