_______________ Le paquet « gouvernance Schengen » : Les équilibres subtils ent

_______________ Le paquet « gouvernance Schengen » : Les équilibres subtils entre méthode communautaire et logique intergouvernementale _______________ Yves Pascouau Décembre 2013 N No ot te e d du u C Ce er rf fa a 1 10 06 6 Comité d’études des relations franco-allemandes L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche, d’infor- mation et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en 1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité publique (loi de 1901). Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et publie régulièrement ses travaux. L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité des auteurs. Cette « Note du Cerfa » est publiée en collaboration avec le European Policy Centre. Une version anglaise de cette contribution est disponible sur le site www.epc.eu Cette « Note du Cerfa » est publiée dans le cadre du « Dialogue d’avenir franco-allemand », un projet mené en coopération par le Comité d’études des relations franco-allemandes de l’Institut français des relations internationales, la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik et la Les activités de recherche, de secrétariat de rédaction et de publication du Cerfa bénéficient du soutien de la Direction de la prospective du ministère des Affaires étrangères et du Frankreich-Referat de l’Auswärtiges Amt. Directeurs de collection : Yann-Sven Rittelmeyer, Hans Stark ISBN : 978-2-36567-231-3 © Ifri – 2013 – Tous droits réservés Site Internet : Ifri.org Ifri-Bruxelles Rue Marie-Thérèse, 21 1000 – Bruxelles – BELGIQUE Tél. : +32 (0)2 238 51 10 Fax : +32 (0)2 238 51 15 Email : bruxelles@ifri.org Ifri 27 rue de la Procession 75740 Paris Cedex 15 – FRANCE Tél. : +33 (0)1 40 61 60 00 Fax : +33 (0)1 40 61 60 60 Email : ifri@ifri.org 1 © Ifri Auteur Yves Pascouau est analyste senior au European Policy Centre et responsable du programme Migration européenne et diversité. Ses recherches et publications portent sur le développement de la poli- tique de l’UE et des politiques nationales en matière d’immigration, d’asile et d’intégration. Avant de rejoindre le European Policy Centre, il a travaillé comme chercheur en France (université de Pau et des pays de l’Adour) où il a obtenu un doctorat en droit public pour une thèse portant sur « La politique migratoire de l’Union européenne » et en Belgique (Université libre de Bruxelles) dans le cadre d’une recher- che postdoctorale portant sur les politiques d’intégration des États membres de l’Union européenne. 2 © Ifri Résumé Après deux années de négociations, souvent tendues et parfois placées sous le signe de la dramaturgie politicienne, le paquet « gouvernance Schengen » a finalement été adopté. Ouvert sur fond de crise politique et destiné dans l’esprit de la France et de l’Italie à renforcer la mainmise des États membres sur le dispositif Schengen, le paquet législatif parvient à un résultat différent. D’une part, il a permis d’accélérer l’adoption d’un nouveau mécanisme d’évaluation de mise en œuvre des règles Schengen par les États et d’en renforcer le fonctionnement et l’efficacité. D’autre part, les modifications apportées au Code frontières Schengen délimitent plus précisément les conditions dans lesquelles les contrôles aux frontières intérieures peuvent être rétablis par les États. Enfin, la modification des règles Schengen a été accompagnée par un renforcement du rôle de la Commission européenne et du Parlement européen dans la « gouvernance Schengen ». En fin de compte, cet épisode illustre un phénomène d’intégration où les confrontations entre méthode communautaire et logique intergouvernementale laissent le pas à des équilibres plus subtils. 3 © Ifri Sommaire INTRODUCTION ............................................................................................... 4 LES CONTROLES AUX FRONTIERES INTERIEURES DE L’ESPACE SCHENGEN .............................................................................. 7 L'encadrement des règles existantes : la mise sous tutelle de la clause de souveraineté ................................ 7 Conditions et critères pour la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures .............................................. 8 La procédure de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures .............................................. 9 Le nouveau mécanisme de réintroduction des contrôles frontaliers ....................................................................... 11 Une décision nationale prise « selon une procédure spécifique au niveau de l’Union » ................ 11 Des conditions strictes rendant la mise en œuvre du mécanisme illusoire ? ........................ 14 LE MECANISME D’EVALUATION SCHENGEN ............................................... 16 Une nouvelle répartition des compétences ........................................ 16 L’organisation des évaluations ............................................................ 18 Le champ d'application des évaluations ........................................... 18 Les types d'évaluation ...................................................................... 20 Les effets de l’évaluation .................................................................. 21 CONCLUSION ................................................................................................ 23 BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE ........................................................................ 25 4 © Ifri Introduction En avril 2011, à la suite du « printemps arabe », plusieurs milliers de migrants tunisiens arrivent sur les côtes de l’île italienne de Lampedusa. Face à cette situation, qu’il estime difficile à gérer, le gouvernement italien réclame le soutien de ses partenaires euro- péens. Ne partageant pas la même analyse de la situation, ces derniers ne donnent pas de suite favorable à la requête italienne. Piqué au vif, et sur fond de rhétorique catastrophiste1, le gouvernement italien décide de délivrer aux ressortissants tunisiens des titres de séjour assortis d’une autorisation de voyage. Ces « papiers » sont destinés à permettre aux ressortissants tunisiens de voyager dans l’espace Schengen, et plus précisément de se rendre en France. Or, ces titres de séjour ont été délivrés en violation des règles de libre circulation dans l’espace Schengen fixées dans le Code frontières Schengen. Dans ce contexte, la France rétorque de deux manières. D’une part, elle bloque pour des raisons d’ordre public la circulation de plusieurs trains en provenance de Vintimille et intensifie les contrôles de police à la frontière franco-italienne. D’autre part, elle saisit l’opportunité de contraindre son voisin au comportement juri- diquement contestable à demander avec elle une révision des règles de Schengen. Le 26 avril 2011, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi annon- cent, lors d’une conférence de presse commune, qu’ils ont envoyé une lettre au président de la Commission européenne demandant une révision de la « gouvernance Schengen ». Cette révision devrait comprendre une modification du mécanisme d'évaluation et une modification des conditions permettant le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Le 29 avril 2011, le président de la Commission européenne accède avec une célérité inhabituelle à la requête franco-italienne. Dans un courrier adressé aux présidents français et italien, José Manuel Barroso précise que « le rétablissement temporaire des fron- tières est une possibilité parmi d’autres qui, à condition d’être soumise à des critères spécifiques et bien déterminés, pourrait 1 Le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, avait en effet qualifié la situation de « tsunami humain ». Y. Pascouau / Le paquet « gouvernance Schengen » 5 © Ifri constituer un élément pour renforcer la gouvernance de l’accord Schengen2 ». Dans un climat politique tendu, opposant les différents acteurs nationaux et européens sur l’opportunité de modifier la « gou- vernance Schengen », le Conseil européen de juin 2011 définit le cadre des actions à engager. Il souligne la nécessité de renforcer le système d’évaluation de Schengen et accède à l’hypothèse de créer un nouveau mécanisme de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures. Si le Conseil européen accepte le principe d’un tel méca- nisme, sa mise en œuvre est en revanche encadrée de manière rigoureuse puisqu’elle doit notamment être déclenchée en « dernier ressort » et « à titre exceptionnel3 ». Le cadre ainsi posé, les chefs d’État et de gouvernement invitent la Commission à présenter une proposition législative pour septembre 2011. C’est chose faite le 16 septembre avec une communication intitulée « Gouvernance de Schengen – Renforcer l’espace sans contrôle aux frontières intérieures4 » et deux propositions législatives portant, pour l’une, sur le renforcement du mécanisme d’évaluation de Schengen5 et, pour l’autre, sur le mécanisme de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures6. Même cadrées par le Conseil européen, les propositions présentées par la Commission reflètent un contexte compliqué où les enjeux contradictoires s’affrontent. Au plan matériel, tout d’abord, dans la mesure où la Commission doit assurer le maintien de la liberté de circulation tout en introduisant dans le droit dérivé un nouveau mécanisme de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Chacun conviendra du caractère paradoxal et délicat de la tâche. Au plan fonctionnel, ensuite, étant donné que la Commission va saisir l’opportunité des propositions législatives pour chercher à accroître significativement ses pouvoirs. Or, dans un domaine où les réflexes intergouvernementaux demeurent encore puissants, les propositions de la Commission ont été vécues par les États membres comme une provocation. En a témoigné du reste le 2 Lettre du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, 29.04.2011,<http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/letters/- pdf/20110502_fr.pdf>. 3 Voir les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, doc. EUCO 23/1/11. 4 Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité Economique et Social Européen et au Comité des Régions « Gouvernance de Schengen – Renforcer l'espace sans contrôle aux frontières intérieures », COM(2011) 561 final, 16.09.2011. 5 Proposition modifiée de uploads/Politique/ le-paquet-gouvernance-schengen-les-equilibres-subtils-entre-methode-communautaire-et-logique-intergouvernementale.pdf

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