1 Leçon 1 : Prolégomènes sur l’explication politique L’objectif pédagogique de

1 Leçon 1 : Prolégomènes sur l’explication politique L’objectif pédagogique de ce préliminaire sur l’initiation à la science politique intitulé « prolégomènes sur l’analyse scientifique du phénomène politique » est de fournir aux apprenants des connaissances théoriques et pratiques sur le rapport ordinaire et le rapport scientifique à la politique. Aux termes de la dite leçon, les apprenants devront être à mesure, à partir du stock de connaissances acquis, de comprendre et de mener des travaux de recherche sur : le phénomène politique, les « obstacles épistémologiques » en science politique, et la scientificité de la science politique. D’entrée de jeu, il convient de concéder à Antonin COHEN, Bernard LACROIX, et Philippe RIUTORT, la définition de « la notion de politique » à partir des finalités et des moyens. Selon les auteurs, l’acception première du politique est la définition à partir de ses fonctions. Ici le politique fait référence à une organisation sociale dont la fonction est de définir l’intérêt commun, de conférer une identité aux individus qui la constituent. C’est aussi une organisation sociale dont les fonctions de « division du travail », dans la perspective d’Emile DURKHEIM1, opposent gouvernants et gouvernés. Cette définition du politique à partir des « fonctions intemporelles » ne permet pas de prendre en compte « la genèse des structures matérielles et symboliques historiquement constitués », d’où l’attention portée sur la définition en termes de moyens que Max WEBER fait du politique. Selon Max WEBER la politique c’est le monopole de la violence légitime fondé à la fois sur la chance de faire triompher sa volonté dans une relation sociale peu importe sur quoi repose celle-ci, et sur la chance pour un gouvernement d’obtenir l’obéissance de ses gouvernés. La politique ici est une activité professionnelle, qui s’exerce dans le cadre de l’Etat, come le renseigne à souhait le titre de son ouvrage Politik als Beruf. Le politicien se distingue du savant en ceci qu’il guidé par le jugement de valeur contrastant avec le jugement de prédicat propre au savant. De manière plus approfondie, et à la suite de Max WEBER, l’on est amené à définir la notion de politique à partir de sa genèse et de sa construction. A l’analyse, la genèse de la notion de politique permet de distinguer une trajectoire occidentale et une multiplicité de trajectoires « ailleurs », c’est-à-dire hors de l’occident. La notion de politique dérive, en effet, dans son berceau occidental de quatre mots grecs distincts 1 Emile DURKHEIM, De la division du travail social, Alcan, Paris, 1983. 2 : « polis » signifiant la cité, « politika » signifiant la chose publique, « politea » signifiant régimes politique, et « politikein » signifiant l’art de gouverner. Dans sa tradition française, la notion de politique est entendue à la fois comme « le politique », c’est-à-dire l’organe chargé du destin collectif dans une société, et, « la politique », c’est-à-dire, l’activité de conquête et de conservation du pouvoir. Dans la tradition anglo-saxonne, la notion de politique renvoi à trois termes distincts : à la « politics » c’est-à-dire l’activité de conquête et de conservation du pouvoir, à la « policy », c’est-à-dire à la décision publique, et à la « Polity », c’est-à-dire à l’Etat et aux institutions politiques. La genèse et la dynamique occidentale du politique a souvent servi de ferment aux thèses du déni de tout caractère politique aux sociétés exotiques non occidentales. Pourtant si l’on accorde à nombre d’auteurs, tels Barrington MOORE, l’historicité et la diversité de trajectoire du politique, il apparait que chaque société fait son expérience du politique. Le modèle occidental ne saurait être la matrice absolue de mesure de ce qui est politique et de ce qui ne l’est pas. De plus, nombres de travaux ont pu mettre en lumière des germes du modèle occidental de politique dans les sociétés africaines traditionnelles. D’après Michael TABUWE ALETUM, « la lapidation du candidat au trône » par la population constitue une forme d’élection dans les sociétés de l’ouest Cameroun. Toutefois, la notion de politique n’est pas qu’une donnée naturelle de l’histoire, elle est également construite. A l’observation, la construction de la notion de politique permet de distinguer la « construction structuraliste » selon Pierre BOURDIEU, de la « construction sociale » selon Peter BERGER et Thomas LUCKMANN. Selon Pierre BOURDIEU, la construction du politique est réalisée à travers « l’habitus politique » et « le champs politique ». L’habitus politique faisant référence au système de dispositions durable et transposable dans le domaine politique, et le « champ politique » faisant références au « système de positions et de relations objectives entre les différentes positions politiques. Au-delà du fait que le champ politique comme tous les autres champs s’articule autour de la structure et de la distribution des capitaux, et des luttes pour la conservation et le renversement de l’ordre établi, le champs politique se caractérise spécifiquement2 par « le monopole des professionnels », « compétences, enjeux et intérêts spécifiques », le « double jeu », le « système d’écarts », « les mots d’ordres et idées forces », le « crédit et croyance », les « espèces du capital politique », « l’institutionnalisation du capital politique », et « les appareils ». La construction 2 Pierre BOURDIEU, « La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique », In : Actes de la recherche en sciences sociales, vol 36-37, février-mars, 1981. 3 sociale du politique quant à elle, selon Peter BERGER et Thomas LUCKMAN, permet de voir la force des représentations sociales. Paragraphe 1 : Les rapports ordinaires à la politique L’expression « rapports ordinaires à la politique », qui suppose l’existence de « rapports extraordinaires à la politique », est empruntée à Pierre LEFEBURE3, pour désigner les rapports « commun » et « populaire » au politique. En d’autres termes, il s’agit des rapports « qu’entretiennent les acteurs n’assument pas de statut formalisant leurs activités politiques. Ce ne sont pas les rapports au politique qui sont eux-mêmes ordinaires mais plutôt certaines catégories d’acteurs ». En effet, parce que l’activité politique en termes de conquête et de conservation du pouvoir, ressortie d’abord du commun des hommes, il s’en suit un fort investissement du sens commun. Or comme le souligne fort opportunément Gaston BACHELARD4, « le sens commun pense mal ». Il s’en suit alors, de fait, une érection du sens commun en « obstacles épistémologiques », ces derniers entendus comme, les causes qui obèrent ou qui font régresser la connaissance scientifique. Selon Pierre LEFEBURE, les rapports ordinaires au politique peuvent être expliqués à travers : les enjeux d’une définition extensive du rapport politique (1), les propriétés sociales comme sources des rapports ordinaires au politique (2), et, les situations et les contextes dans l’activation des rapports ordinaires au politique (3). 1. L’enjeu d’une définition extensive du rapport au politique Le rapport « ordinaire » au politique est d’abord fonction du groupe auquel l’acteur appartient. Ce qui fait dire à Pierre LEFEBURE que « la nature des rapports au politique varie substantiellement et systématiquement d’un groupe à l’autre ». Selon le groupe d’acteurs auquel on appartient, notamment le groupe des « acteurs spécifiques » (professionnels, experts, membre d’organisation, et le groupe des « acteurs ordinaires » (sans attache à la sphère politique de l’Etat central des acteurs spécifiques), il sera accordé une capacité de « repérer, nommer et catégoriser en faisant autorité », comme c’est le cas pour les acteurs du premier groupe, ou alors, une injonction « de s’accorder (…) sur les constructions de sens sans quoi [ces acteurs] seront mécaniquement marginalisé et dominés », comme c’est le cas pour les acteurs du second groupe. Toutefois le rapport ordinaire au politique n’est pas que le 3 Pierre LEFEBURE, « Les rapports ordinaires à la politiques », pp 374-388. 4 Gaston BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique, Vrin, Paris, 1934. 4 rapport des de indigènes, des catégories « sans attache à la sphère politique de l’Etat central » des acteurs privilégiés. Le rapport « ordinaire » au politique est aussi fonction « des moments ou des phénomènes dont on pourrait convenir qu’ils établissent un rapport plus finalisé ou plus formalisé au politique ». Ici le rapport au politique n’est plus fonction de la nature des acteurs, mais du degré de formalisation. A titre illustratif, le bain de foule d’un président de la république au cours de sa cérémonie d’investiture. Certes il s’agit d’un acte accompli par une institution, le président de la république, dans l’exercice de ses fonctions, mais il s’agit surtout d’un acte posé en vue de mesurer le degré d’attachement d’un peuple à son leader comme en témoigne le président Nicolas SARKOZY dans ses mémoires : « (…) je descendis et pris un premier bain de foule de président. C’est le moment que j’ai préféré, celui qui de cette journée extraordinaire reste le plus présent dans à mon esprit. J’aime ce contact, cette proximité, cette possibilité de distinguer des visages dans une foule. J’étais président mais je me sentais des leurs. Enfin j’avais réussi uploads/Politique/ les-rapports-ordinaires-a-la-politique-enregistre-automatiquement.pdf

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