Préface La Lettre à un soldat de la classe 60 est un texte assez court écrit pa

Préface La Lettre à un soldat de la classe 60 est un texte assez court écrit par Robert Brasillach après qu’il se fut constitué prisonnier, au camp de Noisy-le-Sec où il fut transféré d’abord, puis à la prison de Fresnes. La Lettre à un soldat de la classe 60 est datée dans ses différentes parties. Elle a été commencée au camp de Noisy-le-Sec dans les premiers jours de novembre 1944 et terminée à la prison de Fresnes le 31 décembre. Rappelons d’abord quelques dates qui figurent dans toutes les biographies de Robert Brasillach. Le jeune écrivain était caché dans une retraite qu’il a décrite lui-même dans le Journal d’un homme occupé. Il y apprit malheureusement l’arrestation de sa mère, prise comme otage. À cette nouvelle, il décida de quitter sa retraite, et, sans consulter personne, se rendit seul à la Préfecture de police dans la journée du 14 septembre 1944. On l’arrêta après quelque hésitation, on l’écroua au Dépôt, d’où il partit vers les premiers jours d’octobre pour le camp de Noisy-le- Sec. Il resta peu de temps dans ce camp. Le Parquet décida de hâter l’instruction de son affaire, le procureur général André Boissarie ayant spécifié que son dossier était « urgent et signalé ». On sait la signification de ces mots en octobre 1944 et leur conséquence vraisemblable1. Il apparait donc que, par cette intervention, M. André Boissarie, catholique, membre du MRP2, magistrat improvisé, 1 C’est-à-dire un procès expéditif, suivie d’une condamnation très lourde, souvent la peine de mort. 2 Le Mouvement républicain populaire (MRP), fondé en 1944, rassemblait les groupes démocrates-chrétiens issus de la résistance. Ce parti fut le grand vainqueur des 1 porte une responsabilité importante dans l’assassinat juridique de Robert Brasillach. L’inculpation fut notifiée dès le mois de novembre et Robert Brasillach fut aussitôt transféré comme prévenu à la prison de Fresnes. La Lettre à un soldat de la classe 60 est une sorte de plaidoyer en réponse aux accusations qui remplissaient la presse nouvelle contre les pétainistes et les collaborateurs. À ce titre, c’est certainement une des premières répliques à cette campagne qui resta d’abord sans réponse : car lorsque ce petit livre parut clandestinement, en juillet 1946, la Revue des questions actuelles3 de René Malliavin et le Combattant européen de René Binet4 n’existaient que depuis très peu de temps5. « Me suis-je trompé ? » se demande l’auteur dès les premières pages. Il répond à cette question qui faisait, à cette date, le fond des objurgations adressées aux « collaborateurs », desquels on exigeait premièrement une auto- critique publique et solennelle. Et il y répond en indiquant déjà, dans cette esquisse d’un testament politique, les principaux thèmes qui seront développés plus tard par les défenseurs des positions mises en accusation. La première partie indique les difficultés que rencontra chez les Allemands eux-mêmes la politique de collaboration, elle reconnait les fautes imputables aux Allemands, rejette sur la guerre elle-même la responsabilité des atrocités commises des deux côtés, et conclut sur les services rendus au pays par l’acceptation de cette politique. élections de 1945 avec le Parti communiste avec lequel il constitua le gouvernement (en compagnie du Parti socialiste). 3 Le mensuel Questions actuelles, fondé en 1944, deviendra rapidement Les Écrits de Paris, sous-titré, « revue des questions actuelles ». René Malliavin fonda quelques années plus tard Rivarol, « l’hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne ». 4 Militant venu du communisme et du trotzkysme, René Binet (1913-1957) rallia le national-socialisme et s'engagea dans la division de la Waffen SS française, la Division Charlemagne durant la guerre. Il poursuivit la lutte, après la défaite de 1945, dans différentes structures (Parti républicain d'unité populaire, Forces françaises révolutionnaires, Mouvement socialiste d'unité française, Mouvement social européen, avec Maurice Bardèche, Jeune nation) et différents journaux (Le Combattant européen, reprenant l’organe dirigé durant la guerre par Saint Loup, Le Nouveau Prométhée). 5 La Lettre à François Mauriac qui porta la discussion devant une large fraction de l’opinion publique ne fut publiée qu’un an plus tard, en juin ou juillet 1947 [Note de Maurice Bardèche]. 2 Ce sont les éléments d’une argumentation devenue classique. Les phases de l’évolution de Brasillach indiquées par lui-même sont d’une application moins générale : elles sont précieuses pour fixer exactement les nuances de sa réaction au national-socialisme. Au début, nous dit-il, il est seulement un « curieux » de l’Allemagne d’avant-guerre. C’est l’époque où il décrit le Congrès de Nuremberg dans un article de la Revue universelle : « Cent heures chez Hitler », dont nous aurons à parler dans la Notice qui précède Notre avant- guerre : curiosité sympathique, si l’on veut, mais non ferveur de militant. Curiosité de nationaliste qui pense au parti que son propre pays pourrait tirer d’un réveil analogue. Puis vient l’époque de Montoire. Après le choc de la défaite, Brasillach accepte la politique de collaboration mais il l’accepte toujours dans la même optique nationaliste, il l’accepte comme une politique nécessaire, c’est un collaborationnisme « de raison ». Mais lorsque l’enjeu de la lutte s’agrandit, quand l’Allemagne apparait comme le défenseur de toute l’Europe contre la marche en avant du communisme, alors Brasillach dépasse le nationalisme qui avait dicté ses précédentes réactions, il comprend la gravité, l’importance pour toutes les nations d’Europe du sacrifice de la jeunesse allemande et, au-delà du nationalisme, la réconciliation sincère de la France et de l’Allemagne lui apparait comme la seule politique de l’avenir. Enfin, je crois qu’on ne comprendrait pas complètement l’attitude de Brasillach à l’égard de l’Allemagne si je ne disais pas que les mois qui ont vu l’écroulement de l’Allemagne sont peut-être ceux qui ont le plus compté dans l’évolution de ce sentiment. On ne peut se tromper au ton de certaines phrases de la Lettre. C’est l’admiration pour l’énergie déployée par l’Allemagne devant la défaite, lorsqu’elle est aux prises avec les deux énormes fronts d’invasion qui se resserrent sur elle, c’est sa défaite wagnérienne, ses souffrances et son martyre qui, aux yeux de Brasillach, effacent les fautes et les déceptions de la « Collaboration » ; et c’est à la fois en nationaliste et aussi en admirateur de la ténacité et de l’héroïsme allemands qu’il conclut par un mot, à cette date, prophétique : « Il faut avoir avec soi ce peuple étonnant. Si nous ne le comprenons pas, Angleterre ou Russie le comprendront. » 3 La mise au point que fait Robert Brasillach sur le fascisme ne mérite pas moins de retenir l’attention. Il comprend ce mot, bien entendu, dans le sens général que lui donne le vocabulaire politique français, sans référence particulière au fascisme italien. Et, à cette occasion, jugeant au passage le fascisme italien, il prend ses distances à son égard par des phrases particulièrement sévères : « Une œuvre de vingt ans extraordinairement caduque... Notre fascisme, ce n’est pas l’Italie. » Sur le national-socialisme, aucun jugement en réalité, omission assurément volontaire. On relève toutefois un vœu remarquable qui contient secrètement une critique : celui d’un fascisme tolérant, ouverture elle aussi intéressante sur l’avenir, puisque ce vœu devait se rencontrer avec l’évolution naturelle du néo-fascisme d’après-guerre. Aucune référence aux « atrocités » allemandes, lacune dont on ne s’étonnera pas puisque ces pages sont datées du milieu de novembre 1944 et qu’elles sont, par conséquent, antérieures à l’époque où les journaux firent connaître la découverte des camps de concentration6. Qu’est-ce donc, pour Robert Brasillach, que le fascisme ? Il ne répond pas plus nettement à cette question que d’autres ne devaient le faire plus tard. Il est clair qu’il reste étranger, comme nous avons pu le constater maintes fois, à toute notion d’une « internationale » fasciste, et même qu’il reste très réservé devant l’idée d’une politique commune aux fascistes des différents pays : il ne dépasse pas le sentiment d’une fraternité des fascistes au-delà des frontières, sentiment que son émotion profonde lors de l’assassinat de Codréanu en Roumanie ou de José-Antonio en Espagne ne permet guère de nier. Mais il s’arrête là, une lettre qu’il écrivit à Lucien Rebatet, au moment de la rupture à Je suis partout, en témoigne assez clairement. Le fascisme n’est donc pas pour Brasillach une doctrine (rien ne l’ennuyait autant que les doctrinaires ou les prétendus penseurs politiques, je ne crois pas devoir le cacher), encore moins un principe capable de se substituer au nationalisme ou même simplement de proposer un ordre nouveau applicable à toutes les nations. 6 Ce n’est pas tout à fait vrai puisque Robert Brasillach semble s’être laissé prendre aux mensonges de la propagande de guerre des Alliés et d’Israël (notamment le passage du 6 novembre). 4 Ce qu’il retient du fascisme, c’est surtout une certaine coloration de l’énergie nationale, une certaine manière moderne de la ressusciter, c’est l’image qu’il s’en était fait avant la guerre et qui trouve son expression la plus complète dans Les Sept Couleurs. Et c’est à ce roman qu’il renvoie manifestement quand il reprend les termes mêmes dont il se servait à cette date : « Le fascisme, il y a bien longtemps que nous avons uploads/Politique/ brasillach-robert-lettre-a-un-soldat-de-la-classe-60-2012.pdf

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