www.marianne.net A, D = 6.30 € - AND, BEL, ITA, LUX, PORT CONT, ESP = 4.70 € -

www.marianne.net A, D = 6.30 € - AND, BEL, ITA, LUX, PORT CONT, ESP = 4.70 € - CAN = 8.60 $ CAN - CH = 7 CHF - DOM = 4.50 € - GR = 5.10 € - MAR = 38 MAD - TOM = 900 XPF - NL = 5.10 € - TUN = 7 DT Bienvenue dans ÇA N’ARRIVERA PEUT-ÊTRE PLUS JAMAIS… RENTRÉE DES CLASSES On a traversé la France vide La farce de la lutte contre les inégalités Numéro 1208 Du 8 au 14 mai 2020 Pas de contacts, pas de restos, pas de matchs, pas de festivals, pas de fêtes de famille... SANS PLAISIR Enquête sur la misère sexuelle en période de “distanciation sociale” UNE VIE © Toby Madden pour Action contre la Faim ALLIANCEURGENCES.ORG URGENCE CORONAVIRUS 6 ONG 1 CLIC 1 DON Pour venir en aide aux victimes en un seul don, Alliance Urgences rassemble les forces de 6 ONG. 8 au 14 mai 2020 / Marianne / 3 p Notre opinion Chers lecteurs, si vous ne trouviez pas Marianne dans votre kiosque préféré, n’oubliez pas qu’il est disponible aussi chaque semaine en PDF sur marianne.net pour 1,99 €. CONTRÔLER DES CRÉTINS OU INFORMER DES HOMMES LIBRES PAR NATACHA POLONY Q ui apprendrait aux hommes à mourir leur appren- drait à vivre. » Cette phrase de Montaigne résonne étrangement à nos oreilles alors que les sociétés occidentales ont redécouvert brutalement la fra- gilité de nos existences. La promesse de progrès continu du bien-être, qui est au cœur du capitalisme consumériste, repose sur un fantasme de toute-puissance et de maîtrise absolue de la nature que le dérèglement climatique et la disparition de la biodiversité avaient déjà largement atta- qué, mais qui se heurte désormais à un virus insaisissable et trompeur. Le premier réflexe fut de s’en remettre entièrement à « ceux qui savent », sans que l’on sache très bien s’il fallait inclure sous cette appellation les praticiens (hospitaliers, bien sûr, car les médecins de ville ont été méprisés tout au long de cette crise), les épidémiologistes (dont la science est celle des projections plus ou moins aléatoires) ou l’administration de la santé (qui a apporté de multiples preuves de sa capacité à prescrire tout et son contraire). Quoi qu’il en soit, l’urgence était non pas d’éviter des millions de morts, le virus ne nous promettait pas une telle hécatombe, mais d’éviter des morts dont nous savions qu’elles étaient évitables. Aujourd’hui se pose la question de notre retour à la vie. Et l’on se gardera de ces discours va-t-en-guerre sur l’héroïsme et les couards. Il est parfaitement légitime de craindre pour soi et pour les siens. Car justement, il n’est pas question du front mais de la vie. Et de la juste mesure entre l’inconscience et la trouille. Entre la stupidité de celui qui croit que la maladie et la mort sont pour les autres et la peur irrationnelle qui bloque un pays entier. Encore cette peur est-elle nourrie par le discours des auto- rités sanitaires, dont on a compris qu’elles nous enfermeraient bien pour les deux prochaines années si cela pouvait éviter de nouvelles contaminations. Nourrie également par les discours menaçants d’un pouvoir politique qui n’a trouvé que ce moyen pour sembler reprendre la main. Interdire et menacer, tout en rejetant la responsabilité sur ceux que l’on menace. « Si vous ne respectez pas les règles, nous vous priverons de déconfinement. Il ne vous appartient pas de juger si vous pouvez marcher sur une plage, mais c’est à vous de décider si vous renvoyez vos enfants à l’école. » Mieux, vous êtes priés de retourner travailler, donc de renvoyer vos enfants à l’école, mais vous ne saurez pas si vous avez eu le virus, car vous n’êtes pas aptes à comprendre ce qu’implique cette information. Le déconfinement, nous avait annoncé le Premier ministre, reposerait sur ce triptyque : « protéger, tester, isoler ». Mais on ne testera que ceux qui ont des symptômes. Le virus pourra donc continuer à circuler tranquillement chez ceux qui sont asympto- matiques. Et pour ceux qui pensent l’avoir eu, il leur sera impossible de faire vérifier l’information puisque les tests sérologiques seront effectués selon des critères extrêmement restreints, alors même qu’on nous explique qu’il est important de comprendre comment progresse l’épidémie. Impossible de savoir si les précautions qu’on a prises ont été efficaces ou non, impossible de déterminer si l’on a été infecté et de quelle manière. On n’osera demander si, une fois encore, cette doctrine absurde a pour unique but de masquer la pénurie. Prière d’avancer, mais dans le noir. Le résultat est déjà visible : ceux qui ont le choix évitent à tout prix de reprendre une activité. Tiraillés par des injonctions contradictoires, ils nourrissent une angoisse parfaitement compréhensible mais dont les conséquences sur la vie écono- mique du pays seront tragiques. On sait déjà que les mesures de distanciation et la mise en place des nombreux gestes barrières feront baisser la productivité dans des proportions incalcu- lables. Mais c’est aussi la consommation, l’activité quotidienne, qui vont encore rester au point mort pour quelques mois. Le rappel de notre condition de mortels doit-il marquer l’« écroulement » de notre civilisation, pour reprendre le mot d’Edouard Philippe ? Sommes-nous devenus à ce point incapables d’accepter notre finitude que nous sacrifiions sans aucun débat le long terme à la préservation immédiate, sans souci du juste équilibre ? Il n’est pas question de faire la leçon à ceux qui sont confrontés concrètement à des arbitrages périlleux sous l’œil obsessionnel des chaînes d’information continue et des réseaux sociaux. Mais un enseignement se dégage. Face à l’incertitude, la démocratie est, contrairement à ce que beaucoup semblent croire, le régime le plus efficace. Parce qu’il postule la responsabilité des individus et les rend maîtres de leurs décisions, autonomes, se fixant leurs propres règles. Rien à voir avec ce néolibéralisme autoritaire qui postule la minorité des citoyens, retient les informations et multiplie les interdits pour mener à la baguette des gens rétifs sur qui pourtant on se défausse pour éviter qu’ils n’intentent des procès. Contrôler des crétins angoissés ou informer et gouverner des hommes libres de leurs décisions souveraines, tel est le dilemme de tout dirigeant. 4 / Marianne / 8 au 14 mai 2020 q L’éditorial de Jacques Julliard LA GAUCHE PEUT-ELLE REVENIR ? L e coronavirus va-t-il permettre à la gauche de renaître de ses cendres ? Depuis l’annonce du déconfinement, un frémissement a gagné toute une classe politique qui rongeait son frein, notamment à gauche. Pour elle aussi, c’est un peu la rentrée des classes. Ce ne sont que conciliabules, manifestes, ébauches de rapprochement. Et si du pire devait sortir le meilleur ? Et si les recettes pour en sortir étaient justement celles que préco- nise traditionnellement la gauche en toutes circonstances : renforcement de l’Etat, et notamment de l’Etat-providence, nationalisations, réquisitions, et l’on en passe. Quelles sont les chances d’aboutir pour un tel mouvement ? Un rappel historique est ici nécessaire. Lors des élections européennes de 2019, la gauche a subi la pire raclée de son histoire. Ses deux grands partis histo- riques, le socialiste et le communiste, n’ont recueilli respectivement que 6,19 et 2,49 % des suffrages exprimés. Si l’on ajoute les 6,31 d’Insoumis, on parvient au total lilliputien de 14,99. Du jamais vu depuis l’instauration du suffrage uni- versel en France, même aux « heures les plus noires de notre histoire ». Il est vrai que l’écologie, 13,47 %, a constitué un vote refuge. Mais qu’est- ce qu’un vote refuge ? Une façon de rester sur place en attendant des jours meilleurs, ou une façon polie de partir sur la pointe des pieds ? N’importe : même si l’on considère que l’ensemble des voix écologistes continue d’appartenir à la gauche, on parvient, après avoir raclé tous les tiroirs, au total de 28,46 % des suffrages exprimés, à peine plus du quart ! Songeons que, lors du raz-de-marée gaulliste de 1958, juste après le retour au pouvoir du Général en sauveur de la République, communistes et socialistes avaient tout de même recueilli 36,1 % des suffrages exprimés. C’est dire l’ampleur du fossé qui s’est creusé au fil des dernières années entre « le peuple de gauche » (fonctionnaires, salariés du privé, petite bourgeoisie) et les partis politiques censés les représenter. 1958-1981 : il fallut vingt-trois ans à la gauche pour remon- ter la pente et faire élire François Mitterrand président de la République. Sauf cas rares dus à des circonstances exception- nelles, les mouvements électoraux sont comme les mouvements de terrain. Ils sont lents et relèvent de ce que l’on pourrait appeler la géologie politique. Autrement dit, cette lenteur semble, si les Français continuaient à se détacher de Macron et du macro- nisme, plaider en faveur de la droite classique, voire de Marine Le Pen, plutôt que de la gauche tout entière. L’exemple du mitterrandisme mais aussi celui du Front popu- laire de 1936 suggèrent que le succès de la gauche est subordonné à trois conditions : l’unité autour uploads/Politique/ magazine-marianne-n-1208-du-8-mai-2020.pdf

  • 30
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager