Le manifeste berbère du 1er mars 2000 Préambule Dieu merci, le Maroc est en tra
Le manifeste berbère du 1er mars 2000 Préambule Dieu merci, le Maroc est en train de sortir d’une situation dans laquelle il se débat depuis le début de son indépendance. Il n’a pu faire mieux, en raison des luttes sans merci que se sont livrés des acteurs politiques, économiques et religieux autour des postes de commandement libérés par l’autorité coloniale. La course à l’enrichissement exacerbant les passions, le jeu a été faussé dès le départ; les protagonistes n’ont pas hésité à recourir à la surenchère, à la ruse, à la manigance, et même à la violence et au meurtre. Certes, ces comportements ont-ils été le produit normal d’une étape déterminée de notre histoire, certes, le manque de maturité politique et le bas niveau culturel des élites de l’époque pourraient-ils expliquer les excès, mais il est maintenant établi que les dommages subis par la nation à cause des affrontements entre politiciens ambitieux et irresponsables, sont à l’origine des blessures profondes que nous essayons ensemble aujourd’hui de panser sur le corps meurtri de la patrie. Grâce à la volonté du peuple dans sa majorité, et à celle d’un roi jeune nourrissant de grands desseins, nous entrons bientôt dans le troisième millénaire par sa grande porte, au même titre que tous ceux qui s’y sont préparés. Résolument et sans fausse honte, nous avons entrepris de réparer nos fautes. L’heure est donc à l’enthousiasme, et à l’action en une mobilisation générale mettant en œuvre les énergies dormantes en notre tréfonds national. Nous nous devons toutefois d’être vigilants au maximum et d’approfondir notre réflexion: l’excès d’enthousiasme et la précipitation portent toujours en eux des germes de désordre. Aussi devons-nous, avant tout, procéder à un recensement et à une catégorisation méthodiques de nos erreurs et de nos fautes des quarante-quatre dernières années. Des événements du moment, apparemment graves ou importants, peuvent accaparer notre attention et soustraire à notre analyse des pulsions conflictuelles à caractère explosif, arbitrairement refoulées en notre subconscient national. L’étape que nous abordons exige courage et lucidité: le diagnostic de nos maux devrait s’inscrire dans une vision stratégique de notre avenir, et ne pas souffrir la moindre erreur. C’est dire que ceux parmi nous à qui revient la charge de nous tracer la voie du futur devraient bannir de leur champ de réflexion haines, rancœurs, petits calculs, et autres chimères idéologiques, puis ne devraient surtout pas oublier de faire entrer en ligne de compte, dans leurs considérations fondamentales, les données de base de notre identité nationale. Il s’agit là d’une exigence pour tout Marocain ayant une conception moderne de la concitoyenneté. Or, de ce point de vue, il est une évidence qui s’impose à l’esprit: le reniement - volontaire ou involontaire - de l’amazighité du Maroc, c’est-à-dire de sa berbérité, hypothèque sérieusement notre avenir. N’ignorent l’existence de ce problème que ceux d’entre nous qui croient l’avoir résolu en en renvoyant chaque fois l’examen aux calendes grecques, ou ceux qui pratiquent systématiquement la politique de l’autruche. C’est pour nous acquitter d’un devoir civique de premier plan que nous avons décidé, nous les signataires du présent manifeste, d’aborder ce sujet tabou et d’en faire l’analyse, estimant ainsi contribuer à garantir la nation de toute dérive humainement prévisible. C’est une vérité notoire de dire que la plupart des élites qui depuis 1956 s’attribuent le monopole du patriotisme et du droit à l’action politique ont tout fait pour imposer silence au grand public sur la question que nous osons poser aujourd’hui, tout comme d’autres ont imposé silence sur les ravages de la misère, de la corruption, du népotisme et de l’arbitraire tous azimuts. La question du reniement de notre berbérité est une grande affaire dont il faut indiquer, pour qu’elle soit bien comprise, tous les tenants et aboutissants, et expliciter les données dans leur complexité et leurs interpénétrations. Aussi nous donnons-nous pour objectif, en guise de préambule, de poser le problème dans son cadre le plus large possible, en en faisant notamment connaître les origines historiques; l’opinion publique serait ainsi à même de comprendre des aspects de l’état présent de notre société marocaine grâce à des éclairages faisant surgir de notre passé des vérités que notre mémoire collective hésite à évoquer, ou que des propagandes bien orchestrées, s’insinuant dans le discours politique, religieux, ou prétendument scientifique, ont obstinément dissimulé aux générations de l’Ère de l’Indépendance. Nous nous proposons de faire tomber des camouflages qui, jusqu’à présent, cachent le fait que l’une des deux grandes dimensions de l’identité marocaine est victime d’un déni pouvant avoir de sérieuses conséquences. L’amazighité a, depuis près d’un siècle, été frustrée de bien des droits. Par le colonialisme européen d’abord. Aussi n’eut-elle point de cesse qu’elle ne l’eût mis dehors, lui qui a eu l’idée saugrenue de vouloir en faire un allié docile et servile. Puis par des courants politiques nationaux qui, par tradition, lui sont demeurés hostiles. Profitant des cafouillages du début de l’Indépendance, ces courants se sont emparés des rênes du pouvoir, se sont octroyé d’immenses avantages moraux et matériels, et ont orienté à leur gré l’information et l’éducation. Ce faisant, ils ont abusé sciemment de la bonne foi des Imazighen, en profitant des rapports de confiance qui s’étaient établis entre tous les patriotes durant la période cruciale du combat politique commun mené de 1930 à 1955. Mais, pour que chaque point dans notre analyse puisse faire l’objet du meilleur éclaircissement possible, nous nous astreindrons d’abord à interroger la période de notre histoire précédant immédiatement l’année 1930, puis à reconstituer l’échiquier politique marocain d’avant 1912, c’est-à-dire d’avant le Protectorat. Un sage européen du siècle dernier n’a-t-il pas dit à juste raison que "Ceux qui ne connaissent pas leur histoire sont condamnés à la répéter"? Plus explicite, un grand homme politique de ce siècle finissant estime pour sa part que "Plus une nation veut explorer son avenir, plus loin elle doit revenir dans son passé". Le temps est donc venu pour que des vérités soient dites, des vérités connues des Berbères, comme des autres Marocains ordinaires, mais officiellement tues à la faveur d’un accord tacite: après sa libération du joug colonial, la nation avait bien besoin d’un répit afin qu’elle puisse reprendre son souffle et laisser le temps à ses composantes de se souder sur des bases socio-politiques modernes suffisamment solides pour que le dialogue et la concertation se substituent aux affrontements violents de jadis. Car, ce que nous Marocains craignons, ou devrions craindre le plus, c’est un retour, toujours possible, de notre pays à son état d’avant 1912. Parmi les vérités à dire précisément, sans ambages, c’est qu’avant 1912 le Maroc se trouvait dans un état lamentable, tant sur le plan politique que culturel et économique, le pire des états que puisse connaître une nation en déliquescence. La cause des causes en a été que les méthodes de gouvernement et de gestion des affaires publiques n’ont pu ni évoluer et se rénover, ni se ressourcer dans le patrimoine spécifiquement marocain hérité des Imazighen, et en partie des Arabes d’avant la Grande Discorde. Avant 1912, il s’observait dans la vie publique une opposition totale entre ce qui était coutumes et traditions berbères où l’on privilégiait le débat entre les membres de la communauté, de quelque taille qu’elle fût, d’une part, et, d’autre part, les méthodes de "gouvernance" léguées à tout le monde musulman non par le Prophète et les califes orthodoxes, mais par les Omeyyades s’inspirant du modèle byzantin, et les Abbassides, ces fidèles copieurs du système persan, des méthodes absolutistes ignorant superbement et la notion de consultation clairement énoncée dans le Coran, et la tendance à l’égalitarisme chez les Arabes d’avant la Révélation. La meilleure preuve pour établir cette vérité historique, d’une extrême importance mais rarement mise en évidence, est le fait que la plupart des régimes politiques dans le monde musulman et arabe en particulier continuent jusqu’à nos jours d’imiter le modèle abbasside en n’ayant d’autres méthodes de gouvernement qu’un despotisme se voulant et se croyant tempéré par le faste et la munificence. Ces régimes sont encouragés à se perpétuer tels qu’ils sont par des kyrielles de lettrés obséquieux, de poètes panégyristes, et d’écornifleurs ayant intelligences avec des camarillas toujours promptes à rappeler le maître à ses devoirs d’homme viril et ferme. Sur ce mode a vécu le Makhzen, des siècles durant, constamment engagé par "ceux qui nouent et dénouent" (entendez les décideurs, c’est-à-dire les privilégiés du pouvoir) à se reproduire fidèlement de sultan en sultan et d’époque en époque sans jamais faillir aux règles de l’absolutisme. Or, il y a eu dans notre histoire marocaine un sultan, et un seul, qui s’est rendu compte de l’absurdité de ce cercle vicieux, et en a compris la cause. Ce fut Moulay Slimane, l’un des sultans les plus cultivés de la dynastie alaouite. Après bien des tribulations, et à l’issue d’une entrevue mouvementée qu’il a eue pendant plusieurs jours en 1822 - 1235 de l’Hégire - avec des notables imazighen farouchement opposés à la politique makhzénienne, Moulay Slimane se rend à cette évidence: les Berbères ne sont pas ces hommes et ces femmes uploads/Politique/ manifeste-amazigh.pdf
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- Publié le Apv 09, 2022
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