— 1 — MISSION D’INFORMATION SUR LE RWANDA SOMMAIRE DES COMPTES RENDUS D’AUDITIO
— 1 — MISSION D’INFORMATION SUR LE RWANDA SOMMAIRE DES COMPTES RENDUS D’AUDITIONS DU 24 MARS 1998 AU 5 MAI 1998 Pages Mardi 24 mars 1998 — Mme Claudine VIDAL , Directeur de recherche au CNRS......................................... 5 — M. André GUICHAOUA , professeur à l’Université de Lille I................................... 23 Mardi 31 mars 1998 — M. José KAGABO , Maître de conférence à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.............................................................................................................................. 39 — Maître Eric GILLET, avocat au barreau de Bruxelles, membre du bureau exécutif de la Fédération interntionale des Ligues des Droits de l’Homme................................... 51 Mardi 7 avril 1998 — M. Jean - Pierre CHRÉTIEN , Directeur de recherche au CNRS................................. 61 — M. Filip REYNTJENS , professeur à l’université d’Anvers....................................... 73 Mardi 21 avril 1998 — M. Edouard BALLADUR , Premier Ministre (1993-1995), Député de Paris.............. 85 — M. François LÉOTARD , Ministre de la Défense (1993-1995), Député du Var.......... 85 — M. Alain JUPPÉ , Ministre des Affaires étrangères (1993-1995), Député de la Gironde............................................................................................................................. 85 — M. Michel ROUSSIN , Ministre de la Coopération (1993-1994)................................ 85 Mercredi 22 avril 1998 — M. Georges MARTRES , Ambassadeur au Rwanda (1989-1993)............................... 117 — M. Jean - Christophe MITTERRAND , Conseiller à la présidence de la République (1986-1992)...................................................................................................................... 131 Mardi 28 avril 1998 — Père Guy THEUNIS, prêtre au Rwanda de 1975 à avril 1994, membre de la Société des missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)..................................................................... 149 — M. Michel CUINGNET , Chef de Mission de coopération au Rwanda (octobre 1992-septembre 1994) ....................................................................................... 163 — M. Patrick PRUVOT , Chef de Mission de coopération au Rwanda (octobre 1987- octobre 1992).................................................................................................................... 177 Mercredi 29 avril 1998 — Général Maurice SCHMITT, Chef d’état-major des armées (1987-1991).................. 187 Mardi 5 mai 1998 — M. Hubert VÉDRINE , Secrétaire général de la présidence de la République (1991-1995), Ministre des Affaires étrangères................................................................. 197 Audition de Mme Claudine VIDAL Directeur de recherche au CNRS (séance du 24 mars 1998) Présidence de M. Paul Quilès, Président Le Président Paul Quilès a annoncé que la mission d’information, composée à parité de membres des Commissions de la Défense et des Affaires étrangères, allait procéder à l’audition de nombreux acteurs et observateurs présents au Rwanda au cours de la décennie écoulée et plus particulièrement lors du génocide d’avril-juin 1994. Il a rappelé que l’investigation qu’elle allait entreprendre avait pour but d’éclaircir l’enchaînement des événements ayant conduit aux massacres perpétrés au Rwanda, en particulier d’avril à juin 1994, de clarifier les bases politiques et juridiques de l’assistance, notamment militaire, apportée à ce pays par la France, d’autres puissances extérieures à la région des Grands Lacs et l’ONU de 1990 à 1994, et d’identifier les missions et l’organisation de commandement ainsi que les relations avec les parties belligérantes des forces françaises déployées dans un cadre bilatéral ou multilatéral. Il a précisé que la mission d’information étudierait en outre les raisons historiques de la politique menée par la France et d’autres pays au Rwanda et qu’elle s’efforcerait de replacer cette politique dans le cadre des crises ayant affecté la région depuis les indépendances. Il a enfin indiqué que la mission examinerait les procédures et modes de décision qui ont régi les différentes modalités d’engagement militaire de la France au Rwanda et qu’elle proposerait, sur la base de cet examen, des mécanismes propres à instaurer plus de transparence et un meilleur contrôle parlementaire des opérations extérieures. Le Président Paul Quilès a ensuite fait état de la lettre qu’il venait d’adresser au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Kofi Annan, pour lui demander de s’exprimer devant la mission sur les réactions de la communauté internationale face au génocide perpétré au Rwanda, après ses récentes déclarations à la presse francophone. Il a précisé que les auditions de la mission seraient, dans la mesure du possible, conduites conformément au plan de travail fixé, dont il a rappelé l’organisation en dix étapes successivement consacrées : — aux facteurs historiques, économiques, sociaux et politiques des crises rwandaises ; — aux origines de la guerre de 1990 ; — aux accords de défense liant la France au Rwanda avant 1990 et au déroulement de l’opération Noroît (1990-1993) ; — à l’évolution politique du Rwanda de 1991 à 1993 ; — à la montée des violences au cours de l’année 1994 ; — à l’opération Amaryllis (9 au 17 avril 1994) ; — au génocide ; — à l’opération Turquoise ; — au rôle de l’ONU ; — aux événements ultérieurs. Il a alors accueilli Mme Claudine Vidal, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la société rwandaise, qu’elle a étudiée sous l’angle de la sociologie historique. Mme Claudine Vidal a, en premier lieu, abordé la problématique des identités ethniques hutue et tutsie au Rwanda en analysant, dans une perspective historique et politique, l’évolution qui a conduit à la mise en place de propagandes ethnistes débouchant sur les haines raciales. Elle a indiqué qu’il n’existait aucun critère objectif de différenciation permettant de distinguer les Hutus des Tutsis qui, de ce qu’on sait de l’histoire rwandaise, occupent un espace commun, partagent les mêmes croyances religieuses et parlent la même langue, fait peu courant en Afrique. Elle a, de surcroît, indiqué que l’affirmation selon laquelle les envahisseurs tutsis auraient fini par dominer les Hutus déjà installés n’avait jamais été démontrée scientifiquement, bien qu’elle ait alimenté toutes sortes de propagande. Elle a indiqué que l’on pouvait certes constater, au sein des populations tutsies, des types physiques correspondant à des traits que possèdent d’autres populations pastorales d’Afrique pratiquant un régime alimentaire lacté. Ces traits peuvent toutefois être observés également au sein de la population hutue en raison, notamment, de la coutume ancienne et fréquente dans le passé des intermariages, l’appartenance tutsie ou hutue découlant de l’ascendance paternelle. Elle a, en revanche, souligné que des critères subjectifs, qui se sont formés et transformés au cours de l’histoire politique du Rwanda, permettaient de dire -Européens et Rwandais l’attestent- que les Tutsis, avant l’arrivée des premiers Européens en 1892, étaient plutôt spécialisés dans l’élevage des bovins, les Hutus restant davantage spécialisés dans l’agriculture. Les observateurs européens ont constaté que le pays comportait une mosaïque de pouvoirs et des organisations sociales différentes selon les régions. Ils ont vu un roi et sa cour, ne contrôlant étroitement que la partie centrale du Rwanda, tandis que les régions périphériques n’étaient guère assujetties qu’à des allégeances symboliques. La dynastie et son entourage étaient des Tutsis, situation dont les conséquences ont été déterminantes pour la suite de l’histoire du Rwanda. Mme Claudine Vidal a toutefois précisé qu’à cette époque précoloniale, les observateurs, s’ils ont évoqué des conflits hiérarchiques ou dynastiques, n’ont pas constaté de conflits d’ordre ethnique, la conscience communautaire étant alors liée aux ensembles formés par les clans et les lignages. Elle a déclaré que les colonisateurs, allemands puis belges, avaient ensuite pris le parti, lourd de conséquences, de maintenir la royauté et de s’appuyer sur l’élite traditionnelle tutsie constituée autour de la monarchie pour en faire une fraction sociale privilégiée aux plans politique, culturel et économique, administrant le pays et occupant les meilleures places, y compris jusque dans la hiérarchie catholique. Par ailleurs, en créant, pour des motifs administratifs, un recensement des agriculteurs et des éleveurs, auxquels on donna une carte d’identité qui les qualifiait respectivement de Hutus ou Tutsis, le pouvoir colonial allait créer, sans le vouloir, des catégories ethniques. Analysant la mise en place du mythe des Tutsis “ race évoluée ” -selon les termes employés à l’époque- faite pour commander les Hutus, elle a indiqué que cette histoire mythique fut, auprès des fractions occidentalisées de la population, entretenue et relayée par les missionnaires, enseignants, administrateurs coloniaux et même ethnologues et universitaires jusqu’à la fin des années soixante. Elle a, en particulier, été utilisée pour justifier des lois coloniales “ néo-coutumières ” en faveur de l’ensemble des éleveurs de bétail, classés comme Tutsis. Après avoir ainsi mis en évidence le processus d’installation de ce qu’elle a nommé le “ piège ethnique ”, Mme Claudine Vidal a ensuite montré la mise en place d’un “ piège raciste ” lors de la décolonisation. A partir de 1956 se sont exprimées les revendications politiques de leaders hutus, jusqu’alors exclus de l’administration et de la participation au pouvoir. Après la proclamation de la République en 1961 et la prise du pouvoir par les Hutus, avec l’aide active des Belges et de l’Eglise catholique, les Tutsis évincés continuèrent à être persécutés par les vainqueurs, non pas en tant qu’ennemis potentiels mais comme “ race ”. Le discours d’incitation à la haine raciale a d’abord été réservé à la fraction extrémiste de la minorité lettrée et occidentalisée, surnommée “ la quatrième ethnie ”, au sein de laquelle de fortes rivalités s’exprimaient pour la conquête ou la conservation du pouvoir et des richesses, mais il fut par la suite repris par les radios et dans les discours publics à l’intention des couches les plus larges de la population. Soulignant que ce sont bien des manipulations politiques qui ont fait de l’appartenance ethnique un critère décisif, Mme Claudine uploads/Politique/ mpir-auditi01.pdf
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- Publié le Jui 11, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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