ASPECTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE EN AFRIQUE FRANCOPHONE. ESQUISSE DE L’OR

ASPECTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE EN AFRIQUE FRANCOPHONE. ESQUISSE DE L’ORGANISATION JURIDIQUE DE LA PARTICIPATION LOCALE, AU BENIN, AU BURKINA FASO ET AU MALI. Article soumis par Ladislas NZE BEKALE Doctorant en droit, université Pierre Mendès France, Grenoble (France) Ancien élève de l’ENA, Administrateur civil (Mairie de Libreville, Gabon) Email : l.nzebekale@gmail.com Mots clés : Décentralisation, démocratie participative, Bénin, Burkina Faso, Mali. Cet article se propose d’analyser l’organisation par le droit, de la démocratie participative, dans trois pays d’Afrique francophone, à savoir, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali. La participation locale a été introduite par les politiques de décentralisation et la bonne gouvernance, initiées au début des années 90, sous l’impulsion des bailleurs de fonds internationaux. Ce mimétisme, sans prendre en compte les subtilités locales, organise la démocratie participative au sein du village et du quartier où se concentre la participation citoyenne aux affaires locales. Elle est mise en difficulté par des pesanteurs sociétales, notamment l’instrumentalisation des organes de participation locale par des autorités traditionnelles. Introduction Les injonctions de démocratisation, de la communauté internationale envers les pays d’Afrique francophone, ont eu pour conséquences la construction d’une démocratie représentative et participative au Bénin, au Burkina Faso et au Mali, et dans d’autres pays du continent. En effet, ces pressions se sont traduites par la conditionnalité qui constitue un ensemble de modalités à mettre en œuvre, en vue de bénéficier de l’aide au développement. Par le biais des conférences nationales et par la volonté mettre en œuvre la démocratie politique et la bonne gouvernance (I), les Etats d’Afrique francophone ont été amenés à introduire la démocratie participative dans le dispositif des réformes institutionnelles. La modernisation de l’Etat sous entendait l’introduction, dans le nouveau paysage institutionnel de la décentralisation territoriale. A partir du modèle français, qui accorde une place importante à la participation citoyenne, qu’ont été initiées ces politiques de décentralisation. De ce fait, l’adaptation de la loi française en Afrique francophone introduisait tacitement la démocratie participative dans les lois de décentralisation du Bénin, du Burkina Faso et du Mali. Ainsi, le droit des collectivités territoriales de ces Etats organise la démocratie participative (II) à partir du village et du quartier qui sont les lieux d’ancrage de la participation citoyenne aux affaires locales. Aussi, cette démocratie participative, a été élargie aux mécanismes classiques de participation locale que sont le droit à l’information, la consultation, la concertation etc. Bien qu’effective, elle se trouve confrontée à quelques difficultés (III) parmi lesquelles l’insuffisance de la participation et l’instrumentalisation des organes de la participation locale en zone rurale. I- Le contexte d’introduction de la démocratie participative au niveau local en Afrique francophone L’avènement de la démocratie en Afrique francophone est lié aux bouleversements politiques qui ont eu lieu en Europe de l’Est et, qui ont été un prétexte pour les bailleurs de fonds internationaux pour exiger la démocratisation du continent africain. A la suite cette reconnaissance de la nécessité du pluralisme politique, les Etats d’Afrique, notamment le Bénin et le Mali ont respectivement organisés une conférence nationale pour préparer le cadre juridique et institutionnel de la démocratie, alors que le Burkina organisait plusieurs réunions pour le même objectif. L’adoption de la démocratie politique comme mode de fonctionnement de l’Etat nécessite une réforme en profondeur. L’Etat unitaire ayant été consacré dans ces pays, son adoption implique une décentralisation territoriale (B), qui peut induire quant à elle la mise en œuvre de la démocratie locale et participative (A), pour permettre aux populations de choisir les conseils et leurs exécutifs, mais aussi pour favoriser une participation aux affaires locales. A- La conditionnalité à l’origine de la démocratie participative au niveau local en Afrique francophone La démocratie et le libéralisme économique se sont imposés au monde comme des principes de l’émancipation politique et économique des peuples à la fin des années 80. Pour les bailleurs de fonds internationaux, la prétention à l’aide au développement est désormais conditionnée par la volonté de libéraliser l’économie et de mettre en œuvre la démocratie. Ces préalables sont des agréments de la bonne gouvernance (1) qui est également un engagement, exigé par les bailleurs de fonds, dans le cadre des politiques de réforme et de modernisation de l’Etat. Ces dernières ont pour objectif, une refonte de la gestion de l’Etat pour l’amélioration de son fonctionnement et enrayer la mauvaise gestion qui mine les pays d’Afrique francophone, à la fin des années 80. Dans ce dispositif de réforme de l’Etat, la décentralisation territoriale (2) tient une place essentielle. 1- La bonne gouvernance comme vecteur de la réforme de l’Etat en Afrique francophone A la suite des recompositions politiques que le monde a connu au cours des années 90, la communauté internationale, notamment les bailleurs de fonds, adoptent un discours visant à réformer les modalités de gestion de l’Etat dans les pays en crise. Dans cette perspective, la conditionnalité est proposée, c’est un «Principe selon lequel, dans le système international, l’octroi d’avantages par les bailleurs de fonds et les organisations internationales (ex. : l’éligibilité à un programme, l’obtention d’un prêt, l’adhésion à un organisme) peuvent être subordonnés à des critères économiques, financiers, politiques ou environnementaux»1. Ainsi, elle introduit une exigence de bonne gouvernance parmi les critères politiques. «La gouvernance désigne le plus souvent les formes contemporaines de régulation collective qui se développent sur la base de relations entre acteurs publics et privés, et dans des cadres institutionnels et territoriaux pluriels…»2. Cette reconfiguration interactive, entre les structures gouvernementales, les acteurs sociaux, privés et la société civile, dont le but est un meilleur fonctionnement de l’Etat à tous les niveaux, impose une refonte de l’organisation globale de l’Etat en Afrique francophone. En effet, la bonne gouvernance se veut d’élargir la participation des acteurs au processus de développement politique et économique. Elle semble 1NAY (O.). (dir.), Lexique de science politique, Paris : Dalloz, 2008, p84 2 Idem, p230 s’appuyer «sur trois concepts clés: décentralisation, transparence et responsabilité»3. Dans ce contexte, la mise en œuvre d’une politique de bonne gouvernance dans les pays d’Afrique francophone, nécessite une reforme profonde de l’Etat, car ce dernier est excessivement centralisé jusqu’au début des années 90, particulièrement au Bénin, au Burkina Faso et au Mali. Les exigences de la communauté internationale pour l’adoption de la bonne gouvernance par les pays en crise auront un écho favorable en Afrique francophone, particulièrement au Bénin, au Burkina Faso et au Mali. Ce choix impose non seulement la création de nouvelles normes de gestion de l’Etat en favorisant la participation de l’ensemble des acteurs de la vie de l’Etat, mais aussi l’introduction de la décentralisation territoriale, cadre d’organisation de la démocratie participative au niveau local. 2- Réforme de l’Etat et introduction de la décentralisation territoriale en Afrique francophone La réforme de l’Etat peut se définir comme étant la «La transformation des institutions politiques afin d’en améliorer le fonctionnement»4. Le débat sur la réforme de l’Etat a été initié par les conférences nationales, au Bénin et au Mali, alors que le Burkina Faso choisissait une option autre. La conférence nationale «s’est présentée comme un vaste forum de toutes les forces vives de la nation permettant de débattre de la crise de l’Etat et d’y remédier, notamment par la restauration de la démocratie pluraliste et la mise en place d’un Etat de droit»5. La démocratisation étant acquise, elle fait de l’élection, du pluralisme politique et de l’Etat de droit, les fondements du fonctionnement politique et institutionnel de l’Etat à mettre en place. Les conférences nationales, du Bénin et du Mali, ont opté pour l’Etat unitaire, même le Burkina qui n’avait tenu de conférence nationale aussi choisi ce modèle. Le choix de l’Etat unitaire implique nécessairement la décentralisation territoriale, étant donné la difficulté de «gérer un Etat moderne à partir d’un centre unique et l’éloignement du lieu de décision des administrés [qui] nuit tant à l’information du pouvoir sur les problèmes réels des citoyens qu’à l’adéquation entre ces problèmes et les décisions qui seront prises. D’où l’existence de modalités d’organisation de l’Etat unitaire: la déconcentration et la décentralisation»6. Sur cette base, «la gouvernance locale sous l’angle de la décentralisation et la gestion territoriale»7 ont constitués des axes prioritaires de la réforme et de la modernisation de l’Etat en Afrique francophone. La décentralisation est une organisation de l’Etat qui confère aux 3 DAHOU (K.), La bonne gouvernance selon la Banque mondiale : au-delà de l’habillage juridique, in TOTTE (M.), DAHOU (T.), BILLAZ (R.), (dir.). La décentralisation en Afrique de l’ouest : entre politique et développement. Paris : Karthala. 2003, p57 4NAY (O.), (dir.) Op. Cit. p454 5KAMTO (M.), «Les conférences nationales africaines ou la création révolutionnaire des constitutions», in DARBON (D.), DUBOIS DE GAUDUSSON (J.) (dir.), La création du droit en Afrique, Paris : Karthala, 1997, p177. 6JACQUE (J.P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 2ème Ed. Paris : Dalloz, 1996, p10 7MAE, l’Action de la DGCID en matière de gouvernance démocratique (2006-2006), Paris, 2007, p2 collectivités territoriales la personnalité juridique, caractérisée par une autonomie de gestion. Cette libre administration est basée sur l’élection des conseils et des organes exécutifs, c’est donc une uploads/Politique/ nze-bekale-ladislas.pdf

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