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1 Nous n’avons volontairement pas corrigé les imperfections de forme qui peuvent apparaître dans chaque copie. Concours interne 3ème épreuve d’admissibilité : Question contemporaine Meilleure copie Note : 17,5/20 Sujet : La démocratie a-t-elle besoin des corps intermédiaires ? Dans La fièvre hexagonale, Michel Winock évoque la rigidité de la société française, notamment dûe selon lui à une certaine faiblesse des corps intermédiaires, qui inclinerait la France à ne pouvoir se réformer en profondeur que par des révolutions. Le mouvement des gilets jaunes, que certains commentateurs ont pu comparer avec les mouvements populaires, motivés par des revendications fiscales ayant conduit à la convocation des états généraux par Louis XVI en 1789, puis à la Révolution française semble illustrer cette rigidité. La démocratie, qui constitue, selon son étymologie, le régime politique au sein duquel le peuple exerce le pouvoir, peut être indirecte, dans le cas où le peuple exerce le pouvoir par des représentants ou directe, s’il l’exerce par une délibération permettant de faire naître la volonté générale, ou par référendum, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution de la Vème République en France. Au-delà des représentants élus par le peuple, les corps intermédiaires incluent toute entité politique, telle que les partis politiques, économique, telle que les fédérations d’entreprise ou les médias, ou sociale, telle que les associations ou les organisations non gouvernementales, qui permettent d’animer et de participer à la vie et aux débats démocratiques. A ce titre, ils constituent des canaux d’expression, mais également des sources de dysfonctionnement ou de trahison potentielle de la volonté du peuple, qui s’exprime par leur intermédiaire. Ils interviennent également en concurrence avec les instruments de démocratie directe qui constituent des moyens pour le peuple de s’exprimer, lui-même directement. Dans la mesure où le bon fonctionnement d’un régime démocratique exige qu’une certaine efficacité de ce dernier soit concilié avec la possibilité pour le peuple de faire respecter sa volonté, quel rôle et quels dangers les corps intermédiaires représentent-Ils pour la démocratie, et quels seraient les moyens d’en optimiser l’utilité ? Capables de représenter les intérêts du peuple, les corps intermédiaires apparaissent éminemment néanmoins au fonctionnement des démocraties, voire même indispensables pour en assurer la survie. (I°) Cependant, les corps intermédiaires peuvent également représenter des risques de confiscation de la parole du 2 peuple et de limitation de l’efficacité du gouvernement, qui rendent souhaitables une régulation des corps intermédiaires, ainsi qu’une meilleure structuration du débat public visant à les y associer plus étroitement (II°). * * * Permettant de canaliser l’impression de la volonté du peuple, les corps intermédiaires demeurent utiles au bon fonctionnement de la démocratie, alors que leur absence ou leur faiblesse risque de mettre la démocratie en péril (I°) Les corps intermédiaires contribuent directement au bon fonctionnement de la démocratie en constituant un instrument d’expression de la volonté du peuple (I° A) Les démocraties, telle que la République française, en application de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, sont fondées sur le principe du gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En démocratie, c’est donc le peuple qui exerce la souveraineté, qui selon Jean Bodin dans Les six Livres de la République permet d’édicter les lois. Les théoriciens du contrat social, tels que Hobbes dans le Léviathan ou John Locke dans le deuxième traité sur le gouvernement civil évoquent la création d’un lien direct entre les citoyens, qui contractent, par peur selon Hobbes, ou par souci de garantir la pérennité d’un gouvernement stable selon Locke, dans le but d’établir un pouvoir politique souverain, auquel ils délèguent leur souveraineté, selon Locke. Dans Du Contrat social, même s’il se montre dubitatif sur la capacité des hommes à vivre en démocratie, en particulier dans les pays peuplés de nombreux habitants, Jean-Jacques Rousseau fait l’éloge de la volonté générale exprimée par le corps social formé des citoyens, qui détiennent la souveraineté. Selon lui, la souveraineté demeure indivisible, inaliénable et absolue. Il prône donc un lien direct exclusif entre les citoyens et le pouvoir politique, qui exclut toute utilité des corps intermédiaires. Au contraire de Jean-Jacques Rousseau, Montesquieu dans De l’Esprit des lois, appelle de ses vœux la formation de corps intermédiaires, en l’occurrence notamment sous la forme de représentants « car le peuple (ne serait) pas du tout propre à discuter des affaires » publiques et donc à gouverner. Les corps intermédiaires, conformément aux préceptes de Montesquieu peuvent en effet collaborer directement et efficacement au fonctionnement de la démocratie. En effet, y contribuent par les trois principaux pouvoirs identifiés par Montesquieu dans la théorie de la séparation des pouvoirs. S’agissant du pouvoir exécutif, les partis politiques, corps intermédiaires qui selon la Constitution de la Vème République contribuent à l’expression de la volonté générale, nomment en leur sein des candidats qui par leur charisme, ont vocation à permettre le triomphe de leurs idées et à asseoir leur légitimité légale - rationnelle selon la terminologie employée par Max Weber dans Le savant et le politique. Les partis politiques, dont sont issus les représentants du peuple au sein du pouvoir législatif, de même que tout autre corps intermédiaire qui souhaite faire entendre la voix d’une partie du peuple, peuvent exprimer leurs idées et les faire défendre par le pouvoir législatif. Celui-ci contribue au contrôle du pouvoir exécutif conformément aux dispositions de l’article 21 de la Constitution et aux préconisations du philosophe Alain dans Propos sur le pouvoir. Selon ce dernier, les modalités de dévolution du pouvoir importe moins que le contrôle exercé sur ce dernier. Ce contrôle peut être exercé par les représentants du peuple comme le préconise Bernard Manin dans Le principe du gouvernement représentatif ou par les corps intermédiaires, le cas échéant par le biais des membres du pouvoir législatif. De plus, les juges constituent eux-même un corps intermédiaire, au sein duquel sont d’ailleurs représentés d’autres corps intermédiaires tels que les syndicats (aux prud’hommes) ou les commerçants (au tribunal de commerce). Les juges participent à l’équilibre des pouvoirs dénommé « checks and balances » aux Etats-Unis, par leur capacité de jurislation, vantée par Portalis, qui leur permet d’adapter le droit à la société pour le bien de la démocratie. 3 Par ailleurs, au-delà du seul fonctionnement du système politique démocratique, les corps intermédiaires contribuent directement au fonctionnement de la société démocratique. A ce titre, les syndicats, compte tenu de leur représentativité définie en France selon les modalités et une loi de 2008, contribuent activement à la démocratie sociale, même si le taux de syndicalisation en France reste inférieur à 15%. Ils siègent au sien du Conseil économique, social et environnemental, au sein duquel ils peuvent faire entendre leur avis au gouvernement. Et, dans les entreprises, ils facilitent l’exercice par les salariés de leurs droits sociaux, en particulier du droit de grève et du droit de participation, qui sont considérés comme des principes particulièrement utiles à notre temps. Les organisations non gouvernementales quant à elles contribuent à promouvoir la défense des droits des individus ou de l’environnement, par leur activité quotidienne, mais également par la représentation des citoyens au sein des instances internationales, telles que le G7 ou les réunions des conférences des partis dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique par exemple. Au regard de l’utilité prégnante des corps intermédiaires, une démocratie dans laquelle ces derniers sont faibles ou absents s’expose au risque de ne pouvoir garantir les libertés de ses citoyens, voire de disparaître (IB) L’exclusivité du lien entre le peuple et son gouvernement, qui est sous-tendue par l’expression de la souveraineté populaire demeure souhaitée par Jean-Jacques Rousseau, qui dans Du Contrat social, considère que dans une démocratie représentative telle que la démocratie britannique, les citoyens sont privés de leurs droits politiques dès qu’ils ont élu leurs représentants. Or, les corps intermédiaires permettent au peuple de ne pas limiter l’expression de sa souveraineté seulement directement vis à vis de son gouvernement, mais de jouir de libertés individuelles, notamment la liberté d’opinion et la liberté d’expression, promue par les médias. Benjamin Constant, dans le principe de politique critique donc le caractère absolu de la souveraineté populaire et appelle au respect des libertés individuelles, à la défense desquelles contribuent les corps intermédiaires. Par ailleurs, les corps intermédiaires, que ce soit les syndicats, les associations ou les médias par exemple, contribuent à animer le débat public. En démocratie, contrairement à ce qu’affirme Carl Schmitt dans La notion du politique le gouvernant souverain ne peut être le seul à disposer du pouvoir de prendre les décisions politiques dans les circonstances et selon les conditions qu’il décide. Les représentants du peuple ou tous les autres corps intermédiaires susceptibles de relayer la formation de la volonté générale, qui doit être exprimée par la loi en application de l’article 6 de la délibération des droits de l’homme et du citoyen de 1789, doivent pouvoir influer sur la décision politique. Dans l’Espace public, Jürgen Habermas considère à ce titre que ce sont les débats publics entendus au sens général du terme qui, en démocratie, du fait du rôle des uploads/Politique/ ci-2019-question-contemporaine.pdf
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- Publié le Mar 29, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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