Cours de philosophie politique Licence 3, semestre 1 : LE POUVOIR Séance de pré

Cours de philosophie politique Licence 3, semestre 1 : LE POUVOIR Séance de présentation du 29/09/2021 • Rappel: 1. Quelques images du pouvoir 2. Quelques remarques sur la notion de pouvoir Lecture d’un texte de Hannah Arendt, extrait de « Qu’est-ce que la violence? » (1972) 3. Y a-t-il une distinction entre pouvoir et autorité ? La réponse de Hannah Arendt La réponse de Max Weber 3. Pouvoir et autorité selon Hannah Arendt 1ère distinction à explorer: le pouvoir et l’autorité. « L’autorité […] peut s’appliquer à la personne – on peut parler d’autorité personnelle, par exemple dans les rapports entre parents et enfants, entre professeurs et élèves – ou encore elle peut constituer un attribut des institutions, comme, par exemple, dans le cas du Sénat romain (auctoritas in senatu) ou de la hiérarchie de l’Eglise (un prêtre en état d’ivresse peut valablement donner l’absolution). Sa caractéristique essentielle est que ceux dont l’obéissance est requise la reconnaissent inconditionnellement; il n’est en ce cas nul besoin de contrainte ou de persuasion. (Un père peut perdre son autorité, soit en battant son fils, soit en acceptant de discuter avec lui, c’est-à-dire soit en se conduisant comme un tyran, soit en le traitant en égal.) L’autorité ne peut se maintenir que tant que l’institution ou la personne dont elle émane sont respectées. Le mépris est ainsi le plus grand ennemi de l’autorité, et le rire est pour elle la menace la plus redoutable. » Hannah Arendt, Du Mensonge à la violence, « Sur la violence », Calmann-Lévy 1972, p. 147 Quels sont les points importants de cet extrait? a) L’autorité est un attribut de la personne ou de l’institution: - l’autorité d’un parent, d’un professeur - l’autorité du Sénat - l’autorité de l’Église b) L’autorité permet d’établir une relation d’obéissance, qui a ceci de spécifique qu’elle ne nécessite ni la contrainte (violence), ni la persuasion (relation d’égal à égal qui passe par le discours rationnel, l’échange d’arguments). c) Ce qui rend possible l’autorité, c’est qu’elle fait l’objet d’une reconnaissance inconditionnelle, c’est-à-dire d’un respect. L’autorité succombe ainsi sous le mépris, elle est menacée par le rire. A) L’expression « auctoritas in Senatu » nous rappelle la provenance latine du concept d’autorité.  Les Grecs ne disposent pas d’un concept de l’autorité.  Chez les Romains, auctoritas (du latin augere: augmenter) # potestas. Référence à Cicéron: « cum potestas in populo, auctoritas in senatus sit »: le pouvoir est dans le peuple, l’autorité réside dans le Sénat. (De Legibus, III, 12, 38). Le Sénat : puissance non d’action ou de décision, mais de conseil. Cf. Theodor Mommsen, Droit public romain: « C’est plus qu’un conseil et moins qu’un ordre, un avis auquel on ne peut passer outre sans dommage » (trad. P.F Girard, Paris, 1891, L.3 p. 231). Remarque: les mots d’origine étrangère (latin compris) doivent être écrits en italique (lorsqu’on utilise un traitement de texte) ou soulignés (lorsqu’on écrit à la main). L’autorité= signe ici du prestige et de l’influence du Sénat, dont on peut difficilement ignorer les conseils. Pourquoi? Du fait, justement, de son « autorité », en tant qu’institution d’hommes sages. En latin, le pouvoir au sens de la domination ou de la coercition: « l’imperium ». ÞL’autorité : l’autre du pouvoir? Si l’on se réfère aux dictionnaires, l’autorité y est définie comme un pouvoir d’agir sur autrui, un droit de commander, un pouvoir, reconnu ou non, d’imposer une obéissance. B) Mais Arendt distingue l’autorité à la fois du pouvoir (au sens qu’elle donne au pouvoir comme « Macht », pouvoir d’agir ensemble) et de la violence (au sens latin d’imperium). Si l’autorité se distingue de la coercition, il faut la distinguer d’une relation d’égal à égal: dans l’autorité, il y a une dissymétrie, une hiérarchie. D’où vient cette hiérarchie? Dans quoi se fonde-t-elle? C) Le fondement de l’autorité se trouve dans l’existence d’un respect pour l’autorité : d’où le fait que ses deux ennemis sont le mépris et le rire (cf. la caricature). Le respect est un sentiment de considération, d’égard, voire de révérence à l’égard d’une personne ou même d’un objet. Le mépris à l’inverse est le sentiment selon lequel on considère une personne ou une chose comme indigne d’estime ou d’intérêt. Il peut aller jusqu’au sentiment de réprobation de la personne ou de la chose. Problème philosophique ÞSi la condition de possibilité de l’autorité, c’est sa reconnaissance comme telle (respect), n’a-t-on pas là atteint le caractère circulaire de l’autorité ? La question est formulée par le philosophe Paul Ricoeur sous cette forme: « Qu’est-ce qui autorise l’autorité? » (in « L’autorité en question », conférence du 2 février 1999). **Autoriser= accréditer, rendre crédible, digne de confiance Constat = tant qu’on n’interroge pas la légitimité de l’autorité, celle-ci ne pose pas problème. C’est dès lors qu’on se met à la questionner qu’on est conduit à se demander de quelle autorité supérieure l’autorité tire sa force. Jusqu’où peut-on aller ? On est conduit nécessairement, si l’on emprunte cette voie, à la recherche de ce qu’en philosophie nous appelons un « fondement ». • Qu’est-ce qu’un fondement? - Ce qui donne à quelque chose sa raison d’être ou son existence ou sa valeur (fondement ontologique); ce qui justifie en raison quelque chose (fondement logique). - Si poser la question « qu’est-ce qui autorise l’autorité? », c’est poser la question de son fondement, il s’agit de comprendre ce qui en rend raison. Questions: en vertu de quelle instance ce droit qu’est l’autorité existe-t- il? D’où l’autorité tire-t-elle sa légitimité? • À cette question, Hannah Arendt répond de façon très précise. Dans « Qu’est-ce que l’autorité ? » (in La crise de la culture), elle explique que l’autorité renvoie à une expérience historique et politique très précise : celle de la fondation de Rome.  Les hommes dotés d’autorité: les « majores », les Anciens, ceux qui l’ont obtenue par héritage et par transmission de ceux qui ont posé les fondations. • Ceux qui ont l’autorité = les « auctores » # les artifices (ceux qui construisent, les fabricateurs). L’auteur: celui qui a inspiré l’entreprise et dont l’esprit est représenté dans la construction elle-même. C’est le fondateur de la construction. La relation auctor/artifex n’est pas une relation maître/serviteur. En effet, rappelons-le, ceux qui ont l’autorité à Rome n’ont pas la potestas (cf. citation de Cicéron). Conclusion : pour Hannah Arendt, l’autorité n’est pas le pouvoir; elle doit sa force à l’expérience de la fondation de Rome; ceux qui ont l’autorité sont les Anciens. • À cette expérience romaine de l’autorité, il faut ajouter une expérience chrétienne. Lorsque l’Église catholique se lance, à partir du Vè siècle, dans sa « carrière politique », elle reprend cette distinction romaine entre autorité et pouvoir: - Elle revendique l’autorité du Sénat et abandonne le pouvoir aux princes du monde. - Le pape Gélase Ier écrit ainsi: « Deux sont les choses par lesquelles ce monde est principalement gouverné : l’autorité sacrée des papes et le pouvoir royal ». • Dernière expérience de la fondation dans le monde moderne: les révolutions. « Les révolutions, que nous considérons communément comme des ruptures radicales avec la tradition, apparaissent dans notre contexte comme des événements où les actions des hommes sont encore inspirées et tirent leur plus grande vigueur des origines de cette tradition » (« Qu’est-ce que l’autorité ? », p. 717)  La réponse de Max Weber (1864-1920) • Max Weber ne distingue pas l’autorité du pouvoir. • A donné une forme aboutie à la réflexion sur les différentes formes de légitimité de l’autorité. ÞCertes, Arendt a raison de dire que Weber identifie le pouvoir à la coercition (au sens d’une relation d’ordre et de commandement). Mais elle néglige deux aspects importants de sa réflexion sur le pouvoir : 1) Weber traite moins du pouvoir que de la domination: il circonscrit ainsi un concept précis, sociologique, du pouvoir ; 2) Sa réflexion sur le pouvoir est toujours une réflexion sur ce qui, dans le pouvoir, est autorisé comme tel : donc, en réalité, selon la distinction faite par Arendt, il réfléchit moins sur la violence pure que sur l’autorité.  L’extrait qu’on va lire est tiré de : M. Weber, « Le métier et la vocation d’homme politique » (1919), in Le savant et le politique, Paris, Plon, 1959, p. 102. L’autorité de « l’éternel hier » ou des coutumes: pouvoir traditionnel du patriarche ou du seigneur terrien. L’autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu (charisme): pouvoir charismatique des prophètes, des chefsd e guerre, etc. L’autorité qui s’impose par la « légalité », c’est-à-dire « la croyance en la validité d’un statut légal » et d’une compétence fondée sur des règles rationnelles: autorité légale-rationnelle. ÞQu’est-ce qui est caractéristique de ces trois formes de légitimité de l’autorité, ou de ces trois fondements de l’autorité? - La première mobilise le ressort de « l’habitude », c’est-à-dire une manière usuelle de faire et d’agir. - La seconde mobilise le ressort de la confiance, c’est-à-dire une forme de croyance spontanée en uploads/Politique/ philopol-l3-pouvoir-se-ance-pre-sentation-2.pdf

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