Si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne : Aspects juridiques et conséquen
Si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne : Aspects juridiques et conséquences des différentes options possibles POLICY PAPER FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D’EUROPE N°355 / 04 MAI 2015 Question d’Europe n°355 04 mai 2015 POLICY PAPER Jean-Claude Piris Paradoxalement, un retrait du Royaume-Uni pourrait se produire précisément au moment où la plupart de ses objectifs en matière de politique européenne sont réalisés: - élargissement de l’Union européenne (UE) sans approfondissement et sans changement des institutions, tout en obtenant un rabais budgétaire ; - préservation des avantages du marché intérieur, en encourageant une politique plus libérale, et en dépit de plusieurs dérogations dans d'autres politiques cruciales de l'UE (euro, Schengen, espace de liberté, de sécurité et de justice) ; - maintien du contrôle national sur les Affaires étrangères et la Défense et du droit de veto dans ces deux domaines, freinant toute initiative de l'UE en la matière, tout en favorisant la libéralisation de son commerce extérieur; - maîtrise accrue du principe de subsidiarité et, enfin, évacuation des symboles fédéralistes. Quoi qu’il en soit, la plupart, voire tous les autres Etats membres, souhaitent que le Royaume-Uni reste membre de l’Union. Leurs gouvernements sont prêts, si besoin est, à l'y aider. Toutefois, ils ont déjà fait clairement savoir que ce ne serait pas à n’importe quel prix. LE CADRE JURIDIQUE Si le Royaume-Uni décidait de se retirer de l’Union européenne, sur quelle base juridique et selon quelle procédure pourrait-il le faire? C'est l’article 50, introduit dans le Traité sur l’Union européenne (TUE) par le Traité de Lisbonne [3], qui le prévoit: 1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. 2. L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. 3. Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai. Résumé : L’hypothèse selon laquelle le Royaume-Uni pourrait quitter l’Union européenne (BREXIT) paraît encore invraisemblable [1] pour la plupart des observateurs. Elle est devenue cependant plus plausible [2]. En effet, le Premier ministre britannique, David Cameron, a promis que, si son parti politique restait au pouvoir à l’issue des élections législatives du 7 mai 2015, un referendum serait organisé sur un possible BREXIT au plus tard à la fin de l'année 2017. 1. Voir le « Baromètre du Brexit », élaboré début 2015 par le think-tank eurosceptique « Open Europe », dont l’ambition est de mesurer la probabilité d’un retrait britannique durant la prochaine législature. 2. Voir Denis MacShane : Brexit, How Britain will Leave Europe, Ed. I.B. Tauris, London, 2015 (234 p.). 3. Le Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009. FONDATION ROBERT SCHUMAN / QUESTION D’EUROPE N°355 / 04 MAI 2015 2 Si le Royaume-Uni quittait l’Union européenne : Aspects juridiques et conséquences des différentes options possibles 4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 5. Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49. Il est établi à l’article 50-1 que la décision de retrait revêt un caractère unilatéral. Elle relève en effet exclusivement de l’Etat membre concerné. Elle ne requiert pas l'accord des autres Etats. Le retrait n’a même pas besoin d’être expliqué ou justifié. La décision est prise par l’Etat membre concerné conformément à ses règles constitutionnelles. La conformité à ces règles ne peut être vérifiée que par les autorités compétentes dudit Etat. Cette vérification aurait certainement lieu avant la notification de la décision de retrait [4]. L'article 50-2 décrit une procédure facultative, laquelle devrait en principe, mais sans obligation juridique, être suivie. Cette disposition permettrait au Royaume-Uni, après avoir notifié son intention au Conseil européen, de négocier un accord de retrait (AR) avec l’UE. Si une telle négociation aboutissait, la date de retrait de l'Union serait celle de la date d’entrée en vigueur de l’AR. Si un AR n’était pas conclu, le retrait deviendrait effectif automatiquement, deux ans après la notification de l'intention du Royaume-Uni au Conseil européen. Dans cette dernière hypothèse (AR non conclu), le Royaume-Uni tenterait certainement de négocier un autre type d’accord avec l’UE, afin d’établir, en particulier, les nouvelles règles auxquelles seraient soumises les relations commerciales entre les deux parties. Idéalement pour son économie, le Royaume- Uni devrait pouvoir, grâce à un tel accord, avoir un accès aussi large que possible au marché intérieur de l’UE (de fait, au marché de l’EEE [5]). Dans tous les cas, quelle que soit l’option retenue, il serait très souhaitable d'agréer au moins quelques mesures de transition [6]. En effet, plus de quarante ans après l’adhésion à la CEE, l’économie du Royaume-Uni et celle du reste de l’UE sont très imbriquées et interdépendantes (échanges commerciaux de biens et de services, investissements réciproques, mobilité des personnes en activité ou à la retraite). En leur qualité de citoyens de l'UE, des millions de citoyens britanniques, actifs ou retraités, résident dans d’autres Etats membres de l’UE, et des millions de citoyens de l'UE originaires d’autres Etats membres vivent au Royaume-Uni. De nombreuses industries et entreprises sont établies à la fois au Royaume-Uni et sur le continent. La densité des flux d’échanges de biens et de services est considérable. Durant la période nécessaire à la négociation, à la signature et à la ratification de l’AR entre l’UE et le Royaume-Uni, ce dernier resterait membre à part entière de l’Union. Les ressortissants britanniques pourraient (en principe) continuer à exercer pleinement leurs droits au sein de toutes les institutions de l'UE. L’article 50, paragraphe 4, du TUE ne prévoit qu'une seule exception: les représentants du Royaume-Uni au Conseil européen (Premier ministre) et au Conseil (ministres), ainsi que dans leurs comités préparatoires (ambassadeurs au COREPER [7], diplomates et fonctionnaires dans les autres comités et groupes de travail) ne seraient pas autorisés à participer du côté de l’UE aux négociations concernant l'éventuel AR. Politiquement, en pratique, il serait fort probable que l’influence réelle du Royaume-Uni sur le fonctionnement de l’UE et sur les décisions prises par ses institutions serait gravement affectée, y compris sur les décisions non liées au retrait. Il est intéressant de noter que, contrairement à ce qui est prévu pour le traité d’adhésion d’un nouvel Etat membre à l'UE (article 49 du TUE), ou pour la révision des Traités sur l’Union (article 48 du TUE), l’article 50 du TUE ne requiert ni le commun accord au Conseil, ni une ratification par les autres Etats membres pour agréer un AR. Et ce, malgré le fait qu’un AR devrait nécessairement être accompagné d'amendements aux Traités sur l’UE, ne fût-ce que pour modifier, par exemple, l’article 52 du TUE qui 4. Le caractère unilatéral et sans condition du droit d'un État membre de se retirer de l'Union européenne résulte clairement de la volonté des auteurs du traité de Lisbonne. Cette intention est confirmée par les discussions de la Convention européenne au sujet de l'article correspondant du projet de Constitution (volume I, CONV 724/03, annexe 2, p.134 ). L'article 50 ne prévoit ni la possibilité ni l'interdiction qu’un État membre change d'avis et annule sa notification de retrait durant le délai de deux ans qui y est mentionné. 5. L'Espace économique européen (EEE) a été créé par plusieurs accords signés en 1992. Il compte à présent 28 États membres de l'UE et 3 des 4 États de l’Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir : l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. L'EEE permet à ces 3 États (EEE AELE) de participer dans une large mesure au marché intérieur de l’UE. La Suisse est membre de l’AELE, mais n’est pas membre de l’EEE. 6. Voir, par exemple, le document de recherche 13/42 de la bibliothèque de la Chambre des Communes, un document de 106 pages publié en juillet 2013 : « Il ne serait pas possible de se retirer du jour au lendemain, par exemple, de la politique agricole commune, sans causer d'énormes problèmes à nos agriculteurs » (p.11). 7. COREPER est l'acronyme de: Comité des représentants permanents des Etats membres. 3 04 MAI 2015 / QUESTION D'EUROPE N°355 / FONDATION ROBERT uploads/Politique/ question-d-europe-fondation-schuman-355-fr-brexit.pdf
Documents similaires










-
37
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 21, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2554MB