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eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports - Janvier 2021 1 VOIE GÉNÉRALE Humanités, Littérature et Philosophie 1re Retrouvez éduscol sur Humanités, Littérature et Philosophie 2DE 1RE TLE VOIE GÉNÉRALE ENSEIGNEMENT SPECIALITE CINNA OU LA PAROLE TRAVESTIE ÉTUDE D’UNE ŒUVRE INTÉGRALE EN ENSEIGNEMENT D’HUMANITÉS, LITTÉRATURE ET PHILOSOPHIE FICHE 1 : PRÉSENTATION Pourquoi proposer la lecture et l’étude de Cinna en HLP ? Une séquence en enseignement de spécialité d’humanité, littérature et philosophie se construit à partir des programmes et peut se fonder sur une ou plusieurs entrées d’un objet d’étude. Le professeur dispose d’une grande liberté dans le choix de ses supports et peut entreprendre de travailler sur des textes, des œuvres d’art, des groupements de textes mais aussi des œuvres intégrales. Les contenus d’enseignement de la spécialité humanité, littérature et philosophie se répartissent en quatre semestres, chacun centré sur une grande dimension de la culture humaniste, donc sur l’un des objets des études rassemblées sous le nom d’humanités. Ce sont : 1. la parole, ses pouvoirs, ses fonctions et ses usages ; 2. les diverses manières de se représenter le monde et de comprendre les sociétés humaines ; 3. la relation des êtres humains à eux-mêmes et la question du moi ; 4. l’interrogation de l’Humanité sur son histoire, sur ses expériences caractéristiques et sur son devenir. L’approche de ces questions s’effectue, pour chaque semestre, en relation privilégiée avec une période distincte dans l’histoire de la culture : 1. de l’Antiquité à l’Âge classique ; 2. Renaissance, Âge classique, Lumières ; 3. du romantisme au XXe siècle ; 4. époque contemporaine (XXe – XXIe siècles). eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports - Janvier 2021 2 VOIE GÉNÉRALE Humanités, Littérature et Philosophie 1re Retrouvez éduscol sur En lien avec l’objet d’étude « Les pouvoirs de la parole », le professeur peut faire lire avec profit la tragédie de Corneille, Cinna, en s’intéressant plus particulièrement au personnage éponyme qui cherche à se forger un destin héroïque, afin de se montrer digne de celle qu’il aime, Émilie. La pièce permet, en effet, d’aborder les trois entrées du programme. Pièce des discours, elle s’offre aisément à un travail sur l’art réglé de la parole et de l’éloquence. On peut ainsi montrer comment la rhétorique antique nourrit l’esthétique de l’Âge classique et identifier, par exemple, les genres et les parties du discours à l’œuvre dans les tirades. La pièce se prête également à une réflexion sur l’autorité de la parole politique, sur les stratégies qu’elle déploie mais aussi ses limites, dans cette pièce où les personnages parlent souvent sans être en état d’agir. Elle conduit, enfin, à s’interroger sur les effets de la parole, sa capacité à séduire et à émouvoir, travestissant par là même les desseins véritables des personnages et leur volonté d’emprise et nous amenant à nous interroger sur l’authenticité des motivations affichées. La pièce de Corneille Lorsque Cinna est représentée en 1642, la France n’est pas un royaume en paix et le temps n’est pas à la clémence. La révolte gronde dans le pays. Les paysans ploient sous les impôts levés pour payer les guerres avec l’Empire et avec l’Espagne et se soulèvent aux cris de « Vive le roi sans la gabelle ». Leur révolte sera écrasée dans le sang. Le souvenir des guerres de religion, qui se sont poursuivies jusqu’en 1629, est encore dans toutes les mémoires. La noblesse reste attachée à l’idée qu’elle est la garante d’un exercice tempéré du pouvoir royal et voit d’un mauvais œil le système du ministériat mis en place par Richelieu qui affaiblit leur rôle. Les grands seigneurs manœuvrent afin d’obtenir faveurs et privilèges, et pour élargir ainsi leur sphère d’influence. Le roi, et surtout Richelieu, malade, sont la cible de plusieurs complots nobiliaires, dont les plus célèbres sont ceux conduits par Chalais, exécuté en 1629, et surtout par Cinq-Mars et de Thou qui perdent la vie en 1642, l’année de Cinna. Le marquis de Cinq Mars, favori du roi, nourrit une forte rancune contre le cardinal qui s’est opposé à un mariage favorable. Avec l’aide de son ami, François-Auguste de Thou, il prévoit l’assassinat de Richelieu avec l’appui des Espagnols. Le complot est découvert et les chefs de la conspiration sont décapités à Lyon en septembre. La tragédie de Corneille a été représentée au début de l’été 1642 ou peut-être en septembre, c’est-à-dire au moment même où l’opinion se passionne pour cette conjuration. L’on comprend dès lors que Cinna résonne étrangement au public de cette année 1642 par l’intrigue que le dramaturge choisit de mettre en scène : Émilie est la fille de Caius Toranius, partisan de Pompée et tuteur d’Octave ; il sera tué par ce dernier lors de sa prise de pouvoir. Tout entière habitée par sa résolution d’assassiner l’empereur Auguste, Émilie charge son amant, Cinna, d’exécuter ce projet. Ce dernier est le petit- fils de Pompée, dont la mort n’a pas été assez vengée par le meurtre de César. À la tête d’une conjuration, et prêt à frapper, Cinna est arrêté par la décision d’Auguste d’abdiquer. Le complot et les conjurés sont découverts par la trahison de l’un des leurs, Maxime, amoureux malheureux d’Émilie. Auguste pardonnera aux conjurés et permettra aux amants de s’unir. Deux des premières pièces de Corneille, Le Cid et Horace, avaient déjà mis en scène des rois cléments pardonnant à Rodrigue le meurtre du Comte et à Horace celui de sa sœur, au nom des actions généreuses conduites au service de l’État. L’intrigue de eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports - Janvier 2021 3 VOIE GÉNÉRALE Humanités, Littérature et Philosophie 1re Retrouvez éduscol sur Cinna présente un double bouleversement de ce schéma : le héros ne commet aucune action glorieuse, pire, il conspire contre l’empereur pour renverser l’État ; pourtant, il sera gracié. L’empereur se propose, en effet, d’abdiquer et de laisser le pouvoir à ceux qui s’apprêtent à le trahir, ouvrant ainsi la voie à une crise de régime. Il se ravisera et reprendra le contrôle de l’empire comme de sa propre vie. Le choix de la clémence, véritable arme politique pour accroître la créance de ceux auxquels elle est accordée, théorisée par Livie, l’épouse de l’empereur, finit d’asseoir de façon durable l’autorité morale de l’empereur et de son pouvoir. Une histoire de la parole travestie Histoire d’amour, de gloire et de trahison, Cinna est aussi celle de la parole travestie d’un héros sans héroïsme. S’intéresser au parcours de ce protagoniste conduit à s’intéresser à l’art et aux pouvoirs de la parole, car Cinna parle mais n’agit pas. Tour à tour séductrice et autoritaire, la parole érige au statut de héros des personnages qui cherchent la gloire par un assassinat et la trouvent en renonçant à lui. Cinna abandonne son projet de meurtre, Auguste pardonne aux conjurés. L’action héroïque est projetée, évoquée, pensée et sert de levier dans le jeu de pouvoir auquel participent les personnages, mais jamais réalisée. Cinna est ainsi la pièce de l’inaction : les héros envisagent un meurtre qui ne sera jamais accompli, Auguste veut abdiquer et céder le pouvoir à ses conseillers ; les personnages sont pétrifiés et contemplent avec effroi leur devoir. Le seul véritable événement, la trahison des conjurés et les préparatifs de fuite de Maxime qui pense convaincre Émilie de le suivre, est regardé avec mépris et sera accompli par un affranchi, Euphorbe, le personnage le plus bas et le plus vil de la pièce. Pourquoi cette pièce sans action après les exploits du Cid et de Horace ? Cette dramaturgie dépouillée de l’action héroïque est propice au déploiement de la parole. Les personnages parlent, tentent de convaincre, d’expliquer et, ce faisant, exposent au public une véritable méditation sur le pouvoir politique. Le théâtre est, en effet, le seul lieu où cette réflexion sur le pouvoir peut prendre place tout en garantissant son innocuité politique. La figure du tyran las des guerres civiles se mue au fil des discours en celle du monarque légitime, lequel peut seul, par-delà les intérêts particuliers, assurer la stabilité politique et la paix. La logique patriarcale de la vengeance du père laisse place à une autre forme de fidélité, celle au monarque légitime, les courtisans deviennent des amis et la clémence assure la pérennité du pouvoir en entraînant une servitude volontaire, comme l’affirme Livie dans la scène finale. La parole se déploie dès lors en vue d’une double stratégie : elle joue de sa puissance de séduction, allant jusqu’à exercer sur les âmes une véritable tyrannie, comme le déclare Cinna à Émilie ; elle est aussi celle qui permet aux personnages de « rentrer en eux-mêmes » et de se connaître en leur permettant d’accéder à la véritable magnanimité cornélienne du dévouement au bien public, après avoir déposé l’esprit de vengeance. Il s’agit pour Auguste de faire le choix du pardon, et, pour Cinna et Émilie, de reconnaître dans le nouveau pouvoir impérial les idéaux républicains qu’ils mettaient en avant. S’il y a une uploads/Politique/ ra21-lycee-g-1-hlp-etude-oeuvre-cinna-fiche1 1 .pdf

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