Refondation de la politique d’Intégration – GT « Connaissance – Reconnaissance

Refondation de la politique d’Intégration – GT « Connaissance – Reconnaissance »  Page 1 Refondation de la politique d’intégration Groupe de travail « Connaissance - reconnaissance » Relevé de décisions rédigé par Chantal LAMARRE, Directrice de Culture Commune – Scène nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais et Murielle MAFFESSOLI, Directrice de l’Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville (Alsace), co-présidentes du groupe de travail « connaissance - reconnaissance », sur la base des apports des membres du groupe de travail, des contributions et des auditions réalisées. En préambule Une richesse en termes d’actions comme de connaissance L'ensemble des connaissances accumulées au fil de ces trois derniers mois, tant grâce aux apports des membres du groupe de travail1 qu’aux contributions2, aux auditions3, à la lecture de nombreux rapports ou ouvrages a permis des échanges particulièrement riches et éclairés sur la « refondation de la politique d'intégration » sous l'angle de la connaissance-reconnaissance. Ce travail a également permis de mesurer l’ampleur et l’ambition des politiques à mettre en œuvre, la nécessité et l’importance de recourir à de nouvelles manières de faire, tout en reconnaissant et en soutenant le travail déjà engagé. De fait beaucoup de cadres juridiques et éthiques existent, déjà ratifiés ou non (« charte européenne des langues régionales ou minoritaires », « charte de la diversité en entreprise », « label diversité »…) ainsi que de très nombreux rapports, ayant déjà donné lieu ou non à concrétisations (rapport Bernard Spitz « Médias et Diversités »4, rapport de Jérôme Bouvier sur les « Médias de proximité et diversité »5), de nombreuses structures et institutions mettent en œuvre des actions au quotidien, un nombre important d'actions artistiques ou culturelles sont menées sur l'ensemble du territoire français à l'initiative de structures culturelles nationales et locales, d'associations nationales, interrégionales, locales soutenues par diverses collectivités et le plus souvent par l'Etat (Ministère de la Culture et de la Communication), et parfois via l’Acse autour de cet enjeu de connaissance et de reconnaissance. Le travail mené à travers les auditions (tout en étant modeste) a certes permis de mettre en exergue cette richesse des actions et initiatives déjà menées. Mais il est également apparu qu’une grande partie d’entre elles sont à l’initiative de la société civile, au niveau de territoires, avec des portées restreintes, insuffisamment reconnues. Par 1 Cf. la liste des membres du groupe de travail en annexe, page 57. 2 Liste en annexe, page 60. 3 Liste des personnes auditionnées en annexe, en page 58. 4 Rapport de la Commission Médias et Diversités présidée par Bernard Spitz, remis à Yazid Sabeg le 27 mai 2010. 5 Rapport rédigé par Jérôme Bouvier, pour le Ministère de la Culture et de la Communication, Juin 2013. Refondation de la politique d’Intégration – GT « Connaissance – Reconnaissance »  Page 2 ailleurs, elles bénéficient le plus souvent de financements ponctuels, parfois menées à titre d’expérimentation avec des montages financiers aléatoires sans réelle perspective d’inscription dans la durée… Enfin elles relèvent assez souvent de la volonté et de l’intérêt de quelques personnes et non des institutions, rendant de fait leur valorisation et leur capitalisation sur la durée quasi impossibles. En ce qui concerne la production de connaissances, le nombre de travaux et d’études de qualité, récents ou plus anciens, soulignent la pertinence de l’érudition dans ce domaine. Le temps imparti pour la réalisation de cette contribution n’a toutefois pas permis d’en prendre toute la mesure mais les analyses produites en sont issues, portées pour partie par les membres du groupe de travail3. La richesse de cet existant (travaux et actions) rend impossible la réalisation d’un état des lieux exhaustif. Les préconisations proposées étant en adéquation avec cet existant, elles peuvent s’avérer incomplètes. L’intégration… un usage en politique publique problématique ! Lors des discussions au sein du groupe de travail, il a été finalement peu question d’intégration, ou de politique d’intégration au sens utilisé par les politiques publiques. Proposer une politique d’intégration repensée suppose de se mettre d’accord sur ce dont on parle. L’intégration, sur un plan sociologique, peut être définie comme un processus visant la participation active des personnes à la société dans une logique interactive. Le terme d’intégration a été fortement mis en avant à partir du début des années 906 renvoyant à une politique qui visait plus particulièrement les immigrés, voire leurs descendants pour la plupart nés sur le territoire national, plutôt qu’à l’ensemble de la société française. Ainsi le caractère dynamique initial de la notion, renvoyant à un enjeu de réciprocité du processus entre toutes les composantes de la société française, a été peu entendu. La notion d’intégration a été cantonnée à une approche normative et unilatérale renvoyée aux seuls « immigrés » et aux personnes considérées (quelles que soient leurs situations) comme migrantes ou descendantes de migrants. La notion d’intégration entendue comme précédemment (c’est-à-dire interrogeant l’ensemble de la société française) peut constituer un enjeu pour les personnes migrantes compte tenu des situations spécifiques auxquelles elles sont confrontées du fait de leur migration, qu'elles soient de leur fait ou de celui de la société dans laquelle elles arrivent. Pour autant l’usage de la notion d’intégration en direction d’autres publics est inadapté. Ainsi, la politique dite d’intégration a perdu sa capacité d’intervention pour deux raisons principales : - elle a été « convoquée » ou a interpellé des publics non concernés par celle-ci (publics jeunes descendant d’immigrés nés en France, jeunes français…) - et elle a, dans sa mise en œuvre, pour grande partie occulté l’intervention auprès de la société dans son ensemble, condition sine qua none, d’une action visant la participation active de tous, dont les migrants, à la société. 6 Pour autant le terme est plus ancien, puisque la notion était déjà utilisée dans le système colonial. Ainsi, Saïd Bouamama, souligne que « le mot intégration n’est en effet jamais autant utilisé par l’État français que lorsque les colonisés réclament l’égalité des droits, l’autodétermination ou l’indépendance - ou, plusieurs décennies plus tard, à partir de 1983, lorsque leurs descendants « marchent pour l’Égalité ». Dix ans de marche des beurs, Desclée de Brouwer, 1994). Refondation de la politique d’Intégration – GT « Connaissance – Reconnaissance »  Page 3 Pour certains sociologues, comme Abdelmalek Sayad, l’intégration ne peut de toute façon pas se définir par une politique car il s’agit d’un « processus inconscient, quasi invisible de socialisation, qui ne peut être uniquement le produit d'un volontarisme politique de la société »7. D’autant que les modalités de mise en œuvre de cette politique et des actions qui en découlent via des organismes et institutions spécifiques (mise en place dans la logique coloniale pour la plupart) ont également eu pour effet une inscription dans le spécifique, en dehors du « droit commun ». Un vécu de stigmatisations lié à des méconnaissances De plus, le terme d’intégration lui-même est mis à mal et souvent réfuté par ceux qui y sont assignés, rendant caduque et inefficace toute action désignée par ce terme. Ce rejet vient du fait que, souvent par abus de langage, par méconnaissance ou confusion, mais aussi du fait de perceptions réductrices ou idéologiques voire de représentations sociales (de l’Autre), la notion d’intégration est renvoyée à certains « descendants d’immigrés » totalement parties prenantes de la société française. Cet amalgame entre des migrants entrant sur le territoire et des Français, filles et fils de descendants d’immigrés8, dont les rapatriés d’Algérie d’origine arabo-berbère ou de personnes originaires d'outre-mer, a chargé la notion d'intégration d'un caractère héréditaire ou filial qui devrait être assumé par toutes les générations futures de familles de migrants et ce, à cause d'un patronyme, d'une couleur de peau, d’une apparence... et comme l'a dit, avec beaucoup de tristesse, une des personnes auditionnées dont la famille est française depuis plusieurs générations « quand arrêtera-t-on de nous parler d'intégration ?». De ce fait, les échanges ont très souvent porté sur la situation faite aux personnes présentes sur le territoire français en particulier celle des descendants d’immigrés, celle de ceux identifiés comme « immigré », « étranger » au regard de leur apparence, de leur couleur de peau et/ou de leur patronyme alors qu’une grande partie voire la majorité d’entre elles sont Françaises. Cette situation rend compte d’une non-reconnaissance de leur statut de « français » et s’accompagne parfois d’une suspicion quant à leur degré d’allégeance à la Nation. Ce ressenti donne lieu à une demande qui leur est adressée d’intégration. Leur présence est considérée, par une partie de la population et par certaines institutions françaises, comme illégitime (donnant lieu à des contrôles d’identité à répétition et en les interrogeant systématiquement sur leur lieu de naissance ou leur pays d’origine). Ces attitudes font état d’une illégitimité qui s’exprime par une assignation à l’origine (réelle ou supposée). Les jeunes sont tout particulièrement concernés par ces processus. D’une part parce que ce sont ceux qui sont les plus visibles et qui expriment le plus leur revendication de reconnaissance mais aussi parce que ce sont ceux qui sont les plus en prise avec la construction identitaire. 7 uploads/Politique/ rapport-connaissance-reconnaissance-pdf.pdf

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