RENÉ DUMONT ' • ope u a mort Le monde est mal parti : chez les pauvres, la fami

RENÉ DUMONT ' • ope u a mort Le monde est mal parti : chez les pauvres, la famine; chez les riches l'asphyxie. t..:égoïsme des nantis fi~~~ nous condamne tous à la mort. ·1 / ...... ' / - 0 - - / 1 \ ..._ SEUIL René Dumont L'utopie ou la mort! Éditions du Seuil 27, rue Jacob, Paris VIe A Suzanne Phi/ippon, à ma compagne, à Béatrice, Catherine, Bernard et Claude. DU Ml!:ME AUTEUR AUX ÉDITIONS DU SEUIL Sovkhoz, kolkhoz ou le problématique communisme, 1964. Chiné surpeuplée, Tiers Monde affamé, 1965. Nous allons à la famine, (en collaboration avec B. Rosier), 1966. Développement et socialismes (en collaboration avec M. Mazoyer), 1969. L'Afrique noire est mal partie, coll. « Politique », 1969. Cuba est-il socialiste ? coll. « Politique », 1970. Paysanneries aux abois : Ceylan Tunisie - Sénégal, coll. « Esprit », 1972. CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS Terres vivantes, coll. « Terre humaine », Plon, 1961. Développement agricole africain, Cahiers du Tiers Monde, P.U.F., 1965. La campagne de René Dumont, J.J. Pauvert, 1974. René Dumont agronome de la faim Robert Laffont, 1974 @ Éditions du Seuil, 1973. Édition mise à jour pour la collection « Politique », 1974. La loi du Il mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation.co1Jective: Toute représentation ou reproduction intég:--ale ou partieHe 1d.ite par quelque procédé que se soit. sans le consentement de l'" auteur ou de ses ayants est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les 425 et suivants du Code pénal. Fin d'une civilisatiOn Je n'ai guère cessé d'être révolté. Je l'étais déjà à 10 ans, en 1914, par l'épouvantable massacre, dû à la stupidité de nos généraux et de nos gouvernants, de Joffre à Poincaré. Adolphe Gauthier, qui avait été député socialiste de Clamecy de 1910 à 1914, m'initia peu après au socialisme, en me sensibilisant aux injustices. Les permissionnaires de 1917 me racontaient les « fusillés pour l'exemple >. Dès 1923-1924, au Maroc et en Tunisie, et surtout de 1929 à 1932, dans la rizière des paysans vietnamiens - alors appelés « Tonkinois > - j'ai pu toucher du doigt la misère des colonisés, la honte de l'oppression coloniale. C'est parce que je n'y pouvais rien, contrairement à ce que je croyais au départ, que je rentrai en France. La lutte contre le néo-colonialisme est la suite logique de celle que nous fûmes trop peu nombreux à mener contre les guerres « françaises >, en Indochine et en Algérie, de 1946 à 1962. Voici 40 ans que j'essaie, par des études sur le terrain, des discussions avec les col- lègues, mon enseignement à I'Agro et en bien d'autres lieux, par des conférences-débats et surtout par mes écrits, de faire prendre conscience aux Français, aux francophones, puis à un plus large public (depuis que je suis traduit), du caractère absolument inadmissible L'UTOPIE OU LA MORT et des injustices fondamentales, à l'échelle mondiale surtout, de notre économie capitaliste : celle du monde qui se vante d'être libre, oubliant volontiers qu'il est d'abord le monde riche. Inadmissible me paraît même devenu bien faible, surtout depuis le bombardement du Vietnam en 1972; et spécialement des digues du fleuve Rouge, fruit d'un millénaire de travail acharné. Et depuis que j'ai lu, notamment, de Barbara Ward et René Dubos, Nous n'avons qu'une terre; du club de Rome, Halte à la croissance; de The Ecologist de Londres, Changer ou disparaître; de Barry Commoner, l'Encerclement; de Robert Lattés, Pour une autre croissance 1 etc. J'ai été véritablement saisi à la gorge par les perspec- tives ainsi évoquées : effondrement total et inéluctable de notre civilisation au cours du prochain siècle (bien des Françaises nées en 1975 peuvent en vivre la pre- mière moitié, d'après leur espérance de vie, 75 ans) si se prolongent les actuelles croissances exponentielles (à intérêts composés) de la population et de la production industrielle. Mais ces livres ne m'ont pas pleinement satisfait, loin de là. Je comprends déjà mal que le club de Rome, émanant de dirigeants de l'économie capitaliste, mais aussi d'écono- mistes et de savants, s'abstienne d'indiquer plus nette- ment les conséquences sociales et politiques qui peuvent déjà se déduire de ses prévisions. Les naturalistes anglais du groupe Ecologist, des scientifiques, auraient dû être plus hardis sur ce terrain. Si Ward et Dubos plaident mieux la cause des pays pauvres, aucun de ces auteurs n'appelle par leurs noms les responsables du drame effroyable qui s'annonce : il le faut pourtant. Pour la première fois dans l'histoire, les plus intelligents des représentants du capitalisme avouent publiquement qu'ils 5 FIN D'UNE CIVILISATION nous mènent à une toute proche catastrophe : il nous faut donc chercher comment sortir vite du système. Car jamais une société humaine n'a perdu, au même point que la nôtre, le contrôle de sa démographie, de sa technologie, de son modèle de consommation, me dit M. Mazoyer. D'autant plus qu'une des conséquences les plus graves de ces recherches n'a pas été suffisamment soulignée. Les pays dits sous-développés, quand ils pourront enfin bâtir, sur leurs ressources, leurs industries lourdes, fer ou aluminium, auront déjà été volés de la plus grande partie de leurs meilleurs minerais, combustibles et car- burants : ce qui leur interdira toute compétitivité et limi- tera terriblement leur capacité d'expansion. Non seule- ment nous nous acheminons vers une rupture brutale de notre type de civilisation, au détriment de nos petits-enfants ; mais nous privons définitivement les pays d'économie dominée, par des gaspillages qui deviennent de plus en plus insoutenables, de tout espoir, de toute possibilité de réel développement. Rostow leur disait qu'il suffisait d'attendre, d'être bien gentils, et qu'ils suivraient sûrement, avec quelque retard, les mêmes étapes de développement. .. Il y a longtemps que le caractère falla- cieux de ses thèses était prouvé (il s'en était du reste chargé lui-même, en conseillant Johnson pour la guerre du Vietnam) : mais voici que des capitalistes en dénon- cent l'erreur fondamentale. Dans une PREMIÈRE PARTIE, après avoir écarté les perspectives quasi démentielles d'Hermann Kahn, nous résumerons les principales menaces : dégradation des sols, malnutritions, épuisement des réserves minérales, surpopulation des riches et surarmements, pollutions de l'air et des eaux, dangers pour les écosystèmes et les climats, etc. Elles rendent inacceptables à moyen terme, 6 L'UTOPIE OU LA MORT même si les données recueillies restent discutables, et l'explosion démographique - mais surtout celle des riches, qui gaspillent et polluent plus - et une crois- sance sans fin de la production industrielle : tout spécia~ lement celle des armements, danger effroyable. Menaces qui vont accroître la misère des pauvres, tandis qu'aug- menteront en parallèles nos richesses et nos gaspillages ; lesquels deviennent ainsi d'insoutenables insultes à leur misère, à leur dignité, et les acculeront à la révolte. Dans une DEUXIÈME PARTIE, nous soulignerons, nous dénoncerons, avec ces gaspillages et ces privilèges, les responsabilités croissantes des pays riches, des écono- mies dominantes. Surtout celles des riches et des puis- sants des pays riches, assassins qui enlèvent les protéines de la bouche des enfants pauvres. L'automobile privée, le gâchis de papier, la publicité, les emballages non consignés etc., seront cités à titre d'exemples d'abus consolidant la misère des autres. Et la généralisation des privilèges excessifs de notre société de consomma- tion, en pays riches seulement, ne sera nullement consi- dérée comme leur justification. Dans la TROISIÈME PARTIE, nous montrerons que les révoltes sont devenues inévitables, en face de notre égoïsme de nantis, dans les pays dominés, qui risquent sans cela d'être condamnés à la misère perpétuelle. Les « révoltés :. devraient éviter le suicide atomique géné- ralisé, mais viseraient la fin des dominations, par une recherche d'indépendance nationale ; par l'organisation d'un front commun, s'efforçant de revaloriser les matières premières, de répudier les dettes, de nationaliser le sous- sol ; jetant ainsi les premières bases d'une économie pla- nétaire ... Dans la QUATRIÈME PARTIE, nous proposerons, pour les pays riches, une mobilisation générale de survie, 7 FIN D'UNE CIVILISATION un état d'urgence, avec une série d' « utopies :. paral- lèles à celles proposées en pays jusqu'ici dominés. Sup- pression des armements, redistribution des revenus, impôts sur l'énergie et les matières premières, recyclage des ressources rares, pénalisation des voitures particu- lières et de l'urbanisation... aboutiraient à redonner à notre agriculture de nouvelles possibilités d'expansion, si elle se proposait enfin l'abondance pour tous. Et les océans seraient protégés, internationalisés ... C'est dans la CINQUIÈME PARTIE que nous abor- derons les problèmes les plus difficiles. Il ne suffit pas de réclamer la fin des dominations et des injustices, l'arrêt de la croissance démographique, il faudrait aussi voir comment on pourrait y parvenir; et nous n'espérons plus guère que l'humanité évitera de profondes catas- trophes. Isoler les responsables, forger l'homme nou- veau, en bouleversant toutes nos conceptions d'ensei- gnement, tout ceci pourrait aider à construire une société humaine, où chacun prendrait sa part des travaux manuels. Il y faut une nouvelle morale, un renouveau de foi, dont la Chine et le Vietnam nous donnent des exemples partiels. La CONCLUSION enfin ne prétend pas uploads/Politique/ rene-dumont-l-x27-utopie-ou-la-mort-seuil-1974.pdf

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