À mes deux trésors, Emma et Natacha, si présentes pour leur papa ; à la mémoire

À mes deux trésors, Emma et Natacha, si présentes pour leur papa ; à la mémoire de mon oncle Pierre, que j’admirais tant. F.L. À Sylvie ; trente ans déjà, trente ans encore ! G.D. « Une culture de l’interrogation ne peut pas être non plus celle du soupçon. Cette distance légitime, c’est celle qui existe entre le pouvoir et le contre- pouvoir, et la proximité à laquelle nous avions pu parfois nous habituer, je pense, n’était bonne ni pour le pouvoir politique, ni pour l’exercice du métier de journaliste. Parce qu’elle a consisté parfois à donner plus de place à des propos d’antichambre qu’aux propos tenus de manière officielle. C’est encore parfois le cas lorsque ces propos d’antichambre continuent d’exister, ça n’est pas une bonne règle démocratique parce que l’exclusivité de cette confidence à un moment saisie finit par prendre plus d’importance que l’expression publique soupesée des dirigeants politiques. La volonté légitime de questionner un texte, une politique, je ne la remettrai jamais en cause, mais cette obsession de vouloir comprendre le contexte pour ne jamais parler du texte ou de l’action n’est pas légitime. Savoir si je prépare mes vœux de jour, de nuit, s’ils seront debout, assis, couchés, n’a aucun intérêt et, je crois pouvoir vous le dire, ce n’est même pas les questions que se posent les Français. C’est donc une question à laquelle je ne réponds pas. » Palais de l’Élysée, 4 janvier 2018. Premiers vœux du président Emmanuel Macron à la presse. Préface LOOKING FOR MACRON « Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent. » George Orwell Au mois d’octobre 1996, le comédien américain Al Pacino marqua les esprits avec la sortie aux États-Unis d’un film documentaire dont il était à la fois le scénariste, le réalisateur et l’acteur principal. Baptisé Looking for Richard (À la recherche de Richard), le long métrage rendait hommage à William Shakespeare, à travers des séquences filmées de Richard III, des extraits de répétitions et autres interviews de comédiens liés à la pièce favorite de l’interprète de Scarface. L’œuvre, parmi les plus fameuses de Shakespeare, décrit l’ascension puis la chute de Richard III, tyran sans scrupule (1452-1485) qui s’ouvrit le chemin du trône d’Angleterre en assassinant ses proches, y compris des membres de sa famille. « J’ai bien l’intention de prouver que je suis un méchant […]. J’ai tramé des intrigues, je suis retors, traître et faux », fait dire le dramaturge anglais à son détestable héros. Trois ans avant Looking for Richard, en 1993, Emmanuel Macron, lycéen à Amiens, 15 ans mais déjà féru de théâtre, montait sur scène, dirigé par une certaine Brigitte Trogneux, sa future femme, de vingt-quatre ans son aînée. Il jouait, déguisement à l’appui, le rôle d’un épouvantail – déjà, le goût du camouflage. Cet ouvrage aurait pu s’appeler Looking for Macron, tant il s’apparente à une quête, celle d’un homme insaisissable – et de sa politique, qui ne l’est pas moins –, prêt à (presque) tout pour conquérir puis conserver le pouvoir. Bien sûr, Emmanuel Macron n’est pas un despote, il n’a pas de sang sur les mains. Mais, à l’instar de Richard III en Angleterre, il s’est emparé de la couronne de France après avoir, sans le moindre état d’âme, piégé et dupé – personnellement comme idéologiquement – une grande partie de ceux dont il semblait proche. Comme Polonius dans Hamlet, ou Macbeth dans la pièce éponyme, tous deux coupables de régicide, il a usé de moyens parfois déloyaux, brisé tous les tabous, afin d’assouvir son inextinguible ambition. Jusqu’à « tuer » le père, le souverain qui l’a fait, ce François Hollande qui, amer mais enfin lucide, confiera un jour : « Il m’a trahi avec méthode. » La « méthode » évoquée par Hollande, mais aussi ses conséquences, sont au cœur du livre-enquête que vous avez entre les mains. Elles ont inspiré ce titre, Le Traître et le Néant, clin d’œil, bien entendu, à L’Être et le Néant, ouvrage fondateur de Jean-Paul Sartre, l’un des papes de l’existentialisme, mouvement philosophique et littéraire selon lequel l’homme n’est pas prédéterminé, mais libre de son destin… Le Traître et le Néant, donc. Évidemment, ce titre choquera, et pas seulement en macronie. Excessif, donc insignifiant, clameront les macronlâtres. Pourtant, après des années d’investigations, il nous a paru résumer à la perfection la trajectoire foudroyante de cet animal politique non identifié. Emmanuel Macron n’a-t-il pas trahi son mentor, puis ses idéaux supposément de gauche, pour accéder à l’Élysée ? Et n’a-t-il pas sciemment fait exploser le décor politique hexagonal, sans jamais songer à le redessiner – il n’est qu’à voir les résultats des élections municipales en 2020 ou régionales en 2021 –, pour promouvoir une action centrée sur sa seule personne, débouchant sur un désert idéologique inédit sous la V République ? En installant un face-à-face vénéneux entre lui et Marine Le Pen, l’apprenti sorcier Macron, qui a poussé l’exercice solitaire du pouvoir à son climax, a pris le risque insensé de placer l’extrême droite comme seule alternative… Nous avons enquêté sur Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou François Hollande, personnalités si différentes, aux idées parfois opposées, mais parfaitement « cernables » sur le plan humain et au positionnement politique identifiable, tracé ; il était donc logique de partir à la recherche de leur étrange successeur. Un homme à la fois évanescent et impalpable. Le premier politicien virtuel, en quelque sorte. Nous n’avons pas souhaité lui demander d’entretiens : une présidence vue de l’intérieur, nous l’avions déjà fait, dans un précédent ouvrage… Et puis, ça tombe bien, il n’avait manifestement pas très envie de nous voir. Nous lui avons simplement adressé une liste de questions portant sur des faits précis ; nous n’avons jamais obtenu de réponse. Le secret lui va si bien. Après tout, comme le notait avec malice Paul Valéry, « la politique, c’est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ». e Il faut l’avouer : nous sommes restés perplexes, malgré nos quelque trente- cinq ans de carrière, devant la fulgurante ascension de l’actuel chef de l’État, déconcertés par ses zigzags idéologiques ; n’étions-nous pas finalement, nous aussi, de cet « ancien monde » tant moqué par lui ? Au terme de plusieurs années de recherches et d’entretiens, cet ouvrage espère lever le voile sur le « mystère Macron » – et sur le macronisme, l’un se résumant à l’autre, et réciproquement. Pour ce faire, nous avons eu accès à de nombreux documents, mis au jour des faits inédits, reconstitué des scènes, interrogé plus d’une centaine de témoins – à l’exception notable des principaux « chapeaux à plumes » de la macronie, qui nous ont d’emblée déclarés personae non gratae. Des consignes, et même des oukazes, ont été proférés en ce sens, cela nous a été confirmé à plusieurs reprises. L’économiste Marc Ferracci, par exemple, joint au téléphone le 16 novembre 2020 : « Je vous aurais volontiers parlé, d’autant que je vous l’avais promis, mais on a reçu consigne aussi bien de l’Élysée que de Matignon de ne pas donner suite à vos demandes, a avoué cet intime du couple Macron. Je n’ai pas le pourquoi du comment, mais j’imagine que c’est lié à votre précédent livre [“Un président ne devrait pas dire ça …”]. Je suis désolé, mais je dois m’inscrire dans un collectif. » On a fait sans lui. Comme sans Macron. Et sans les autres membres de la « garde rapprochée ». Tant pis. Ou, plutôt, tant mieux. Après tout, que nous aurait apporté le témoignage d’un président de la République qui a lui-même intimé aux journalistes de ne pas s’intéresser aux dessous de son action ? Qu’aurait-on pu attendre du premier cercle macronien, peuplé de thuriféraires et/ou de technocrates biberonnés à la langue de bois ? Pour autant, nous avons essayé d’enquêter sans a priori, bien conscients de la responsabilité qui nous incombait, celle de ne pas nourrir le « tous pourris », d’éviter de mettre dans le même sac un républicain et les extrémistes de tout poil. On le sait trop bien, l’action d’un chef d’État ne se résume pas à ses erreurs, ni à ses défauts, et tous les présidents de la République ont eu leurs grands moments. Son désir éperdu d’Europe, comme son activisme sur la scène internationale – en Afrique notamment –, peuvent être mis au crédit de Macron. Il a su, aussi, lustrer l’image économique de la France, ou sauver nombre de PME de la faillite, via le « quoi qu’il en coûte ». Mais notre travail de journalistes est d’éclairer les zones d’ombre. Enquêter, c’est d’abord choisir, assumer les impasses pour s’en tenir à un angle. En l’occurrence, il s’agissait de répondre à cette question majeure qui taraude tant 1 de nos concitoyens : de quoi Macron est-il le nom ? Le tout sur la base de témoignages documentés, « sourcés », comme toujours dans nos investigations. En gardant uploads/Politique/ traitre-et-neant-macron-davet-l-x27-homme.pdf

  • 12
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager