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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 nov. 2021 05:35 Laval théologique et philosophique La théologie politique chrétienne : de la monarchie impériale à la démocratie libérale Pertinence et impertinence de la critique de la théologie politique chrétienne par Peterson Bernard Bourdin Théologie politique Volume 63, numéro 2, juin 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/016787ar DOI : https://doi.org/10.7202/016787ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de philosophie, Université Laval Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval ISSN 0023-9054 (imprimé) 1703-8804 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Bourdin, B. (2007). La théologie politique chrétienne : de la monarchie impériale à la démocratie libérale : pertinence et impertinence de la critique de la théologie politique chrétienne par Peterson. Laval théologique et philosophique, 63(2), 305–327. https://doi.org/10.7202/016787ar Résumé de l'article La thèse du théologien Erik Peterson selon laquelle la théologie chrétienne a rompu avec le problème théologico-politique du paganisme grec et romain et le monothéisme israélite est fondée théologiquement, mais discutable historiquement. C’est à cette analyse critique qu’est consacré cet article par la mise en évidence de catégories spécifiquement chrétiennes d’une théologie politique. Ce sont ces concepts qui déterminent la permanence et la flexibilité d’une théologie politique depuis l’Empire de Constantin jusqu’aux démocraties libérales modernes. Laval théologique et philosophique, 63, 2 (juin 2007) : 305-327 305 LA THÉOLOGIE POLITIQUE CHRÉTIENNE : DE LA MONARCHIE IMPÉRIALE À LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE PERTINENCE ET IMPERTINENCE DE LA CRITIQUE DE LA THÉOLOGIE POLITIQUE CHRÉTIENNE PAR PETERSON Bernard Bourdin Faculté de philosophie Institut Catholique de Paris RÉSUMÉ : La thèse du théologien Erik Peterson selon laquelle la théologie chrétienne a rompu avec le problème théologico-politique du paganisme grec et romain et le monothéisme israélite est fondée théologiquement, mais discutable historiquement. C’est à cette analyse critique qu’est consacré cet article par la mise en évidence de catégories spécifiquement chrétiennes d’une théologie politique. Ce sont ces concepts qui déterminent la permanence et la flexibilité d’une théologie politique depuis l’Empire de Constantin jusqu’aux démocraties libérales mo- dernes. ABSTRACT : Theologian Erik Peterson’s thesis concerning the rupture of Christian theology away from the Greek and Roman pagan theologico-political problem and from Israel’s monotheism is well-founded theologically but historically problematic. This paper offers a critical analysis of this situation by exposing specifically Christian concepts for a political theology. These con- cepts have determined the permanence and flexibility of political theology since Constantine’s Empire up to contemporary liberal democracies. ______________________ INTRODUCTION a thèse d’Erik Peterson, Le monothéisme : un problème politique1 publiée en 1935, dépend indubitablement du contexte national socialiste de l’Allemagne, mais ne saurait pour autant s’y réduire. La réplique de Carl Schmitt 2 dans la deuxième 1. Erik PETERSON, Der Monotheismus als politisches Problem, Leipzig, Jakob Hegner, 1935. La version fran- çaise paraîtra aux éditions Bayard à la fin de l’année 2007 avec notre préface. 2. Carl SCHMITT, Théologie politique, Paris, Gallimard, 1988. L BERNARD BOURDIN 306 Théologie politique de 1969 (neuf ans après la mort de Peterson) et les théologies dites politiques des années 1970 de Johann Baptist Metz et Jürgen Moltmann3 (aux- quelles l’on pourrait ajouter les théologies de la libération), attestent la postérité de l’ouvrage de Peterson. Mais cette postérité n’en est pas moins contrastée en raison, d’une part, de la critique schmittienne de type conservateur de la thèse de Peterson, et d’autre part, de la théologie politique de type protestataire (ou prophétique) par Metz et Moltmann. De façon parallèle à ce débat, la théologie politique a été également l’objet de recherches approfondies par l’historien médiéviste Ernst Kantorowicz4 et le philo- sophe Eric Voegelin5. À l’exception de Carl Schmitt, nous laisserons délibérément de côté ces auteurs pour nous en tenir tout d’abord à la problématique défendue par Peterson et surtout à la critique de la méthode qui inspire son analyse de l’originalité théologique du christianisme. La thèse de Peterson selon laquelle la dogmatique trinitaire et l’eschatologie chrétienne ont dissous toute théologie politique constitue le point nodal à partir du- quel l’argumentation du théologien s’organise. Nous la faisons nôtre dans son prin- cipe, mais nous ferons aussi la critique de cette argumentation trop réductrice, qui ne permet pas, de plus, une conversion de sens de l’expression théologie politique, con- version pourtant vérifiable par l’histoire du christianisme. Cette critique ne vise donc pas à disqualifier cette thèse, mais à la reconsidérer pour mieux en faire valoir la fé- condité, à savoir, comment est possible la mutation d’un ordre politique (celui de la chrétienté) légitimé par l’hétéronomie religieuse, en un ordre politique légitimé par l’autonomie séculière ; ce faisant la question de la compatibilité ou de l’incompati- bilité entre une théologie politique chrétienne et la démocratie libérale peut se poser à nouveaux frais. I. LA PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DE LA THÈSE DE PETERSON La conception de l’originalité du christianisme par Peterson suppose de mettre en évidence deux préalables : l’un d’ordre historique, à savoir les années 1930 durant lesquelles l’Allemagne est dominée par l’idéologie national-socialiste. L’autre est lié au statut de la théologie sur lequel il s’exprime en 1925, alors qu’il est encore protes- tant, dans un article intitulé « Qu’est-ce que la théologie ? ». En substance, il affirme, en opposition à Bultmann, que la théologie est le prolongement de la révélation du logos développée dans le dogme. De même, dans un article publié en 1929 intitulé « L’Église », il expose, entre autres critères, que l’Église n’existe qu’en tant qu’en- voyée aux païens, en raison du refus de croire au Christ. C’est cet envoi aux païens qui justifie pleinement l’universalité du peuple de Dieu qu’est l’Église. 3. Johann Baptist METZ, Pour une théologie du monde, Paris, Cerf, 1971 ; du même auteur, La foi dans l’histoire et dans la société, Paris, Cerf, 1979. Jürgen MOLTMANN, Le Dieu crucifié, Paris, Cerf, Mame, 1974. 4. Ernst KANTOROWICZ, Les deux corps du roi, Paris, Gallimard, 1989. 5. Eric VOEGELIN, Les religions politiques, Paris, Cerf (coll. « Humanités »), 1994. LA THÉOLOGIE POLITIQUE CHRÉTIENNE 307 Lorsque Peterson rédige Le monothéisme : un problème politique en 1935, ces deux préalables se conjuguent. C’est ainsi que le théologien, devenu catholique, s’op- pose catégoriquement aux thèses raciales des nazis et à leur ralliement par les « chré- tiens allemands » ainsi que par les tenants de la « Reichtheologie ». Ceux-ci promeu- vent l’idée selon laquelle il y aurait une continuité du Saint Empire romain germanique au Reich nazi. Il en résulte pour ce courant théologique, l’acceptation de la concep- tion nationaliste du peuple et de l’universel impérial, parfaitement cohérente avec celle du christianisme. Le monothéisme : un problème politique doit donc être claire- ment situé dans ce contexte dramatique au cours duquel Peterson reprend deux articles, intitulés « Göttliche Monarchie » (1931) et « Kaiser Augustus im Urteil des antiken Christentums » (celui-ci étant accompagné d’un sous-titre : « Beitrag zur Geschichte der politischen Theologie », 1933), qu’il fusionne pour donner consistance à sa thèse. La fusion et le remaniement de ces deux articles permettent d’articuler le problème conceptuel de la monarchie divine avec celui, politique, de l’Empire romain (la mo- narchie humaine). La critique de la prétention à une théologie politique chrétienne repose en effet entièrement sur l’analyse du concept métaphysique et cosmologique de monarchia, tout d’abord en provenance d’Aristote pour lequel il n’est pas bon qu’il y ait une pluralité de souverains. Cette conception métaphysique se déplace ensuite chez un disciple anonyme du philosophe, qui considère que Dieu n’est pas lui-même la puissance, mais la clé de voûte de la constitution monarchique du cos- mos. Autrement dit, « le roi règne, mais ne gouverne pas ». Enfin, il revient aux Pères de l’Église de transformer le concept de monarchia à la faveur de la définition de la théologie trinitaire. Pour autant, le rapport à la monarchie (monarchia) universelle impériale romaine est l’objet d’une apologétique, notamment avec Eusèbe de Césa- rée. Père de l’Église contemporain de Constantin, il se fait l’avocat de la conjonction providentielle entre l’universel impérial de l’Empire romain et celui de l’Église. Cette apologétique monarchique est vigoureusement critiquée par Peterson en lui opposant le dogme trinitaire et la conception eschatologique de la paix d’Augustin, celle-ci étant radicalement incompatible avec la paix d’Auguste. Ainsi par le truchement de l’analyse de l’évolution du concept de monarchia et de la critique d’Eusèbe de Césa- rée, Peterson se livre à la dénonciation du ralliement de certains chrétiens au régime nazi. L’adhésion à un chef, un Empire universel et à un peuple (une race) ne saurait être confondue avec l’adhésion à la doctrine trinitaire (Un en trois), à l’universalité de l’Église et au peuple de Dieu. uploads/Politique/bourdin-op-la-theologie-politique-chretienne-de-la-monarchie-imperiale-a-la-democratie-liberale.pdf

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