Etienne Balibar Fabio Bruschi Louis Carré Eva Mancuso Jean-Maurice Rosier Juan
Etienne Balibar Fabio Bruschi Louis Carré Eva Mancuso Jean-Maurice Rosier Juan Domingo Sanchez Estop André Tosel CM CAHIERS MARXISTES · Spinoza, lecteur de Marx Fév.-Mars 2015 244 Les Cahiers Marxistes Référant aux courants marxistes, la revue tend à considérer la société comme totalité; à privilégier donc une approche multidisciplinaire critique et l'articulation entre théories et pratiques sociales. Les engagements y seront assumés comme clé de scientificité ou comme valeur philosophique et morale. La revue se conçoit comme lien entre chercheurs, citoyens actifs et responsables d'organisations sociales et politiques. Elle procède actuellement plutôt par thème. Abonnement pour la Belgique pour l'Union européenne hors Union européenne (5 numéros) 40 EUR 50 EUR 60 EUR au compte BE 91-0011-0476-0076 des CM av. Derache, 94 b.6, 1050 - Bruxelles Ou par carte Visa/ Mastercard Tél I fax: 0032-2-647.91.27 E-mail: cmarx@ulb.ac.be Site web: www.cahiers-marxistes.be Comité de rédaction Mateo Alaluf, Jacques Aron, Claire Billen, Francis Bismans, Albert Carton, Barbara Delcourt, Pascal Delwit, Xavier Dupret, Pierre Gillis, Michel Godard, Serge Govaert, Jean-Jacques Heirwegh, Nadine Plateau, Jean-Maurice Rosier, Christian Vandermotten. Rédacteurs en chefs Pierre Gillis & Michel Godard Mise en page Joe Gorn Les Cahiers Marxistes sont publiés par FREE asbl avec le soutien du GReMSS de l'Institut de Sociologie de l'ULB. QM C A H I E R S MARXISTES • Edita 3 Les tics de Spinoza Jean-Bernard Pouy 11 Variations marxistes sur un thème de Spinoza André Tosel 15 Althusser : le détour par Spinoza Jean-Maurice Rosier 25 Notes sur Spinoza, Marx et le sujet de la politique Louis Carré 31 Le Politique, la Politique : de Rousseau à Marx, de Marx à Spinoza Etienne Balibar 39 Le Spinoza «politique» d'Althusser Matérialité de l'idéologie et transformation subjective Eva Mancuso 53 Faire le vide Intervention intellectuelle et idéologie entre Spinoza et Althusser Fabio Bruschi 67 Althusser et Spinoza. Une redécouverte - marxiste ? - de Spinoza Juan Domingo Sanchez Estop 85 Lectures. 105 Fév.-Mars2015 2 4 4 Spinoza, lecteur de Marx Spinoza est un philosophe bien singulier. Nous sommes prêts à parier plus d'un radis sur l'affirmation qu'il est le seul philosophe figurant dans toutes les histoires de la philosophie moderne, dont le nom est aussi familier aux lecteurs de polars-enfin, à certains d'entre eux. En 1977, dans Les tueurs sont tristes, Steve Knickmeyer (Super Noire, n°65) crée le personnage de Straight, flic reconverti en tueur à gages, qui choisit Oscar Spinoza comme pseudo. Dans La Spinoza connection {The Burglar Who Studied Spinoza, 1980), Lawrence Block met en scène le détective Bernie Rhodenbarr, qui enquête pour démasquer l'assassin d'Abel, son ami adepte de Spinoza. Johnny Spinoza, créatio d'Arnaud Le Gouëfflec, détective privé (qualifié de «ramifié» par son auteur), est le héros d'une parodie de polar flirtant avec la philosophie (Les discrets, Ginkgo éditeur, 2007). Chez Jacques Teissier, dans Le cauchemar de Spinoza (Editions Le Manuscrit, 2010), Spinoza est le surnom du capitaine David Kellerman - ex-prof de philo, qui vient d'intégrer la police criminelle de Montpellier - dont les investigations sont hantées par le fantôme du philosophe judéo-néerlandais né en 1632, et mort jeune, à 45 ans, en 1677. Le problème Spinoza, d'Irvin Yalom, fait dans un genre littéraire différent en confrontant Spinoza à Alfred Rosenberg, idéologue du nazisme, qui a décidément beaucoup de mal à comprendre et admettre l'évidente admiration dont Goethe, son idole, faisait preu à l'égard d'un artisan juif polisseur de lentilles. Dur à avaler p des organisateurs de la solution finale I C'est chez Jean-Bernard Pouy, auteur fétiche de la Série Noire, créateur du personnage du Poulpe aux éditions Baleine, et par ancien prof de philo, que cette singularité est assumée et reve en pleine subjectivité, clairement et avec bonhomie. La Revue littéraire a publié en 1998 une courte mise au point intitulée «Le de Spinoza», dans laquelle Jean-Bernard Pouy expose sans fard l'affection qu'il voue au philosophe, déclaration qui mérite bien un 4 réédition, question de situer le personnage. Il faut dire que ce n'était pas une première de sa part : Jean-Bernard Pouy est l'auteur d'un Spinoza encule Hegel, datant de 1983, dont le titre nous rapproche des préoccupations qui nous ont amenés à ouvrir le chantier qui a débouché sur la livraison des CM que vous avez entre les mains. Chez Pouy, la lutte des classes est détournée en lutte de gangs, motards, valeureux spinozistes tenant de la primauté à l'éthique contre méprisables esthéticiens hégéliens, relent des affrontements idéologiques dont les couleurs ont éclaboussé mai 68. La philo dans la rue : l'époque valait le détour, et elle a laissé des traces. Moins dans la rue, ce n'est pas une surprise, que dans des œuvres qui ont marqué notre formation philosophico-politique. Bien sûr, bien des philosophes se réclament de Spinoza sans pour autant relever d'une unique école de pensée, loin s'en faut. Parmi eux, les chercheurs que Louis Althusser a fédérés, il y a une cinquantaine d'années, ne sont pas les derniers à avoir revendiqué la filiation, dont l'envergure et la centralité continuaient à faire question pour nous. Dans les pas d'Althusser La conjoncture nous a fourni l'occasion de tenter d'éclaircir la question : dans le champ philosophique, la figure de Spinoza, après avoir été victime d'ostracisme et parfois réduite à celle d'un disciple de Descartes, bénéficie aujourd'hui d'un intérêt certain, et plus particulièrement, à nouveau, chez ceux qui se réclament peu ou prou du marxisme. Ce retour à Spinoza, «un Marx sans barbe» comme l'écrivait Plekhanov (à la fin du XIX^ siècle), suscite bien entendu des interrogations au-delà de la distance temporelle qui sépare les deux philosophes. Comment expliquer cette présence de Spinoza dans l'actualité de la recherche marxiste ? Nous avons dès lors adressé quelques questions à des philosophes parties prenantes de cette résurgence dont nous nous réjouissons, en espérant bien que Edito 5 les réponses apportées éclaireraient cette rencontre improbable au départ entre Spinoza et Marx. André Tosel est un protagoniste-témoin de première qualité pour éclairer notre lanterne. Auteur d'importants travaux qui ont marqué le chemin qui relie Spinoza à Marx (travaux souvent cités, d'ailleurs, dans plusieurs des autres contributions que nous avons le bonheur de proposer à votre lecture), André Tosel nous aide utilement à nous y retrouver dans le foisonnement du «spinozo-marxisme», depuis les premières allusions chez Louis Althusser jusqu'aux développements bien plus récents d'un Frédéric Lordon. L'un de nous (Jean-Maurice Rosier) évoque à son tour ce trajet philosophique, en centrant son propos sur Louis Althusser, dont personne ne s'étonnera que la figure soit présente en filigrane ou plus directement dans les pages de notre numéro. Multitude ? Une fois la présentation d'ensemble de la problématique faite, on peut entrer dans une analyse plus détaillée des concepts spinoziens dont des marxistes contemporains - ceux du XX^ siècle, en tout cas - estiment qu'on peut les voir à l'œuvre chez Marx. Le premier thème est celui de la définition du sujet - ou plutôt du non- sujet - de la politique. Louis Carré est très percutant à ce propos, et sa conclusion a la force d'un mot d'ordre : «Prolétariat et 'troupeau', multitude et lumpenproletariat, même combat !». Le prolétariat de Marx, qui ne se laisse pas cerner par une opération classificatoire mode zoologistes des Lumières, est pensé sur le même mode que la multitude dont parle Spinoza. Il rejoint ainsi Etienne Balibar, qui élargit la discussion en y incluant Rousseau et Fichte, dans un article que nous rééditons, datant d'une vingtaine d'années et qui ne fait pas son âge. Balibar y désigne «le problème ou l'objet que Spinoza et Marx ont eu en commun, toute question de sources ou d'influences directes 6 mise à part : le problème des 'masses' et de leur rôle déterminant dans l'histoire». Nous en venons ainsi au second thème, sans doute plus explicitement «althussérien», qui surgit de la difficulté à penser la matérialité des effets idéologiques - que l'intervention de la raison ou de la science n'anéantit manifestement pas. Ni chez Marx, ni chez Spinoza, l'idéologie ne se réduit à l'erreur Cette problématique est au centre de la contribution d'Eva Mancuso («Le Spinoza 'politique' d'Althusser - Matérialité de l'idéologie et transformation subjective»), et elle est largement traitée par Fabio Bruschi («Faire le vide - Intervention intellectuelle et idéologie entre Spinoza et Althusser»), sur un mode plus épistémologique et au départ des catégories dont usait Spinoza, ce qui l'amène à se dire que «si Althusser s'est tellement intéressé à Spinoza, c'est parce que, avant telle ou telle thèse philosophique particulière, il partageait avec lui une même Idée du travail philosophique». Juan Domingo Sànchez Estop le rejoint en évoquant ce que d'aucuns ont appelé leur «marranisme» philosophique - les Juifs d'Espagne, dits marranes, avaient en effet «développé tout un art du double langage et de l'expression entre les lignes qui leur permettait, sous les dehors de leur adscription forcée à l'Eglise catholique, de maintenir certains éléments de la religion Israélite et de l'identité juive». Althusser, face à la direction du PCF, et Spinoza, face aux autorités religieuses et à la philosophie scolastico-cartésienne, ont en commun d'avoir transcendé ce procédé défensif pour lui uploads/Politique/ spinoza-lecteur-de-marx.pdf
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- Publié le Jan 04, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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