SOCIOLOGIE DE L’ACTION PUBLIQUE Jacques Commaille in Laurie Boussaguet et al.,

SOCIOLOGIE DE L’ACTION PUBLIQUE Jacques Commaille in Laurie Boussaguet et al., Dictionnaire des politiques publiques Presses de Sciences Po | « Références » 2019 | pages 576 à 584 ISBN 9782724625110 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/dictionnaire-des-politiques-publiques---page-576.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Face à une vision inspirée par la primauté accordée à l’impulsion gouvernementale, à l’action de l’État et aux interventions des autorités publiques, jusqu’à justifier un « policy scientism » (Ribémont et al., 2018) activée par des policy- makers, s’impose en effet la relativisation d’une approche top-down, caractérisée par une prise en compte à la fois des actions des insti- tutions publiques et celles d’une pluralité d’acteurs, publics et privés, issus de la société civile comme de la sphère étatique, agissant conjointement, dans des interdépendances multiples, au niveau national mais aussi local et éventuellement supranational, pour pro- duire des formes de régulation des activités collectives, par exemple dans les domaines du développement économique, de l’emploi, de l’environnement, de la santé, de l’éducation, de la culture, etc., mais également dans ceux qui relèvent de l’exercice des fonctions réga- liennes (justice, police, etc.). Le choix d’une telle approche justifie qu’il puisse être question d’une sociologie de l’action publique dans la mesure où, précisément, ce ne sont plus seulement les objets traditionnels de la science poli- tique (pouvoir, instances gouvernementales, institutions étatiques, personnel politique et forces partisanes, etc.) qui sont concernés, ce n’est plus « une conception en termes de production étatique » qui importe seulement, mais ce qui se passe au sein même des sociétés dans les interactions multiples, diverses et complexes, qui les 576 Dictionnaire des politiques publiques © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 29/06/2021 sur www.cairn.info par Maria Pinto (IP: 85.241.154.161) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 29/06/2021 sur www.cairn.info par Maria Pinto (IP: 85.241.154.161) structurent, et qui correspond à une « conception en termes de construction collective de l’action publique » (Hassenteufel, 2008). Outre de contraindre ainsi à des positionnements différents en termes de disciplines de sciences sociales, et peut-être également en termes de rapports entre celles-ci et action politique (Payre et Pollet, 2013), ce changement de perspective a plusieurs conséquences du point de vue des schémas d’analyse et des outils théoriques suscep- tibles d’être mobilisés, des questionnements sur les caractéristiques et les déterminants du fonctionnement social, et de ce qui constitue le fondement même du politique, au point que puisse être évoquée finalement la nécessité d’une sociologie politique de l’action publique. Des politiques publiques à l’action publique Par rapport aux États-Unis où existe une tradition d’étude des interrelations entre les pouvoirs fédéraux, régionaux, locaux et urbains justifiant la prééminence d’un modèle pluraliste accordant toute sa place aux approches polyarchiques du pouvoir (Dahl, 1961), et dans un contexte politique et culturel où la place de l’État et de la puissance publique est relativisée dans l’analyse des processus de décision, la sociologie de l’action publique s’est progressivement affirmée en Europe, dans les années 1990, comme une sorte de réac- tion à l’importance accordée jusque-là au rôle de l’État, notamment dans les modes de gouvernement du social (l’État social) (Castel, 1995). Le contexte historique est en effet marqué par la remise en question des modèles de régulation keynésienne, de l’idée d’un pilo- tage centralisé par le haut de l’activité économique et du fonction- nement social. Et cela, en vertu d’un volontarisme politique s’imposant unilatéralement du sommet vers la base, associé à une vision linéaire allant de la conception des politiques publiques, incluant leur mise en œuvre pour aboutir à l’étude de leurs effets dans le cadre d’un processus totalement maîtrisé. L’abandon de la croyance en la centralité de l’État, de ce qu’on a pu appeler un étato- centrisme, est alors mis en relation avec une série de phénomènes qui vont particulièrement affecter un pays comme la France, marqué Sociologie de l’action publique 577 © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 29/06/2021 sur www.cairn.info par Maria Pinto (IP: 85.241.154.161) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 29/06/2021 sur www.cairn.info par Maria Pinto (IP: 85.241.154.161) par le mythe d’un État tout-puissant et surplombant, construit sur l’idée d’unité face à l’hétérogénéité de la société, qui porte à lui seul la préservation du bien commun et de l’intérêt général : la décentra- lisation (qui fait en France écho aux processus de régionalisation engagés dans plusieurs pays européens), l’appartenance à l’Union européenne, la globalisation (les politiques agricoles sont particuliè- rement illustratives de ces jeux complexes entre des contextualisa- tions de différents niveaux multipliant les types d’acteurs, et bouleversent ce qui était d’abord marqué par un système de relations bilatérales parfaitement codifiées entre l’État et les organisations pro- fessionnelles) (Fouilleux, 2000 ; Jobert et Muller, 1987). Il est ainsi question d’une « intégration de la France dans un système écono- mique mondialisé [débouchant] sur une crise de la centralité de l’État qui affaiblit la capacité de l’élite politico-administrative à maîtriser le processus d’élaboration des politiques publiques » (Muller, 2009). Ces trois facteurs contribuent à imposer le poids du local et du supranational dans des représentations qui ne connaissaient que le national. Ainsi, face à une vision monocentrée, hiérarchisée et des- cendante de la décision publique comme instrument d’un État qui planifie, qui incite et qui détermine les objectifs et conçoit les règles, s’impose progressivement l’idée d’une action publique à multi- niveaux impliquant une multiplicité d’acteurs et au sein de laquelle l’État n’est plus qu’un des partenaires participant à sa construction collective (Chevallier, 2017 ; Lascoumes et Le Galès, 2018 ; Hassen- teufel, 2008 ; Ribémont et al., 2018), une des composantes parmi d’autres de cette action publique dont le rôle spécifique est d’autant plus difficile à analyser qu’il est lui-même agi par la complexité et la différenciation de ses organisations, la diversité de ses dispositifs et de ses institutions susceptibles de produire des contradictions internes au champ étatique (cela avait d’ailleurs déjà justifié un intérêt pour l’étude des processus de mise en œuvre et une mobilisation de la sociologie de la décision [Simon, 1983] et de la sociologie des orga- nisations [Dupuy et Thoenig, 1985], plus récemment de la sociologie des professions dans la mesure où l’action publique impose de « nou- veaux types de légitimités professionnelles » à partir d’une définition 578 Dictionnaire des politiques publiques © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 29/06/2021 sur www.cairn.info par Maria Pinto (IP: 85.241.154.161) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 29/06/2021 sur www.cairn.info par Maria Pinto (IP: 85.241.154.161) du travail des agents « qui n’est plus la déclinaison d’une règle figée » [Le Bianic et Vion, 2008]). De ce constat découle celui d’un déplacement d’une régulation centralisée vers une régulation multipolaire, marquée par la démul- tiplication et la polycentricité des niveaux d’action, une polyarchie institutionnelle, avec de fortes interdépendances entre des acteurs nombreux et différenciés, aux intérêts divergents sinon antagonistes. C’est ainsi qu’il peut être question d’une contractualisation et d’une « procéduralisation » de l’action publique (Gaudin, 2004) signifiant par là que celle-ci ne se réduit pas à l’application de règles produites une fois pour toutes en amont, mais que ces règles naissent de dis- cussions, de délibérations et de négociations (par exemple dans le cadre de forums) entre des acteurs situés à différents niveaux, cela tout au long du processus concerné. De même, l’accent peut être mis sur le rôle des normes dans l’action publique, celles-ci conçues « en termes de règles d’un jeu ouvert » (Lascoumes et Le Galès, 2018), ces normes parmi lesquelles les dispositifs juridiques sont analysés aussi comme des instruments (Halpern, Lascoumes et Le Galès, 2014) ou encore comme des ressources revendiquées ou appropriées par des acteurs sociaux jusqu’à suggérer un passage de l’État de droit à l’« État des droits » (Baudot et Revillard, 2015). Il en est de même pour la notion de territoire (Wachter, 1989 ; Commaille, 2000), ce qui cor- respond à la uploads/Politique/commaille-sociologie-d-x27-action-publique.pdf

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