L’A C T UA L I T E D U D R O I T D E L’ U N I O N E U R O P E E N N E • J U S T

L’A C T UA L I T E D U D R O I T D E L’ U N I O N E U R O P E E N N E • J U S T I C E , L I B E R T E E T S E C U R I T E Actualité du droit de l’Union européenne 87 faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, la Cour rap- pelle qu’un tel contrôle n’est pas à lui seul de nature à écarter le risque de voir cette personne être soumise, à la suite de sa remise, à un traitement incompatible avec l’article 4 de la Charte à raison de sa détention. Ainsi, les autorités d’exécution restent tenues de procéder à un examen individuel de la situation de chaque per- sonne concernée afin de s’assurer que leur décision sur la remise de cette personne ne lui fera pas courir, en raison desdites conditions, un risque réel de subir un traitement inhumain ou dégradant. ● Sur la prise en compte de considérations rela- tives à l’efficacité de la coopération judiciaire en matière pénale ainsi qu’aux principes de confiance et de reconnaissance mutuelles Selon la Cour, le caractère absolu que revêt la prohi- bition des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte, s’oppose à ce que le droit fondamental à ne pas être soumis à de tels trai- tements puisse être, d’une quelconque façon, limité par des considérations liées à l’efficacité de la coopé- ration judiciaire en matière pénale ainsi qu’aux prin- cipes de confiance et de reconnaissance mutuelle. La nécessité de garantir que la personne concernée ne soit soumise à aucun traitement inhumain ou dégradant jus- tifie, à titre exceptionnel, une limitation aux principes de confiance et reconnaissance mutuelles. Partant, la Cour dit pour droit que l’article 1er §3 de la décision-cadre, lu en combinaison avec l’article 4 de la Charte, doit être interprété en ce sens que, lorsque l’autorité judiciaire d’exécution dispose d’éléments objectifs fiables précis et dûment actualisés attestant de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées des conditions de détention au sein des établissements pénitentiaires de l’Etat membre d’émission d’un mandat d’arrêt européen, elle doit tenir compte de l’ensemble des aspects matériels pertinents des conditions de détention dans l’établissement pénitentiaire dans lequel il est concrètement envisagé d’incarcérer cette personne, tels que l’espace personnel disponible par détenu ou les conditions sanitaires et ne pas se limiter au contrôle des seules insuffisances manifestes. S’agissant de l’appré- ciation de l’espace personnel disponible par détenu, l’autorité judiciaire d’exécution doit tenir compte des exi- gences minimales découlant de l’article 3 de la Conven- tion EDH. Elle ne pourra écarter l’existence d’un risque réel de traitement inhumain ou dégradant au seul motif qu’il existe des mesures législatives ou structurelles des- tinées à renforcer le contrôle des conditions de déten- tion. La constatation de motifs sérieux et avérés de croire que la personne courra un tel risque ne saurait être mise en balance avec des considérations liées à l’efficacité de la coopération judiciaire en matière pénale ainsi qu’aux principes de confiance et de reconnaissances mutuelles. (Arrêt du 15 octobre 2019, Dumitru-Tudor Dorobantu, aff. C-128/18) Coopération judiciaire en matière pénale, Mandat d’arrêt européen, Notion d’« autorité judiciaire d’émission », Ministère public, Homologation par une juridiction Arrêt de la Cour Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Kammergericht Berlin (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne (­ ci-après « la Cour »), a interprété l’article 6 §1 de la déci- sion-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt euro- péen et aux procédures de remise entre Etats membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI (­ ci-après « la décision-cadre »). Dans l’affaire au principal, un mandat d’arrêt européen a été émis à l’encontre du requérant par le parquet de Vienne en raison, notamment, de vols commis à titre professionnel, passibles, en Autriche, d’une peine d’em- prisonnement d’un maximum d’au moins trois ans au sens de l’article 2 §2 de la décision-cadre. La juridiction de renvoi, nourrissant des doutes quant à la qualité d’« autorité judiciaire » des parquets autrichiens, elle a décidé de n’ordonner qu’un placement en détention provisoire en vue de la remise du requérant aux autorités autrichiennes. Saisie dans ce contexte, la Cour a été interrogée sur le point de savoir si la notion de « mandat d’arrêt euro- péen » doit être interprétée en ce sens que relèvent de cette notion des mandats d’arrêts européens émis par des parquets exposés au risque d’être soumis directe- ment ou indirectement à des ordres ou à des instruc- tions individuels de la part du pouvoir exécutif, dans le cadre de l’émission de ces mandats d’arrêts, ces derniers devant obligatoirement, afin de pouvoir être transmis par lesdits parquets, faire l’objet d’une homologation par un tribunal qui contrôle, dans le cadre de cette procé- dure, les conditions d’émission ainsi que la proportion- nalité desdits mandats d’arrêts. La Cour rappelle que le système du mandat d’arrêt européen est fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle, ­ lui-même justifié par la confiance réciproque entre les Etats membres quant au fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fonda- mentaux reconnus au niveau de l’Union. En vertu de ce principe, seuls les mandats d’arrêts européens au sens de l’article 1er §1 de la décision-cadre doivent être exé- cutés conformément aux dispositions de ladite décision- cadre puisque ce système repose sur la prémisse selon laquelle les mandats d’arrêts européens ont été émis en conformité ave les exigences minimales dont dépendent leur validité, notamment celle relative à l’existence d’un mandat d’arrêt national ou d’une autre décision judi- ciaire nationale. Université de Namur - Bibliothèque Off Campus (extranet) / UNamur Extranet Off Campus (138.48.5.53) Coopération judiciaire en matière pénale, Mandat d’arrêt européen, Notion d’« autorité judiciaire d’émission », Ministère publi... www.stradalex.eu - 16/11/2021 Actualité du droit de l’Union européenne 88 L ’ O b s e r v a t e u r d e B r u x e l l e s • N ° 1 2 0 - Av r i l 2 0 2 0 Si la notion de « décision judiciaire » doit s’entendre, au sens de la décision-cadre, de manière large, comme désignant les décisions adoptées par les autorités par- ticipant à l’administration de la justice pénale, les déci- sions relatives à l’émission d’un mandat d’arrêt européen doivent comprendre les garanties propres aux décisions judiciaires. En effet, une telle émission impose que la personne recherchée ait bénéficié de garanties procédu- rales et du respect de ses droits fondamentaux lors de l’adoption de la décision nationale et lors de l’émission du mandat d’arrêt européen. Ce double niveau de pro- tection vise à garantir à l’autorité judiciaire d’exécution que la décision satisfait aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, à tout le moins, à l’un des deux niveaux de ladite protection. Cette exi- gence impose, d’une part, que la décision d’émettre un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuites pénales soit fondée sur une procédure nationale soumise à un contrôle juridictionnel lors de laquelle la personne recherchée bénéficie des garanties résul- tant des droits fondamentaux et des principes juri- diques fondamentaux. Le contrôle effectué lors de l’adoption d’un mandat d’arrêt doit, d’autre part, comprendre l’examen du respect des conditions nécessaires à l’émission de ce mandat d’arrêt et de son caractère proportionné. Ledit contrôle doit, en outre, être exercé de façon objective en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge, de manière indépendante, ce qui présuppose l’existence de règles statutaires et organisationnelles propres à exclure tout risque que l’adoption d’une décision d’émettre un tel mandat d’arrêt soit soumise à des instructions extérieures. La Cour constate qu’en vertu du droit autrichien, l’émis- sion d’un mandat d’arrêt national ou européen est ordonnée par le parquet, décision qui fait ensuite l’objet d’une homologation puis se voit transmise à un tribunal qui vérifie les conditions d’émission et de proportionna- lité de ladite émission, la décision d’homologation étant susceptible de recours juridictionnel. Toutefois, dans la mesure où les parquets autrichiens sont directement subordonnés aux parquets généraux et soumis à leur injonction, ils ne répondent pas à l’exigence d’indépen- dance. Pour autant, la Cour considère que les décisions rela- tives au mandat d’arrêt européen, telle que transmise par les parquets autrichiens, doivent être considé- rées comme satisfaisant aux exigences d’objectivité et d’indépendance. A cette fin, elle estime que la notion de « décision » doit être interprétée comme visant l’acte sous la forme qu’il revêt lors de son exécution. Or, il est constant qu’en l’absence d’homologation par un tribu- nal, la décision d’émettre un mandat d’arrêt national ou européen ne produit pas d’effets juridiques et ne peut être transmise. Lors de ladite homologation, le tribu- nal contrôle les conditions nécessaires à l’émission du mandat d’arrêt concerné ainsi que sa proportionnalité, au regard des effets de la privation de liberté qu’il entraine. S’agissant de l’homologation d’un mandat d’arrêt euro- péen, le tribunal est tenu de uploads/Politique/doc19.pdf

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